Confrontés aux phénomènes migratoires qui paraissent dans l’actualité, certains hommes politiques s’interrogent sur l’opportunité de remettre en question l’attribution de la nationalité française par le droit du sol.
Encore récemment, M. Nicolas Sarkozy a évoqué cette idée devant des militants Républicains : « Faut-il remettre en cause le droit du sol ? Cette question, incontestablement, peut se poser ».
Eric Ciotti, député, a quant à lui affirmé qu’il fallait rétablir le droit du sang, et que l’on ne devait pas « devenir français par hasard ».
Les propos de M. Ciotti me paraissent a minima imprécis (voire complètement erronés) et appellent à ce titre quelques précisions.
En effet, les modalités d’acquisition de la nationalité française sont prévues par les articles 17 et suivants du code civil, qui distinguent les personnes qui sont françaises dès leur naissance de celles qui acquièrent cette nationalité à leur majorité.
En examinant ces textes, on peut constater que contrairement à ce qu’indique M. Ciotti, le droit du sang constitue en France le principe puisque l’article 18 précise sans ambiguïté que « Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français », ce qui signifie que, quel que soit le lieu de naissance de l’enfant (France métropolitaine, outre-mer ou pays étranger), si l’un de ses parents est français, il sera français dès sa naissance. Le code civil prévoit une possibilité de répudiation de la nationalité française lorsque l’enfant atteint la majorité, dans l’hypothèse où l’un seul de ses parents serait français.
Quant au droit du sol, il ne concerne nullement tout enfant né en France de parents étrangers, contrairement à ce que d’aucuns veulent faire croire.
Deux situations doivent être distinguées à cet égard.
La première est prévue par les articles 19 et suivants du code civil, s’agissant des enfants de nationalité française dès leur naissance :
Il s’agit notamment de :
- l’enfant né en France de parents inconnus (article 19)
- l’enfant né en France de parents apatrides (article 19-1)
- l’enfant né en France dont l’un des parents est né en France (article 19-3), selon la « règle du double droit du sol ».
Cette règle du double droit du sol est apparue en 1851, avec pour objectif de lutter contre la fraude des enfants d’étrangers nés en France qui se soustrayaient aux obligations liées à la nationalité française (militaires notamment) en conservant la nationalité de leurs parents.
Actuellement, ce principe est généralement justifié par le fait que la naissance en France d’un parent et de son enfant démontre leur souhait de s’y installer de façon définitive et, partant, leur nécessaire intégration au sein de la société française.
Seconde mise en œuvre du droit du sol, l’article 21-7 du code civil précise que « Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans ».
Selon ce texte, au-delà de la naissance en France, est exigée une condition d’assimilation d’une durée minimale de cinq années afin de garantir l’intégration de l’intéressé à la société française, ainsi qu’une résidence en France au jour de sa majorité.
L’examen des textes en vigueur permet ainsi de constater qu’aucune part de hasard n’entre en ligne de compte dans l’acquisition de la nationalité française pour les personnes nées en France, qui doivent apporter la preuve des liens privilégiés qu’ils entretiennent avec la France pour espérer s’en dire citoyen un jour.
Soulignons au passage qu’un retour au système du droit du sang intégral pourrait s’avérer problématique pour de nombreux enfants de Français, compte tenu de la difficulté à démontrer la nationalité de ses parents ; il est bien plus aisé pour un individu d’établir sa nationalité française en produisant son acte de naissance, ainsi que celui de ses parents, utilisant de ce fait le principe du double droit du sol.
Je me permettrai de citer, pour terminer, la réplique adressée sur Twitter par mon érudit ami, @ProfesseurBang, à M. Ciotti, puisque comme lui et nombre d’entre vous, je suis devenue française par hasard : parce que mes parents l’étaient. Tout comme M. Ciotti lui-même, d’ailleurs, si ça se trouve.