Le 16 février dernier, M. Nicolas Sarkozy a été entendu par le juge d’instruction du pôle financier de Paris à propos du financement de sa campagne présidentielle de 2012. A l’issue de cet interrogatoire, l’ancien président a été mis en examen pour "financement illégal de campagne électorale pour avoir, en qualité de candidat, dépassé le plafond légal de dépenses électorales", selon le Procureur de la République de Paris, M. François Molins. Il a également été placé sous le statut de témoin assisté pour les chefs d'usage de faux, escroquerie et abus de confiance qui sont liés directement à la mise en place du système de fausses factures.
Les réactions politiques n’ont pas manqué, mettant en évidence pour quelques-unes une méconnaissance certaine des notions juridiques en cause.
Ainsi Mme Valérie Debord a-t-elle tweeté que « Le statut de témoin assisté de @NicolasSarkozy reconnaît son innocence des chefs d'accusations d'escroquerie & d'abus de confiance #vérité ». M. Eric Ciotti a quant à lui précisé que « Mise en examen ne veut pas dire présomption de culpabilité, encore moins condamnation ».
Quelques précisions sur ces notions juridiques déterminées que sont le statut de témoin assisté et la mise en examen pourraient peut-être s’avérer bienvenues.
Le statut de témoin assisté est prévu par les articles 113-1 et suivants du code de procédure pénale. Loin de bénéficier d’un statut à mi-chemin entre celui de témoin et celui de mis en examen [message de service : la jeune @jjalmad est priée de cesser de convulser], le témoin assisté est une personne qui a le droit d’être assistée (oui, la formule a dû être complexe à trouver) d’un avocat lorsqu’elle est entendue par un juge d’instruction, son conseil ayant accès au dossier.
Doivent être entendues sous le statut de témoin assisté les personnes nommément visées par un réquisitoire introductif du Procureur de la République et qui ne sont pas mises en examen, ainsi que celles qui sont nommément visées dans une plainte à la condition qu’elles le souhaitent.
Peut également être entendue comme témoin assisté la personne contre laquelle existent des indices rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer comme auteur ou comme complice à la commission des faits dont le juge d'instruction est saisi.
Un témoin assisté n’est donc rien de plus qu’un témoin disposant du droit à l’assistance d’un avocat, susceptible de voir son statut modifier et de faire ultérieurement l’objet d’une mise en examen par un juge d’instruction. Il ne peut faire l’objet de mesures de sûreté (placement sous contrôle judiciaire ou détention provisoire, par exemple) ni, bien entendu, être renvoyé devant une juridiction de jugement, peut solliciter une confrontation avec les individus qui le mettent en cause et la traduction des pièces essentielles du dossier. Il peut également former des requêtes en annulation et solliciter sa propre mise en examen. Et c’est à peu près tout.
On le voit donc, le statut de témoin assisté accordé à M. Sarkozy n’est en aucun cas une déclaration d’innocence (ni, évidemment, de culpabilité) concernant les faits d’escroquerie et abus de confiance au sujet desquels enquête le juge d’instruction. La procédure d’information judiciaire va se poursuivre, et pourra éventuellement donner lieu à la mise en examen de l’ancien président, ou le laisser jusqu’à son terme bénéficier de ce statut.
La mise en examen est quant à elle prévue par l’article 80-1 du code de procédure pénale et concerne les personnes « à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions » dont le juge d’instruction est saisi.
Autrement dit, si la mise en examen de M. Sarkozy n’équivaut nullement à une présomption de culpabilité, elle indique en revanche que la justice a de forts soupçons de culpabilité à son propos concernant les faits en cause.
En l’état, ces soupçons paraissent d’autant plus logiques que l’infraction pour laquelle l’ancien Président est désormais mis en examen est celle de dépassement du plafond des dépenses électorales. Cette infraction assez formelle, prévue par l’article L 113-1 du code électoral, est constituée dès lors que le candidat concerné aura intentionnellement dépassé le plafond fixé. En l’occurrence, il semble qu’un dépassement de plafond à hauteur de 22,5 millions d’euro ait été enregistré.
Le mis en examen est, lui, partie à la procédure, ce qui signifie qu’il peut à tout moment demander au juge d’instruction de procéder à des auditions, confrontations, transport sur les lieux, et plus généralement à tout acte utile à la manifestation de la vérité.
Point d'innocence ni de culpabilité à ce stade : seule une juridiction de jugement (un tribunal correctionnel, par exemple) peut décider de la culpabilité d'un prévenu.
Les interprétations de la loi proposées par les élus sus-cités paraissent donc pouvoir être qualifiées de particulièrement libres. Mais laissons la justice faire son travail, et soyons sûrs, au vu de la vitesse de propagation de certains éléments de dossiers sensibles dans la presse, que nous serons les premiers informés de tout élément nouveau.