François Hollande serait-il "L'homme sans com'" comme le soutient le communicant Denis Pingaud ? En tout cas, le président entend faire savoir que non. En témoigne son apparition dans le reportage de France 2, consacré à sa cellule internet chapeautée par son conseiller en communication, Gaspard Gantzer, dont j'ai déjà souligné le rôle essentiel dans la professionnalisation de la communication de l'Elysée. Cette mise en abyme de la com' interroge quelque peu. Faire la com' de la com' serait-il le nouveau mantra élyséen ?
Habemus communicator ou la stratégie du "pilote dans l'avion"
"Le gouvernement Ayrault était nul en com'." " Les Français s'attendaient à un plan de bataille, ils ont eu un plan de com'." "Manuel Valls fait trop de com'." Accusés de creuser plus encore le fossé entre le peuple et les dirigeants, les communicants ont mauvaise presse au sein de l'opinion. Au point de se demander s'ils ne sont pas devenus aussi détestés que les traders autrefois. "Couacs", "erreurs de com'", "problème de communication"... les décrypteurs, aux aguets, les commentent à longueur de plateaux télés. Et, pourtant, François Hollande a décidé de participer à ce reportage de France 2 consacré à ses équipes de communication. Bien évidemment, cette stratégie répond au désir de se mettre en scène dans le cadre de la campagne électorale de 2017, déjà lancée depuis quelques mois. Elle vise également à faire montre de transparence : oui, l'opinion est décryptée sous toutes ses coutures pour ajuster en permanence la communication. Les équipes ont jugé bon de montrer qu'il y a "un pilote dans l'avion" et que la com' est désormais essentielle au président pour la reconquête de l'opinion.
La communication performative ou comment "dire" est devenu "faire"
S'il faut penser en politiques et agir en communicants, jamais l'inverse, pour certains, la communication est aujourd'hui intrinsèquement liée à l'action. Bille en tête, Manuel Valls, avant même que François Hollande ne fasse sienne cette stratégie. Il s'en explique le 4 avril 2014 en marge du premier conseil des ministres, comme le rappelle Le Monde :
« Dans nos démocraties modernes, la communication n'est pas un vain mot. Elle est le véhicule de l'action, de la réforme au service de l'intérêt général. L'action politique doit donc être conduite dans une parfaite intégration des contraintes de la communication. A l'heure des chaînes d'information continue et des réseaux sociaux, maîtriser le message adressé aux Français demande le plus grand professionnalisme. Les ministres y veilleront, et il m'appartiendra de coordonner et de valider la communication gouvernementale. »
Pour lui, la communication doit être "performative", au sens de John Austin. Dans son ouvrage "Quand dire, c'est faire", le philosophe explique, que produire l'énonciation, c'est exécuter l'action. Mais cette stratégie a-t-elle encore un sens quand les citoyens sont capables de la décrypter ?
Communiquer sur les équipes ou l'art de faire du jeunisme
Faire la com' de la com', oui, mais le reportage va vite en besogne. Ce n'est pas la "cellule communication" dans son entier, relations presse et publiques incluses, qui nous est donnée à voir. Non. C'est la cellule internet avec à sa tête Frédéric Giudicelli et Mehdi Mebarki, qui faisaient déjà partie de l'équipe précédente installée à l'Elysée depuis le début du quinquennat. L'intérêt est évident, il s'agit de montrer que le président est au fait des nouvelles technologies via son équipe de "jeunes trentenaires" aux manettes. La médiatisation de ses équipes correspond en tout point à sa tentative de séduction de l'électorat jeune, ancré à gauche. Article dans le magazine Society, intervention dans le Supplément sur Canal+, reportage en immersion d'i>Télé, papier sur les trentenaires du Château – qui a marqué les esprits via la photographie désastreuse de l'équipe immortalisée sous les ors de la République... Le président s'adresse aux trentenaires, tout en tentant de dépoussiérer les lambris dorés pour montrer que son équipe n'est pas déconnectée de la réalité. "La forme, c'est le fond qui remonte à la surface", disait Victor Hugo. Bien sûr, communiquer est essentiel pour être entendu dans ce flot continu de messages cathodiques. Non pour se formater, mais, bien au contraire, pour révéler ses aspérités et tenter de faire passer son message singulier. Surtout lancé en pleine campagne présidentielle pour 2017, alors même que revient sur le devant de la scène Arnaud Montebourg, l'archétype du communicant politique par excellence.
Seul problème, à force de faire de la com' de la com', soit de la "meta-com'", la langue des politiques s'est vidée de son sens depuis des années déjà. Elle ne dit plus rien. Encore moins aux citoyens. Les politiques comprendront-ils un jour que la communication n'est et ne sera jamais l'alpha et l'omega de l'action politique ? Percevront-ils que les Français attendent d'abord et avant tout des idées ? Prendront-ils la mesure de la révolte qui gronde et qui ne manquera pas d'éclater si l'offre politique se résume à l'affiche décrépie de 2012 ?
Anne-Claire Ruel
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