Nicolas Sarkozy and Co : pourquoi le roman-photo estival est-il devenu partie intégrante de leur stratégie de com' ?

A la vue de la photographie de Une de Paris-Match sous-titrée mièvrement "deux amoureux en vacances", mettant en scène Carla et Nicolas Sarkozy sur un scooter au Cap Nègre, j'avoue, j'ai souri en pensant à la chanson de Niagara "L'amour à la plage". Perfides, d'aucuns sur twitter se sont d'ailleurs empressés de rebaptiser Carla "sa légitime", pour appuyer cette hagiographie imagée du couple par opposition à notre Président. Et puis, en découvrant l'encart, j'ai été prise d'un véritable fou rire : "Le bain de mer de Giulia sur une plage publique"."Publique"... Nicolas Sarkozy, homme du peuple, n'hésite pas s'afficher "publiquement" parmi les vacanciers. On frôle le publi-rédactionnel deux semaines tout juste après son entrevue avec Jean-Marie Rouart, l'académicien, pour parler littérature dans le même magazine. Je ne reviendrai pas ici sur la polémique portant sur le port du casque (il semble d'ailleurs qu'il soit coutumier du fait), ni sur la référence évidente à François Hollande en forme de tacle ("je suis sans casque"/"ma femme est officielle, elle"). Pas non plus besoin d'être Olivia Pope, l'héroïne à la tête d'une agence de relations publiques de la série "Scandal", pour imaginer que ceci ait pu être mis en scène. Rien de très nouveau, tant le roman-photo des vacances des politiques fait désormais partie intégrante de leur stratégie de communication. Pourquoi ? Le point sur ce phénomène.

1 Parce que temps de crise, on prend du "repos", on ne part pas en "congés"

"Je ne vous souhaite pas bonnes vacances puisque vous n'êtes pas censés en prendre", lancera François Hollande à ses ministres lors du dernier Conseil du 19 décembre 2012. Bizarrement, durant la période estivale, les politiques partent en "repos". Mais jamais, au grand jamais, en "congés" car l'on connaît le pouvoir symbolique des mots. Il faut dire que le Président a compris la leçon. Les Français ne lui ont jamais pardonné ses vacances d'été 2012. Consigne a donc été donnée : les ministres peuvent partir en vacances, mais leur lieu de villégiature ne doit pas être situé à plus de deux heures de Paris. A tel point qu'une cartographie de leurs points de chute pourrait se confondre avec le tracé du Tour de France. Il faut donner l'image d'un gouvernement peu dépensier et mo-bi-li-sé. Et ce, même l'été, sous peine de se voir chahuter au retour dans les médias à la rentrée. Aurélie Filippetti en vacances à l'Ile Maurice et Laurent Fabius, sur les plages de Zanzibar l'ont compris à leurs dépens. Depuis le traumatisme de la canicule de 2003 et l'image désastreuse du Ministre de la Santé du gouvernement Raffarin répondant aux questions des journalistes en polo bleu dans son jardin, les politiques veillent au grain. Ne pas paraître déconnectés tout en montrant qu'on est un Français comme les autres, la tâche est plus qu'ardue.

2 Parce que les vacances, c'est "LE" moment pour s'adonner au people

"Où les politiques passent-il leurs vacances cette année ?" Un air de déjà-lu ? Les papiers sur la destination de vacances des politiques sont un marronnier de l'été. En témoigne le désormais rituel sondage estival : "Avec quels hommes politiques les Français préfèreraient partir en vacances ?" Transparence oblige, il faut révéler son lieu de villégiature aux médias. Et tant qu'à faire, il serait de bon ton qu'il soit rattaché à un ancrage familial, par souci d'authenticité et de sobriété. Mais pour vivre heureux, vivons cachés : cela n'empêche pas certaines personnalités politiques de refuser catégoriquement de communiquer sur leurs vacances. C'est le cas notamment cette année de Dominique de Villepin, Ségolène Royal ou encore Cécile Duflot.

Il n'empêche, les vacances sont par définition "LE" moment people des politiques. Et cela ne date pas d'hier. Georges Pompidou aux commandes d'un bateau "Arcoa" avec son épouse Claude le photographiant lors de leurs vacances à Brégançon. François Mitterrand se promenant à Belle-lle-en-Mer ou bien encore à Latché. Jacques Chirac prenant des bains de foule à Brégançon. Et pourquoi pas en août François Hollande dans une manifestation publique en Corrèze avec Julie Gayet ? Le politique se met en scène pour donner à voir l'image d'une femme ou d'un homme proche de ses concitoyens. Celle d'un mari, d'un père de famille, d'un ami. Un bémol. Lorsque cela débouche sur l'organisation d'un véritable "roman-photo" au service du storytelling personnel, la ficelle est si grossière qu'elle produit l'effet inverse. L'homme politique qui veut paraître "normal" devient alors un "poseur" anti-naturel aux antipodes des Français. Il en va ainsi de la séance photo acceptée par Nathalie Kosciusko-Morizet pour le Parisien, lors de ses vacances en Normandie.

"C’est dans un hameau agricole situé à quelques encablures de Sainte-Mère-Eglise (Manche) et des plages du Débarquement, bien à l’abri des regards, que Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate UMP à la mairie de Paris, prend, chaque année, ses quartiers d’été. En famille, forcément, avec son mari Jean-Pierre, ses deux garçons Paul-Elie (8 ans) et Louis-Abel (3 ans et demi), et même belle-maman" précise le Parisien.

NKM fait son marché. NKM à la plage. NKM fait du jardinage. NKM un bouquet de fleur dans les mains, près de la mer. Tout sonne faux, artificiel. Et pourtant, le storytelling par l'image continue d'être une préoccupation majeure de la candidate à l'élection présidentielle de 2017. Nicolas Sarkozy, quant à lui, utilise aujourd'hui ses clichés de vacances pour déconstruire l'image "bling-bling" de son précédent mandat. Faire oublier ses vacances sur un yacht mouillant dans les eaux maltaises. Montrer que les "affaires" n'ont pas de prise sur sa sérénité. Nourrir son image d'homme encore jeune car sportif, avec un enfant en bas âge. Tel est le dessein escompté.

3 Parce qu'il faut donner l'image d'un homme libre, serein, reposé et donc apte à exercer une fonction d'autorité

«Je recommande à tous mes amis de l'UMP d'avoir une hygiène de vie un peu plus saine. Qu'ils fassent du sport, qu'ils prennent leurs baskets, qu'ils se détendent, qu'ils se couchent tôt, qu'ils s'occupent de leur famille, de leurs enfants, qu'ils prennent des vacances, qu'ils se reposent», a déclaré Bruno Le Maire sur Radio Classique et LCI suite aux différends opposants les ténors de l'UMP. "Mens sano in corpore sano", cette citation extraite de la dixième Satire de Juvénal répond également à un objectif de communication : donner à voir l'image d'un homme sportif et donc potentiellement apte à exercer le pouvoir dans de bonnes conditions. Valéry Giscard d'Estaing en maillot de bain sur un rocher, Dominique de Villepin sortant des eaux, Nicolas Sarkozy sur son vélo sont des images associées à notre panthéon collectif du roman-photo des vacances politiques. A coups de suggestions imagées, on associe le corps, l'effort sportif, à un homme pour lui en attribuer les qualités symboliques de force et de virilité.

Si les politiques partent en vacances -pardon- se reposer, la gestion de leur image semble, elle, un travail à plein temps.

 Anne-Claire Ruel

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