Démission du gouvernement et stratégie de communication : l'effet boomerang

Arnaud Montebourg, ancien ministre de l'Economie, quitte le palais de l'Elysée, le 28 avril 2014. (MAXPPP)

On pensait que la rentrée des classes médiatiques serait calme, il n'en a rien été. Branle-le-bas de combat en ce jour de libération de Paris. Créant la surprise en présentant ce matin la démission de son gouvernement, suite aux propos tenus par Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, Manuel Valls a bouleversé les programmes des grilles de rentrée méticuleusement préparées. Ce qui aurait dû être perçu comme un message fort de la part de l'exécutif, tentant de reprendre la main en faisant preuve d'autorité, est en train de se retourner contre le couple Hollande-Valls. Comment en est-on arrivés là ? La réponse en 4 points.

1 Parce que sortir Arnaud Montebourg du jeu, c'est le légitimer en tant que leader des frondeurs

Ils le savent pertinemment : François Hollande et Manuel Valls n'ont que six mois devant eux pour inverser la donne. Pas plus. En s'assurant de la démission de l'ensemble du gouvernement, ils jouent leur va-tout. Au plus bas dans les sondages, ils subissent de plein fouet la crise de défiance de l'opinion qui les accusent d'inefficacité, voire pire, d'inaction. Laisser-faire, c'était sombrer dès aujourd'hui. Il leur fallait frapper vite et fort et envoyer un uppercut aux voix dissonantes du gouvernement, mais également aux députés frondeurs en les menaçant implicitement de dissoudre l'Assemblée Nationale. Seul hic, renvoyer Arnaud Montebourg en Saône-et-Loire c'est précisément le légitimer en tant que leader de l'opposition au sein de la majorité. Tout du moins pour l'opinion publique. Côté politique, rien n'est moins sûr. Une fois "libéré" de ses fonctions, gageons qu'il prendra très vite la parole pour présenter ses idées dans l'optique de l'élection présidentielle de 2017, tout en essayant de rallier à sa cause les sympathisants Front de Gauche -privé de Jean-Luc Mélenchon-, mais aussi les écologistes pas vraiment prêts à montrer un signe d'allégeance au pouvoir en place.

2 Parce que ces ministres donnent l'impression qu'ils ont eux-mêmes choisi de partir

Le point commun entre les sortants ? Donner l'impression que cette situation a été délibérément choisie. Un tour de force. Le vrai effet boomerang de cette décision en matière de communication. Aurélie Filippetti avec sa lettre adressée au Président devance son inévitable éviction. Arnaud Montebourg via son discours post-licenciement donne l'impression d'être parti de lui-même. Ce qui se voulait une démonstration d'autorité managériale du couple Valls-Hollande est désormais perçue comme une simple réaction à la décision des frondeurs de quitter le gouvernement. Un comble lorsqu'on sait que les staffs d'Arnaud Montebourg et de Benoît Hamon ne s'attendaient absolument pas à cette réaction. "Je croyais nécessaire de reprendre ma liberté" clamera Montebourg. Certes, mais sans doute pas aussi rapidement. En revanche, si la consternation a été totale, la réaction -elle- a été immédiate. Profitant du silence de Manuel Valls, contraint de constituer le plus rapidement possible un gouvernement, et des images désastreuses de François Hollande sous des trombes d'eau, ils ont trusté les plateaux et autres duplex des chaînes d'information, reprenant l'avantage dans le bras de fer médiatique.

3 Parce que les sortants opposent leurs convictions à un "effet" de communication

Tout l'enjeu pour les sortants est et va être de montrer que leur "choix" -ou non-choix- a été de rester fidèles à leurs convictions, tout en pointant l'absence de débats au sein du gouvernement. Pour résumer le propos de leurs partisans, si Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Aurélie Filippetti ont décidé de quitter le gouvernement, c'est par convictions politiques. Soit par loyauté envers leurs valeurs. Manuel Valls, lui, réagit à une situation médiatique, pour s'adonner à ses penchants de communicant. Ironique, lorsqu'on se doute que dans les semaines à venir, ces politiques vont squatter les plateaux de télévisions et autres studios de radio, pour organiser l'opposition.

4 Parce que se profile déjà l'après Hollande et l'élection présidentielle de 2017

Nicolas Sarkozy est resté silencieux, mais parions qu'il se déclarera candidat en milieu de semaine, en pleine guerre fratricide entre militants PS sur fond d'Université d'été à La Rochelle. Lui qui s'était pourtant fait devancer par Alain Juppé, bénéficie aujourd'hui d'un nouveau couloir d'envol : la séquence qui vient de se jouer a effacé la précédente. Son staff commence d'ailleurs à réactiver son compte instagram en s'abonnant aux journalistes politiques. La machine est prête. Les moteurs vrombissent. Cette situation inédite - et bénie- lui est favorable. Le PS apparaît finalement aussi ravagé et rongé de l'intérieur que l'UMP. La popularité de Manuel Valls, censée protéger -un temps- un François Hollande en chute libre dans les sondages, devait être artificielle puisqu'elle a fondu comme neige au soleil à l'épreuve du pouvoir.

Quoi qu'il en soit, la situation n'est pas brillante. La colère est immense et Arnaud Montebourg ne semble pas plus convaincre l'opinion. Brice Teinturier, directeur général délégué de l'Institut Ipsos, l'évoque dans l'entretien accordé à Hervé Brusini pour Francetv info : "Le mécontentement est réel, puissant. Pour autant, il n’y a pas, dans l’opinion, une croyance forte dans une politique alternative. Nous sommes donc dans le pire des schémas : un refus de ce qui est mis en place, et une défiance à l’égard d’une "autre" politique. Et du côté de l’opposition, il n'y a pas de projets particulièrement crédibles, et encore moins un leader affirmé…"

Sans doute allons-nous maintenant entendre les uns et les autres réclamer de plus en plus fort l'émergence d'une VIème République. Les partis sont morts et sur le point d'être enterrés. Mais qui pour tout refonder ? Et si sonnait -enfin- l'heure d'une jeune garde politique ? 

 Anne-Claire Ruel

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