Mouvements sociaux : le gouvernement n’a rien à perdre à ne pas céder

Poitou-charentes.france3.fr © Thomas Samson / AFP Les leaders syndicaux ont rencontré le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier (2ème à droite) au ministère, jeudi 12 juin 2014.

La plupart des usagers ne comprennent pas les raisons de la grève à la SNCF. Pour les candidats au Bac elle risque de surajouter au stress de l’examen. Les intermittents peuvent espérer plus de soutien de la part des français qui s’apprêtent à boucler leurs valises de festivaliers, mais ils n’approuvent pas leurs revendications. Cependant pour le Président, il n’y aura aucun impact de ces mouvements sociaux sur sa popularité ni en positif ni en négatif. François Hollande n’a donc rien à craindre dans ces conflits. Il aurait même tout intérêt à tenir bon, car le mal est fait. En effet comme l’a démontré en 1932 l’économiste John Hicks, c’est la menace de grève qui est plus efficace que la grève elle-même. Elle incite à la négociation rapide et s’avère bénéfique aux deux parties. Alors qu’une fois engagé, le conflit génère des pertes pour tous, de sorte que n’ayant plus rien à perdre, chaque partie se radicalise.

Rien à perdre mais y-a-t-il quelque chose à gagner pour le Président ?

Depuis 2012: une certaine « bienveillance syndicale » à l’égard de François Hollande

Les syndicats, qui dans leur ensemble, ont plutôt soutenu François Hollande lors de la présidentielle de 2012, étaient restés jusqu’à présent un peu en retrait. Aujourd’hui ils se réveillent, mais ils marchent en ordre dispersé. La CGT renoue avec le rôle de contre-pouvoir habituellement dévolu à ces organisations. Alors que la CFDT a choisi le compromis en signant par exemple –avec FO et la CFTC – les accords sur l’assurance chômage.

Mais le Président a laissé passer sa chance

Paradoxalement, on observe que jusqu’à présent, cette « bienveillance syndicale » et l’absence de mouvements sociaux généralisés, n’ont pas profité au Président de la République. Ne parvenant pas à capitaliser sur le calme apparent du climat social, affecté par des marques d’oppositions au sein même de son propre camp, il n’a pu éviter de sombrer dans une impopularité record.

Par le passé, combien de Présidents et de Premier ministres, parfois en cohabitation, ont vu leurs cotes impactées par des mouvements sociaux. En 1994, le « Smic Jeune » pénalise Edouard Balladur, puis ce sera au tour d’Alain Juppé en 1995 avec son plan de financement de la protection sociale et deux ans plus tard Lionel Jospin affrontera le blocus des routiers.

Cependant, les mouvements sociaux actuels ne devraient pas atteindre le Président, selon notre étude

Notre étude du soutien aux mouvements sociaux reliés à la popularité de l’exécutif sur 1995 à 2013 (Ifop), révèle une influence variable selon l’origine des conflits (Voir méthodologie sur http://www.electionscope.fr ). Ainsi, il semblerait que François Hollande ait moins à craindre d’un mouvement social des cheminots ou des intermittents du spectacle que d’un conflit avec les chauffeurs routiers, la police, les professionnels de la santé ou les lycéens (voir graphique ci-dessous).

 

Le pire pour un exécutif: être impopulaire quand les mouvements sociaux sont populaires

En moyenne, à long terme 2 français sur 3 soutiennent les mouvements sociaux … et plus d’1 français sur 2 désapprouve l’exécutif

Les mouvements sociaux qui impliquent la police, les chauffeurs routiers, les professions de la santé, ou encore les lycéens génèrent un coût en termes de crédibilité de l’exécutif. Dans une moindre mesure, c’est encore le cas pour des motifs « défensifs » plus socio économiques tels que le temps de travail, la fonction publique ou encore mais de façon plus ténue, l’emploi  le pouvoir d’achat et les retraites (quadrant inférieur droit du graphique).

Mais il y a  aussi des mouvements plus impopulaires que d’autres

Le mouvement des cheminots comme tous les mouvements donnant le sentiment de défense d’intérêts catégoriels (défense des entreprises publiques, buralistes, statut des  fonctionnaires de l’éducation nationale, …) ne sont généralement pas bien vus de l’opinion publique. Historiquement ces mouvements coexistent le plus souvent avec le maintien de la popularité de l’exécutif (quadrant supérieur gauche du graphique).

Concernant le mouvement des intermittents, il reçoit normalement le soutien de l’opinion, mais sans affecter l’exécutif. C’est encore le cas des opérations déclenchées par les chercheurs, les agriculteurs ou les syndicats défendant la survie des groupes industriels privés (quadrant supérieur droit). Dans ce cas, les français soutiennent et comprennent mais n’incriminent pas forcément l’exécutif dont ils connaissent la faiblesse des marges de manœuvre.  

Enfin, si l’exécutif n’a rien à perdre à ne pas céder, il n’a aussi rien à gagner à laisser dégénérer les conflits.

Tout en étant moins soutenus, certains mouvements fédèrent des mécontents de chaque camp politique qui critiquent l’exécutif mais pas forcément pour les mêmes raisons. Si l’on en croit notre étude, des causes complexes, que l’opinion à du mal à comprendre  deviennent vite impopulaires sans que cela ne profite à l’exécutif.

N’est-ce pas un peu le cas aujourd’hui ?

Qui comprend les revendications des cheminots, qui se sont un temps opposés à la scission et qui aujourd’hui rejettent le rapprochement SNCF et RFF (réseau Ferré de France) ?

Idem pour les intermittents, qui ne sont populaires que pour le côté spectacle : les festivaliers refusent qu’un conflit gâche leurs loisirs, mais en même temps 60% des français se disent favorables à la suppression de leurs régimes spécifiques (sondage Tilder-Lci- Opinion Way 12/06/2014).

Alors cèdera ou cèdera pas ? quoi qu’il en soit une chose est sure, la popularité de François Hollande n’en sera pas affectée.