Si la mesure était mise en place, l’économie publique définissant les caractéristiques de ce qu’il convient d’appeler des biens publics impurs telles que les autoroutes, prévoit un effet contreproductif et à l’opposé des objectifs assignés aux systèmes mis en place. S’il y a des péages aux entrées des autoroutes c’est justement pour tenter de régler les problèmes de congestion qui altèrent la qualité du service rendu et conduisent aussi à un plus grand développement de la pollution.
Ainsi, en proposant une gratuité des autoroutes le dimanche, Ségolène Royal ne risque-t-elle pas de provoquer une plus grande affluence sur des autoroutes souvent saturées ? C’est malheureusement un des effets non maîtrisé d’une mesure qui a pour objectif d’inciter les individus à se déplacer en plus grand nombre, afin qu’ils consomment plus de biens et services touristiques (restaurants, hôtels, biens et équipement culturels et de loisirs…) et ce faisant, qu’ils fassent repartir la croissance. Cependant la saturation que l’on peut attendre sur les autoroutes va engendrer une baisse de qualité du service proposé et plus grave encore, va participer à un accroissement significatif de la pollution
Qu’est-ce qui définit un bien public ?
C’est un bien qui ne passe pas par le marché. En disant cela on signifie que le bien n’est pas vendu mais mis à disposition des utilisateurs à titre gratuit ou quasi gratuit. Si un prix est demandé il doit être inférieur à 50% du coût de production. Dit autrement un tel bien ne peut pas être produit efficacement par le secteur privé. Seule la puissance publique peut en assumer la production et le financement.
Le jargon de l’économiste pour définir les caractéristiques du bien public pur comme l’éclairage public par exemple.
Non divisibilité, non rivalité de consommation, et non exclusion d’usage sont les trois caractéristiques qui définissent les biens publics purs. A la différence d’un bien privé, le bien public pur –tel que l’éclairage public – se consomme dans sa totalité (non divisibilité) je profite de toute la puissance du lampadaire. De surcroît, ma consommation n’affecte pas celle des autres individus qui peuvent eux aussi consommer le bien public pur dans sa totalité (non rivalité de consommation) sur le trottoir les passants profitent tous et de la même façon des bienfaits de l’éclairage public. L’on ajoute qu’il suffit d’être sur le trottoir pour avoir accès gratuitement à l’éclairage, dit autrement l’absence de système de prix vaut absence de barrière à l’entrée de sorte qu’on ne peut exclure personne de cette consommation (non d’exclusion d’usage).
En résumé, le bien public pur n’est donc pas un gâteau que l’on partage, car ici on consomme chacun le gâteau dans sa totalité. Mais, cette consommation ne réduit pas la consommation des autres passants. Enfin, ne passant pas par le marché, il n’y a pas de barrière à l’entrée car pas de prix. Dès qu’il y a un financement pour le bien, il est produit et dès lors il est mis à disposition de tous.
L’autoroute : un bien public impur (ou mixte)
La route correspond globalement à cette idée sur les aspects de la gratuité et du libre accès. Alors pourquoi, lorsqu’il s’agit de l’autoroute a-t-on instauré les péages comme autant de barrières à l’entrée ? Les raisons sont à trouver du côté de l’altération des caractéristiques qui font de cette infrastructure un bien public impur ou dit encore bien public mixte.
En effet, un des gros problèmes de l’autoroute ce sont les embouteillages et chacun comprend aisément –car c’est du vécu- que trop d’autos tuent l’autoroute !
Sur l’autoroute force est de constater qu’a priori le service rendu est le même pour tous les automobilistes. Tout conducteur d’un même type de véhicule (puissance du moteur) peut a priori accomplir les mêmes distances dans des temps comparables et dans des conditions identiques de sécurité. Les performances possibles ne se divisent pas disait Jean Bénard un des grands spécialistes de l’économie publique. Cependant, l’autoroute ayant un nombre de voies limité, sa capacité d’accueil dans ces conditions normales est elle aussi limitée. Le trafic est variable, et parfois on arrive à saturation, ainsi une certaine divisibilité apparaît. Le péage est instauré pour produire une exclusion d’usage partielle et agir –à la baisse- sur les effets d’encombrement.
De l’utilité du péage
Le péage cherche à réduire la congestion nuisible à la qualité du bien. On a démontré en économie publique que quantité consommée et qualité du bien étaient liées dans une relation inverse. Dit autrement plus il y a de véhicules qui empruntent l’autoroute et plus la qualité diminue (vitesse de déplacement réduite pour cause d’embouteillage voire de saturation).
Graphique 1 – La courbe d’encombrement ou la relation inverse entre qualité de l’air et quantité de trafic autoroutier
De surcroît, le graphique 1 indique que cette utilisation excessive conduit à des problèmes plus graves encore, notamment de pollution et c’est pour cette raison que le péage se justifie. On peut alors calculer en théorie un péage optimal définissant un trafic acceptable et garantissant un niveau minimum de qualité de l’air. Certes il existe un péage noté « maximum » sur le graphique qui permettrait d’annuler toute pollution mais aussi … tout trafic ! Le prix prohibitif agirait comme une barrière à l’entrée, aucun automobiliste n’accepterait de payer. Mais il y a plus grave encore, à l’opposé l’absence de péage conduirait à un encombrement routier maximum et à une pollution maximum !
Ainsi, le péage s’inscrit dans une logique qui peut s’assimiler à celle du pollueur – payeur. La pollution fait partie de ces nuisances (externalités négatives dans le jargon des économistes) qui portent atteinte au bien-être du consommateur, et au-delà qui hypothèquent les conditions de consommation des générations futures.
Certes, on ne peut garantir que faire payer l’accès à l’autoroute est le moyen qui à 100% assure de réduire la pollution, des effets d’encombrements et donc de pics de pollution persistent, mais c’est surtout sur les autoroutes payantes les jours des grands départs en vacances ou en week-end. A contrario on observe aussi que les embouteillages quotidiens autour de la capitale, se font sur des autoroutes urbaines sans péage. Ainsi, on peut affirmer que le péage a sa part dans une lutte active conte la pollution, l’éliminer ne peut se faire qu’au risque d’une pollution plus importante.
Ségolène Royal ne peut pas décider d’une mesure qui provoquerait un pic de pollution
Des autoroutes gratuites le dimanche, pour inciter les français à sortir plus et à consommer plus ; si l’idée pouvait sembler bonne a priori elle bute sur deux écueils : l’ouverture des commerces ce jour là étant limitée elle réduit aussi les retombées positives attendues, de surcroît on a souvent observé que la gratuité favorisait des comportements de surconsommation, on peut donc s’attendre à une augmentation du trafic et donc à un accroissement significatif de la pollution … ce qui est un comble pour une ministre de l’écologie et du développement durable.