Spéciale Apocalypse : des effets spéciaux, pour quoi faire ?

Comment raccorder le passé centenaire au présent ? En retrouvant les lieux exacts des photos d'époque, par exemple, et en les recadrant à l'identique. Simple ? En théorie, oui. En pratique, c'est une autre paire de manche ! Le reporter peut-il donner des explications face caméra en incrustant son image dans l'archive ? C'est possible ; la rubrique météo le fait tous les jours avec ses cartes ; mais en décor naturel c'est plus compliqué ; et est-ce souhaitable ? Où s'arrête la pédagogie et où commence l’esbroufe ? L'archive peut-elle apparaître progressivement pendant que le journaliste parle sur l'image d'aujourd'hui ? Là, ça devient plus complexe. Jusqu'à quel point ? Voilà le genre de discussion que j'ai eu il y a deux mois avec Nicolas Chateauneuf.

Et voilà ce que ça a donné. Reportage d'ouverture de la spéciale Apocalypse-Verdun signé Nicolas Chateauneuf, Jérémie Rénier, Florence Curtet, Victor Blanco et Nord Drone Services ; montage d'Olivier Sauvayre.

https://youtu.be/Tb_PNjJX8Fo

Pas mal, non ?

Les techniques utilisées ici ne sont pas nouvelles, même si elles sont en perpétuelle amélioration. Interview de Nicolas Chateauneuf, passionné d'Histoire comme moi. C'est lui que vous voyez régulièrement au 20h nous raconter le monde passé, présent et futur en trois dimensions et en réalité augmentée.

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Quelles difficultés posait ce reportage ?

"La première difficulté était de trouver de bonnes photos, au sens du contenu mais aussi de la qualité technique. Il m'a fallu ensuite trouver les lieux correspondants et m'assurer de leur aspect actuel. Pour cela j'ai utilisé un site d'images géolocalisées bien connu... 

Ensuite, il nous fallait trouver les angles exacts à chaque prise de vue, avec une focale comparable à celle du photographe de l'époque. Ce travail est extrêmement minutieux. Nous avons nos petites techniques pour nous ajuster au mieux ; nous les gardons pour nous..."

Quand tu es dans le cadre, tu en sors au fur et à mesure que l'image d'archive apparaît. Pourquoi ?

Notre objectif est de montrer à quel point des lieux topographiquement identiques ont durablement changé. Qu'apporterait la présence anachronique d'un journaliste dans l'image d'archive ? (on n'est pas dans Forrest Gump, ndlr). C'est une question de sens, mais aussi de respect. Nous avons néanmoins joué l'anachronisme de fait en ajoutant du son pour rendre notre trucage plus immersif, mais avec parcimonie et en veillant à la "vraisemblance" des sons en question."

la pluie et la boue de Verdun n'ont pas besoin d'effets spéciaux...

la pluie et la boue de Verdun n'ont pas besoin d'effets spéciaux...

Cette question de la limite à ne pas franchir est notre obsession. Le trucage numérique n'est pas destiné à nous permettre de "faire les marioles", même si on ne détesterait pas ça ! Il doit faire sens du début à la fin. Sur toutes les télés du monde, on voit des innovations tous les jours. Comble de l'absurde, des confrères américains ont récemment interrogé leur envoyé spécial en Irak sous la forme d'un hologramme projeté sur leur plateau. Autrement dit ils ont envoyé un reporter sur le terrain à des milliers de km pour l'interroger virtuellement à deux mètres du présentateur !

D'autre part un trucage raté entraîne immanquablement un certain ridicule. L’œil du téléspectateur est habitué aux effets spéciaux du cinéma de fiction. Un truc "cheap" nous attirerait tout de suite quelques quolibets...

Interview d'Arnaud Vincenti, notre directeur artistique :

Arnaud Vincenti

Arnaud Vincenti

Qu'est-ce que la parallaxe en infographie ?

"La parallaxe, c'est l'opportunité de disposer d'images (d'archives en l'occurrence, ndlr) et d'en détourer certains éléments pour les faire ressortir. Il y a dans une bonne photo, un premier plan, un deuxième plan et un ou plusieurs arrière plans. Dès lors que nous avons ce type d'image, on peut détourer chaque plan.

Ensuite un logiciel de motion design (https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Motion_design) nous permet d'éloigner les plans détourés dans la profondeur (des plans ressortent, les autres "s'éloignent") et de nous "déplacer" entre ces plans, pour créer un récit. Au moment ou tel plan s'approche de l'objectif, le commentaire insiste sur son sens, son histoire si c'est un personnage, par exemple" (C'est ce que nous faisons sur l'une des photos du fort de Souville dans le sujet, ndlr).

C'est devenu un mode narratif à part enrtière ?

"Oui, des documentaires entiers sont racontés comme cela."

Cette fois nous avons choisi de faire cohabiter ce savoir faire et celui de nos dronistes préférés (voir https://blog.francetvinfo.fr/editions-speciales-les-coulisses/2016/02/21/speciale-apocalypse-verdun-le-drone-de-la-memoire.html)

Et nous travaillons déjà sur la prochaine...

 

Pascal Doucet-Bon

Publié par Pascal Doucet-Bon / Catégories : Non classé