Pierre Servent, qui animera notre spéciale 8 mai avec marie Drucker, a écrit ce livre l'an dernier. J'en avais, comme pour l'Europe barbare de Keith Lowe, rédigé la recension pour FTVI, avant la création de ce blog. En voici le republication légèrement augmentée :
Von Manstein, le stratège du IIIè Reich, par Pierre Servent, Perrin, 2015
La guerre éclair qui a ridiculisé les stratèges français ? C’est lui. La prise de la forteresse de Sebastopol ? C’est encore lui. Le sursaut de Kharkov face aux Soviétiques ? Toujours lui. Le « magicien des blindés », comme le surnommait ses pairs, est à ranger aux rangs des génies militaires.
Pierre Servent, historien, professeur, est notre consultant pour les questions de défense. Il décrit l’avance stratégique de Von Manstein par rapport à la pensée du moment. Il chronique l’opposition entre l’esprit rationnel du maréchal et le délire croissant de Hitler.
L’auteur évite les errements de la politique fiction. Mais que se serait-il passé si Hitler n’avait pas renoncé à l’opération Zitadelle que Von Manstein avait mis en place sur le front de l’est ?
Von Manstein fut le « petit génie de Hitler », selon les mots de Jean Lopez ; mais la disgrâce, puis le limogeage ne l’épargnèrent pas. D’abord parce qu’Hitler a montré une méfiance croissante à l’égard des aristocrates, quel que fut leur dévouement. Ensuite parce que de son nom complet, von Lewinski von Manstein, vinrent des rumeurs sur ses origines juives. L’ouvrage de Pierre Servent montre parfaitement le scepticisme croissant du maître de guerre sur les choix du Führer ; scepticisme qu’il ne laissera jamais exploser. Un débat encore vif oppose ceux qui voient en Von Manstein un nazi par opportunisme ou par adhésion.
Emprisonné et jugé par les Britanniques, Von Manstein est condamné à 18 ans de prison. La polémique sur le procès lui-même, puis sur la sévérité de la sentence, fit rage en Allemagne comme en Grande Bretagne. Comparé à d’autres (voir notules sur Dönitz et sur Best) la peine scandalisera plusieurs experts. Est-ce pour cela que le maréchal sortira au bout de quatre ans ? Certainement. La construction de la jeune RFA et la Guerre Froide ont du aussi y être pour beaucoup. Adenauer fera même de lui un conseiller en vue de la Bundeswehr, l’armée naissante de l’Allemagne de l’ouest. C’est le seul dignitaire du IIIème Reich à avoir bénéficié de ce traitement de faveur à défaut d’une réhabilitation. Il est mort en 1973 à l’âge de 85 ans.
Pascal Doucet-Bon