Le 7 mai à 20h00, le 25e président(e) de la République de l’histoire aura été choisi par les électeurs. D’ici là, ce blog reviendra sur le parcours de ses prédécesseurs – l’occasion de revenir en trois temps sur les épisodes marquants d’un poste pas tout à fait comme les autres.
Sadi Carnot, premier président assassiné
Riche mandat que celui de Marie François Sadi Carnot, élu au lendemain de la démission de Jules Grévy. Dans la foulée du scandale des décorations évoqué la semaine passée, la trajectoire fulgurante du général Boulanger a bien failli déboucher sur une tentative de coup d’état. Malgré un nouveau scandale, celui de Panama cette fois, Sadi Carnot reste en place le temps de réorienter la politique étrangère de la France, qu’il pousse à un rapprochement avec l’empire russe. Sur le plan intérieur, la situation est tendue. Sur fond de tension syndicales et anarchistes, les fameuses lois scélérates sont votées, réduisant sérieusement les libertés individuelles et la liberté de la presse. Ciblé par les anarchistes pour n’avoir pas gracié Ravachol et Vaillant, Carnot est poignardé à Lyon par un italien, Caserio, le 24 juin 1894 et meurt le lendemain dans la capitale des Gaules. Une petite brique rouge, dans le pavement, marque toujours aujourd'hui le lieu exact de l'attentat, rue de la République.
Carnot est le premier président assassiné, mais pas le dernier : Paul Doumer tombera à son tour en 1931 sous les balles de Gorgulov. Le général de Gaulle aura plus de chance au Petit-Clamart, en échappant de justesse aux 187 balles tirées par un commando d’une douzaine de partisans de l’OAS. Dernier détail : assassiné à 56 ans, Sadi Carnot est celui des 24 présidents qui aura vécu le moins longtemps.
Quand Félix Faure ne faisait pas semblant de casser sa pipe
Successeur du détenteur du plus court mandat (six mois) présidentiel de l’histoire, Casimir Périer, Felix Faure entre à l’Elysée en 1895. Il en ressortira les pieds devant et le pantalon sur les chevilles quatre ans plus tard. Et si tout le monde se tamponne de son bilan ou à peu près, c’est bien parce que les circonstances de son décès éclipsent l’œuvre du 7e président. Amant de Marguerite Steinheil, la femme du peintre Adolphe Steinheil, le président lui propose un rendez-vous autour de 17 heures, le 16 février 1899, dans le salon bleu de l’Elysée. Et sniffe une grande giclée de cantharide, un produit réputé aphrodisiaque mais pas franchement recommandé.
Quelques minutes après qu’il ait rejoint sa maîtresse, son chef de cabinet entend de grands cris. En ouvrant, il voit le président étendu inconscient et vêtu de son seul gilet. La posture de Mme Steinheil, ne laisse guère de doutes quant aux circonstances de la mort de Félix Faure c’est en tout cas ce que retient la presse qui s’en amuse des semaines. A noter que la phrase attribuée à Clemenceau (« il voulait être César, il est mort Pompée ») est probablement apocryphe. Ce qui n’est l’est pas, c’est ce jugement bien plus dur du même, ennemi politique farouche de Félix Faure : « en entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui ». Oui, ça pique.
« Il avait les pieds propres »
Paul Deschanel avait peut-être été battu par Clemenceau en duel quelques années plus tôt, mais en janvier 1920, c’est bien lui qui réussit l’exploit de battre le Tigre à la présidentielle. Malheureusement, dès avril, Deschanel montre quelques signes d’épuisement qui inquiètent sa garde rapprochée. Et le 23 mai vers minuit, alors qu’il cherche de l’air à la fenêtre du train qui l’emmène vers Montbrison, le président tombe dans les pommes d’abord et sur la voie ensuite, dans la seconde qui suit. Évidemment, ça réveille : légèrement blessé, le malheureux ne s’en retrouve pas moins à pisser le sang en pyjama, loin derrière le convoi qui s’éloigne : personne n’a assisté à l’accident…
En marchant au hasard, Deschanel finit par croiser un cheminot. Si ce dernier adhère modérément au coup du « mais puisque je vous dis que je suis le président de la République », il accompagne tout de même le blessé chez le garde-barrière le plus proche, qui finit par le croire en vertu du meilleur argument possible, résumé par sa femme : « j'avais bien vu que c'était un monsieur : il avait les pieds propres ». Le président ne se remettra jamais politiquement de l’ironie des journaux et démissionne en septembre.
1940-1947 : quand l’Élysée sonnait creux
Née pendant une guerre avec l’Allemagne, la IIIe République, meurt pendant une guerre avec l’Allemagne. Le 10 juin 1940, l’Élysée – résidence officielle de tous les présidents depuis 1848 – voit se tenir un dernier Conseil des ministres, quelques heures avant que le président Albert Lebrun et le gouvernement français ne quittent Paris pour Tours, puis Bordeaux.
Le 14 juin 1940 à 5h35 du matin, le drapeau nazi flotte sur le palais présidentiel… Après avoir accueilli des prisonniers pendant quelques jours, l’Élysée est abandonné le 28 juin par l’occupant, qui ne s’est pas privé d’en vider les caves pour fêter sa victoire. Le palais va rester vide pendant sept ans, vaguement entretenu par un personnel réduit à sa portion congrue. En 1944, de Gaulle se garde bien d’intégrer l’Élysée, palais qu’il déteste, et préfère s’installer rue de Brienne, au ministère de la guerre. Il faudra attendre l’élection de Vincent Auriol, premier des deux présidents de la IVe République, pour que l’Élysée retrouve la place qu’il occupe aujourd’hui.
… à suivre.