Dimanche soir prochain, le nom des deux candidats qui s’affronteront au second tour de l’élection présidentielle seront connus – en admettant qu’a priori, il est peu probable de voir l’un des onze participants l’emporter dès le premier tour. Et le 7 mai à 20h00, le 25e président(e) de la République de l’histoire aura été choisi par les électeurs. D’ici là, ce blog reviendra sur le parcours de ses prédécesseurs – l’occasion de dresser le portrait d’un mandat pas tout à fait comme les autres.
Il faut attendre la Deuxième République (1848-1852) pour voir apparaître le terme de Président de la République.
Aucune des régimes nés de la Révolution ne prévoit cette fonction. Du 21 septembre 1792, date de l’abolition de la monarchie constitutionnelle, au 18 mai 1804, jour de la naissance du Premier Empire, l’exécutif n’est pas incarné par un homme seul mais reste collégial, au moins sur le papier : Comité de salut public, Directoire, Consulat… Reste que Robespierre, Barras et Bonaparte occupent successivement une place centrale.
Le premier Président de la République a été élu en hiver et au premier tour…
En février 1848, une révolution – la troisième après 1789 et 1830, et la dernière en date – provoque l’abdication de Louis-Philippe. Le 24 février à 15 heures, le poète Alphonse de Lamartine proclame l’avènement du nouveau régime, la Deuxième République. Détail curieux, c’est au cours de celle qui reste comme la plus courte de nos cinq républiques que se créent le titre et la fonction de Président. Et le premier président élu au suffrage « universel » (en l’occurrence exclusivement masculin…) porte un nom illustre : Louis-Napoléon Bonaparte. Les 11 et 12 décembre 1848, le neveu de Napoléon 1er est élu au premier tour et pour quatre ans, avec près de 75 % des voix. Il est âgé d’à peine 40 ans, soit huit ans de moins que Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Record en cours – un record qu’Emmanuel Macron battrait de quelques mois en cas d’élection, au passage. Jeune ou pas, le premier président de histoire de France a en tout cas a écrasé ses adversaires (Lamartine, Raspail, Ledru-Rollin, Cavaignac…) au terme d’une campagne efficace, portée par une armée de colleurs d’affiches – les réseaux sociaux de l’époque…
… Et a été le fossoyeur de la Seconde République
Chassez le naturel , il revient au galop. Après avoir capitalisé sur le souvenir de son oncle pendant sa campagne, le tout nouveau président de la République mène une politique à la fois conservatrice et sociale, marquée par une série de restrictions au suffrage universel. Bonaparte cherche à faire amender la constitution, qui lui interdit de se représenter. Comme c’est un bide, le neveu n’y va pas par quatre chemins : il choisit la date du 2 décembre 1851, anniversaire du sacre de Napoléon Ier et de la bataille d'Austerlitz, pour dissoudre l’Assemblée. Deux semaines plus tard, il rétablit le suffrage universel et obtient un plébiscite écrasant des Français. Deuxième étape l’année suivante : au terme d’un second plébiscite, l’Empire est rétabli le 2 décembre 1852. Il s’effondre en pleine guerre franco-allemande, en 1870.
La vie privée d’Adolphe Thiers aurait fait rêver les paparazzis
Ah, Adophe Thiers : le premier président de la Troisième République présente l’amusante caractéristique d’être plutôt… monarchiste. Nommé et non élu après deux années particulièrement noires, celui qui n’était jusque là que le « chef du pouvoir Exécutif de la République française » devient président au lendemain de la sanglante répression de la Commune. La loi Rivet, en août 1871, fait de lui un Président en CDI : son mandat dure tant que l’Assemblée, qui peut le révoquer à tout instant, le veut bien. Mais c’est sur le plan de sa vie privée que Thiers l’emporte et de loin sur tous ses successeurs. En 1827, Adolphe Thiers se lance dans une liaison avec une femme mariée, Eurydice Dosne. Mais en 1833, il épouse… sa fille aînée, Élise, mariage d’intérêt qui lui permet de poursuivre parallèlement sa liaison avec Eurydice. Lorsque celle-ci meurt, Thiers la remplace par… sa seconde fille, Félicie – la sœur d’Élise. Oui, c’est un peu le souk et la presse s'amusera beaucoup des "trois moitiés du Thiers."
Un physique de tombeur.
Jules Grévy, premier président réélu et premier grand scandale
Coup d’état pour Bonaparte, démissions pour Thiers et Mac Mahon : il faut attendre le quatrième titulaire du poste pour voir un président finir son mandat, Jules Grévy en l’occurrence, qui est aussi le premier à être réélu – manque de pot, il démissionne rapidement à cause d’un scandale retentissant : son gendre Daniel Wilson était impliqué dans une un trafic de décorations : pour obtenir telle ou telle breloque, il suffisait de faire une offre intéressante… Disons 100 000 francs pour une Légion d’honneur. Moche, d’autant que les prix se négociaient dans au moins deux bordels parisiens, entre deux parties fines.
A suivre…