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Le métier de parent est sûrement l’un des plus difficiles qui soit ! Pour vous guider, de nouveaux modes d’emploi fleurissent chaque jour sur internet. Mais tous ces conseils finissent par vous embrouiller encore plus...
Même si vous respectez à la lettre telle ou telle méthode éducative, il est impossible de prédire précisément le devenir de votre enfant. Ses comportements dépendent d'interactions entre ses particularités, son tempérament et vos propres caractéristiques, le tout façonné par un environnement en perpétuel changement. Bref, parvenir au contrôle total de l'évolution de ses enfants n'est probablement qu'une utopie.
Mais il y a au moins un élément du système que vous pouvez maîtriser : ce sont vos propres réactions de parent face aux comportements de vos enfants. Parce que les enfants font ou disent parfois des trucs insupportables, on est tenté d'y réagir à chaud, et de se laisser aller à des réprimandes et des jugements systématiques. Le problème avec ces réactions, si elles sont trop fréquentes, est qu'elles finissent par miner les croyances des enfants à propos d'eux-mêmes…Une façon d'être parent pourrait donc consister à fixer des limites à ses enfants, celles qui vous paraissent importantes, tout en modérant les coups de sang. Tenir le cadre, sans être en rage. Sacré challenge ! Mais la science de l’éducation et les données en neurosciences peuvent vous aider à relever ce défi…
Augmenter son empathie
Vous pouvez d'abord augmenter votre empathie : comprendre pourquoi vos enfants agissent de telle ou telle façon est en effet un bon moyen de relativiser. Pourquoi ils ne peuvent pas attendre ? Pourquoi ils n'obéissent pas ? Pourquoi ils se mettent en colère pour un rien et qu'il est si difficile de les raisonner ? Plein de raisons expliquent l'apparente irrationalité de ces comportements…
Enfants et adultes n'habitent pas le même monde
Sachez par exemple que votre enfant ne perçoit pas du tout le monde comme vous. Par rapport à l'adulte, l'enfant est en effet largement plus conscient du monde qui l'entoure. Son attention est facilement captée par des événements extérieurs inattendus, contrairement à l'adulte qui est surtout attentif à des objectifs internes. La peur d'arriver en retard à l'école vous fera courir après votre enfant pour lui mettre ses chaussures. Votre enfant, lui, va s'attarder sur la petite coccinelle qui grimpe au mur. C'est un peu comme si les adultes et les enfants n'habitaient pas le même monde : l'adulte vit surtout dans un monde symbolique passé ou anticipé, alors que l'enfant vit les événements ici et maintenant.
Les enfants ont du mal à gérer leurs émotions
Une autre différence entre vous et votre enfant concerne la capacité à gérer ses émotions. Plus que l'adulte, l'enfant se laisse en effet facilement piéger par ses ressentis. La moindre frustration peut déclencher une tempête émotionnelle qu'il aura du mal à maitriser du fait de l'immaturité de son cerveau. Schématiquement, lorsque votre enfant est en colère, la partie de son cerveau dédiée au raisonnement n'est pas en mesure de prendre le contrôle de son cerveau émotionnel, surtout les trois premières années de sa vie. Par conséquent, lui est très difficile de revenir à la raison sur commande. Même si ses réactions vous paraissent disproportionnées, il est donc inutile d'argumenter dans ces moments-là. D'ailleurs, plus vous essayez de convaincre votre enfant de l'absurdité de sa colère, plus ses émotions s'enflamment. Au contraire, la crise passe d’autant plus vite qu’on ne cherche pas à tout prix à la faire disparaître.
Mais il est tentant de vouloir stopper ces débordement d'émotions : engueuler votre enfant, faire diversion en lui promettant un bon dessert, voire céder en lui donnant ce qu'il veut ou en étant moins exigent. Même si ces techniques peuvent marcher à court terme, elles n'ont pas de fonction éducative et servent surtout à soulager nos frustrations de parent. Et à long terme, ces techniques ne font que motiver votre enfant à éviter toujours plus ses ressentis.
Face aux émotions intenses de l'enfant, on préconise plutôt une attitude compatissante qui consiste à reconnaître et nommer les émotions. A force, votre enfant sera plus à l'aise pour exprimer ses ressentis, un prérequis essentiel pour apprendre à se gérer lui-même. En définitive, c'est comme si vous n'aviez pas d'autre choix que d'accepter ces émotions. Ça ne veut pas dire qu'il faut laisser votre enfant vous taper ou tout casser. On peut accepter l'émotion de son enfant, mais pas forcément ses comportements !
Apprendre à lâcher prise
Tout cela est bien sûr plus facile à dire qu'à faire ! Car quand votre enfant vous hurle dessus, il faut une sacrée dose de self-control pour ne pas céder à vos impulsions. En pratique, cela oblige à lâcher prise sur certaines de vos idées, de vos croyances et… sur vos propres émotions de parent ! Ce lâcher prise est difficile, car il exige de se focaliser sur le moment présent, ici et maintenant. Bref, que vous redeveniez l'espace d'un instant l'enfant que vous avez été.
Encourager la souveraineté de votre enfant
Une autre façon d'apaiser les relations et de gagner en coopération consiste à offrir à vos enfants une certaine souveraineté, en leur permettant d'être ce qu'ils sont vraiment. En pratique, cela consiste à leur faire confiance, les laisser expérimenter leur environnement en sécurité, sans trop injecter vos peurs. Mais aussi comprendre leurs besoins, et les laisser de temps en temps mener la danse quand vous jouez avec eux. Bref, les accepter et les aimer pour exactement ce qu'ils sont. Encore une fois, cette attitude est difficile à tenir, surtout quand vous êtes bombardés de conseils éducatifs qui vous poussent à prendre toujours plus le contrôle.
Mais il ne s'agit pas non plus de faire de vos marmots des petits rois ! Les enfants ont besoin d'un cadre et de limites claires. Trop d'empathie mène d'ailleurs à autant de problèmes que l'hyper contrôle. En somme, il faudrait être ni trop bon, ni trop con.
Pour conclure…
En changeant de regard sur les comportements de nos enfants, en essayant de se mettre à leur place, tout en apprenant à surfer sur nos émotions, il devient plus facile de choisir nos meilleures réactions, celles qui aideront leur cerveau à mieux grandir.
Rester connecté à nos enfants et être pleinement conscient de cette relation a un impact positif sur leur vie, mais aussi sur les générations futures…
"Encourager la souveraineté d'un enfant et l'honorer par l'empathie et l'acceptation est au coeur du métier de parent en pleine conscience" (Kabat-Zinn, 2012, p. 86)
Références :
Franc, N. & Scappaticci, R. (2019). Faire face aux crises de colère de l'enfant et de l'adolescent. Ellipses.
Gopnik, A. (2010). Le bébé philosophe. Editions Le Pommier.
Junier, H. & Besse, C. (2021). Ma vie de bébé. Dunod.
Kabat-Zinn, M. & Kabat-Zinn, J. (2012). Etre parent en pleine conscience. Editions des Arènes.
Lipton, B.H. (2016). Biologie des croyances. Ariane Editions.
Omer, H. (2017). La résistance non violente. De Boeck.
Rossignol-Garcia, C. (2014). J'accepte mes émotions. Editions M.P.G.
Siegel, D.J. & Bryson, P. (2015). Le cerveau de votre enfant. Editions des Arènes.
Webster-Stratton, C. (2006). The Incredible Years. The Incredible Years.