Le Collectif Atypique est une association créée pour favoriser l’inclusion et le mieux-être des personnes issues de la neurodiversité.
La neurodiversité, c'est quoi ?
La neurodiversité est la diversité du fonctionnement neurocognitif humain. Même si le terme s'est initialement développé au sein de la communauté autiste, il concerne l'ensemble du spectre de la neurocognition humaine. Les personnes dont la façon de penser s'écarte considérablement des critères dominants de "normalité" (comme dans la dyslexie ou le TDAH par exemple) sont dites neurodivergentes, à l'opposé des personnes dites neurotypiques qui ont un style de fonctionnement neurocognitif "standard".
Le paradigme de la neurodiversité conçoit les variants neurologiques comme une forme naturelle et précieuse de diversité humaine contribuant à l'évolution de la technologie et de la culture. Le paradigme de la neurodiversité est donc une alternative au paradigme de la pathologie selon lequel les cerveaux dont le fonctionnement s'écartant de la norme sont considérés comme dysfonctionnels. Il n'y aurait donc pas une seule façon pour un cerveau d'être "normal".
Cette idée n'est pas nouvelle. Le psychiatre autrichien Hans Asperger, premier à avoir décrit un groupe d'enfants en tant qu'autistic psychopaths dans un article publié en 1938, évoquait déjà leurs forces et caractéristiques positives (néanmoins, l'implication d'Asperger dans la défense de ces enfants face aux mesures d'hygiène raciale du régime national-socialiste de l'époque ne serait pas si évidente…).
La vidéo d'Amanda Baggs, "In My Language", est une illustration profondément humaine de la neurodiversité (une "traduction" de son langage débute à 3'15") :
Les origines du terme "neurodiversité"
Au milieu des années 1990, un programmeur informatique néerlandais, Martijn Dekker, crée un groupe de soutien en ligne pour personnes autistes : the Independent Living on the Autism Spectrum (InLv). Les échanges au sein du groupe traitent de problématiques aussi variées que l'insertion professionnelle ou la façon dont les non autistes déterminent le bon moment pour regarder leurs interlocuteurs dans les yeux pendant une conversation (les membres du groupe postuleront qu'il est obligatoire de les regarder dans les yeux au moins au début et à la fin d'une conversation, mais que cela reste facultatif entre les deux !). Le groupe accueille également des personnes concernées par des conditions telles que le TDAH, la dyslexie, la dyscalculie, etc.
En 1997, dans le New York Times, Harvey Blume parle de pluralisme neurologique pour définir l'éthique de ce collectif. Blume a d'ailleurs été le premier journaliste à évoquer l'intérêt des web communautés pour les personnes neurodivergentes, considérant qu'internet pouvait accélérer l'évolution de la culture autistique.
A peu près au même moment, une étudiante australienne en anthropologie nommée Judy Singer soutient l'idée que les personnes qui présentent les caractéristiques du syndrome d'Asperger ont toujours fait partie de la communauté humaine. C'est en échangeant avec Blume au sujet de ce pluralisme neurologique qu'elle en vient à inventer le terme de neurodiversité. Blume utilisa ensuite le terme pour la première fois dans la presse en 1998 (dans le magazine The Atlantic) : "Neurotypical is only one kind of brain wiring, and, when it comes to working with hi-tech, quite possible an inferior one… Neurodiversity may be every bit as crucial for the human race as biodiversity is for life in general. Who can say what form of wiring will prove best at any given moment ?" (pour savoir plus particulièrement en quoi le fonctionnement du cerveau des personnes autistes peut être un avantage, cliquez ici).
Les arguments scientifiques en faveur de la neurodiversité
Ces arguments sont tirés d'un article de Simon Baron-Cohen à propos de l'autisme. Même si l'on ne peut pas souscrire à tout ce qui est écrit dans ce texte, l'auteur propose néanmoins des arguments intéressants en faveur de l'utilisation du terme "neurodiversité".
Notre compréhension de l'autisme est encore largement influencée par un modèle déficitaire, comme en témoigne le nom de la catégorie qui lui a été donné dans le DSM-5 : Troubles du spectre de l'autisme (TSA). Mais l'autisme est-il vraiment un trouble ?
La notion de trouble implique un dysfonctionnement clinique dont le mécanisme causal est inconnu (à la différence de la maladie dont le mécanisme causal sous-jacent est connu). Le trouble implique donc que l'ordre naturel a "mal tourné", et que la cognition et la neurobiologie sous-jacente de l'individu sont d'une certaine façon dysfonctionnelles, même si c'est pour des raisons environnementales. Pourtant, si l'on examine la cognition et la biologie de l'autisme, il est plus difficile de faire la preuve d'un dysfonctionnement que d'une différence :
- Les données génétiques de l'autisme plaident en faveur de variations naturelles (polymorphismes nucléotidiques),
- au niveau neuronal et structurel, on constate que le cerveau autiste se développe différemment du cerveau non autiste, sans que l'on puisse identifier de preuve de trouble cérébral : amygdale plus grande, partie postérieure du corps calleux plus petite, surcroissance précoce du cerveau, un plus grand nombre de neurones dans le lobe frontal, mais aussi un plus grand nombre de synapses et de connexions entre les neurones. L'autisme serait donc plus vu comme une différence dans la connectivité neuronale (le cerveau est câblé différemment). De même, les données d'IRM peuvent être interprétées comme une différence de traitement de l'information.
Ces particularités se manifestent souvent sous la forme d'un handicap et requièrent donc du soutien social, une acceptation de la différence et un ajustement environnemental (tandis que le trouble implique plus généralement un traitement). Certains profils cognitifs deviennent alors adaptatifs dans certaines niches environnementales : dans un environnement favorable à l'autisme, la personne peut fonctionner non seulement bien, mais parfois même à un niveau supérieur à celui d'un individu non autiste.
L'auteur conclut qu'il serait intéressant d'observer l'ensemble des 300 troubles du DSM-5 à la lumière du paradigme de la neurodiversité…
De nombreux chercheurs et personnes autistes se penchent donc sérieusement sur la question de savoir si il ne serait pas plus pertinent de considérer l'autisme comme appartenant au champ de la neurodiversité. Dans les normes de publication de certains journaux scientifiques, il est d'ailleurs exigé l'utilisation d'un vocabulaire plus "acceptable" (voir par exemple les guidelines du journal autism basées sur les résultats d'une récente enquête). De même, les recherches les plus récentes commencent à employer le terme de « condition » à la place de « trouble » (ASC pour « Autism Spectrum Condition »), et il est de plus en plus fréquent de lire dans les publications ce type de description de l'autisme : "The autism spectrum is a multifaceted neurodevelopmental variant".
"It may be that autistic people are essentially different from "normal" people, and that it is precisely those differences that make them invaluable to the ongoing evolution of the human race" (Kirk Wilhelmsen, neurologist).
Le mouvement de la neurodiversité
L'idée de la neurodiversité a inspiré la création d'un mouvement de justice sociale visant le respect et la pleine inclusion des personnes neurodivergentes.
Le Collectif Atypique s'inscrit pleinement dans ce mouvement des droits civiques. L'association a été créée pour devenir une force collective d’idées, d’actions et de propositions pour faire avancer les mentalités, les regards, la société de demain visant à l’inclusion et au mieux-être des personnes atypiques et neurodivergentes (Autisme, Haut Potentiel, TDA-H, DYS, etc.). Le Collectif Atypique a pour but d'œuvrer, au sens le plus large, à l'aide et à l'accompagnement de tout individu présumé "atypique" placé dans une situation de détresse matérielle, physique ou morale, en tendant à l'amélioration de ses conditions de vie, que ce soit sur le plan matériel, de la santé physique ou mentale, de l'éducation ou de son intégration dans la société.
"We have to learn to think more intelligently about people who thing differently" (Steve Silberman)
Principales références :
Baron-Cohen, S. (2017). Editorial Perspective: Neurodiversity – a revolutionary concept for autism and psychiatry. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 58(6), 744-747.
Robertson, S. M. (2010). Neurodiversity, Quality of Life, and Autistic Adults: Shifting Research and Professional Focuses onto Real-Life Challenges. Disability Studies Quarterly, 30(1), 1-21.
Silberman, S. (2015). NeuroTribes. Allen&Unwin.
Liens utiles
https://wrongplanet.net/ (conçue en 2004 par deux adolescents, Alex Plank et Dan Grover, Wrong Planet est l'une des premières plate-formes internet pour les personnes concernées la différence neurologique)
http://neurocosmopolitanism.com/neurodiversity-some-basic-terms-definitions/ (pour en savoir plus sur la neurodiversité et la terminologie associée)
www.c-atypique.org (le site de l'association Collectif Atypique, créée pour favoriser l’inclusion et le mieux-être des personnes issues de la neurodiversité)
https://hipipin.com/ (une société de recrutement au service de la neurodiversité)
http://autism-advantage.com/ (excellent site internet de Peter, père de famille diagnostiqué autiste sur le tard et qui tente de donner des éléments de réponse à cette question : en quoi le fonctionnement du cerveau des autistes peut-il être un avantage ?)
https://blog.francetvinfo.fr/dans-vos-tetes/2017/12/12/autisme-quelles-sont-les-interventions-qui-marchent.html (pour en savoir plus sur les recommandations de bonnes pratiques en autisme).
A lire également
Czech, H. (2018). Hans Asperger, National Socialism, and “race hygiene” in Nazi-era Vienna. Molecular Autism, 9, 29.
"The Geek Syndrome" (par Steve Silberman pour le magazine Wired, 2001)
L'enfant atypique (Alexandra Reynaud, 2018, Ed. Eyrolles), un guide pratique pour les parents d'enfants atypiques.