Autisme : les nouvelles recommandations de la HAS

La Haute Autorité de Santé (HAS) vient d'éditer de nouvelles recommandations de bonnes pratiques (RBP) pour tenter d’améliorer le parcours diagnostique des familles concernées par l'autisme (depuis le repérage des signes d'alerte jusqu'à l'information aux familles, en passant par les évaluations diagnostiques). Ces RBP sont destinées aux professionnels1.

En voici un résumé...

Etape 1 : réagir dès les premiers signes d'alerte 

Les signes d'alerte majeurs :

  • « absence de babillage, de pointage à distance ou d'autres gestes sociaux pour communiquer à 12 mois et au-delà (faire coucou, au revoir, etc.),
  • absence de mots à 18 mois et au-delà,
  • absence d'associations de mots (non écholaliques) à 24 mois et au-delà ».

Et quel que soit l'âge :

  • « inquiétude des parents concernant le développement de leur enfant, notamment en termes de communication sociale et de langage,
  • régression des habiletés langagières ou relationnelles, en l'absence d'anomalie à l'examen neurologique ».

Rq : « La recherche des signes d’alerte pour un développement inhabituel s’appuie sur les items du carnet de santé ».

Nouveauté : les RBP tiennent compte de l’inquiétude des parents. C’est une bonne chose, car cette inquiétude n’est pas toujours considérée par les professionnels de la petite enfance qui ont tendance à trop « dédramatiser » (pourtant, les parents sont aujourd’hui nombreux à connaître l'autisme mieux que certains professionnels de santé…)

Etape 2 : Orienter vers le médecin assurant le suivi habituel de l'enfant

En cas de signe d'alerte ou d'enfant présentant un risque de TSA2, il est recommandé  aux professionnels de 1ère ligne1 d'orienter les parents vers le médecin assurant le suivi habituel de l'enfant (médecin généraliste, pédiatre ou médecin de PMI), en vue d'une consultation dédiée au repérage des signes de TSA. « Un examen clinique approfondi du développement de l'enfant sera alors réalisé » (examen s’appuyant sur des outils tels que le M-CHAT).

Etape 3 : Si le risque est confirmé, mettre en place les premières actions et orienter vers une équipe de diagnostic de 2ème ligne1

Les premières actions préconisées :

  • « Orienter vers un ORL pour un examen de l’audition;
  • Orienter vers un ophtalmologue ou un orthoptiste pour un examen de la vision;
  • Prescrire à tout âge un bilan orthophonique de la communication et du langage oral;
  • Prescrire un bilan du développement moteur chez un psychomotricien, un masseur-kinésithérapeute ou un ergothérapeute dans les cas où ont été observées des difficultés de fonctionnement dans les domaines de la motricité globale et/ou fine et des praxies ;
  • Proposer une orientation des jeunes enfants en établissement d’accueil du jeune enfant (crèche, etc.) (…) ;
  • Et si nécessaire, débuter les prises en charge (visuelle, auditive, rééducative) sans attendre les résultats des consultations de 2e ligne1 (…) ».

Ces premières actions me paraissent coûteuses en temps et en argent pour les familles (même si la plupart des consultations préconisées sont en partie prises en charge). Ce qui me semble prioritaire : une consultation orthophonique (encore faut-il que l'orthophoniste soit familiarisé(e) au TSA ; sans parler du temps d’attente pour obtenir un rendez-vous…), et une fréquentation en établissement d’accueil ordinaire pour jeune enfant.

En parallèle, orienter vers une équipe de 2ème ligne1 pluridisciplinaire spécialisée dans les TSA :

Il s’agira alors de réaliser un bilan diagnostic et de démarrer les démarches administratives auprès de la MDPH (maisons départementales pour les personnes handicapées).

Le diagnostic de TSA est un diagnostic clinique. Il s’appuie notamment sur l’utilisation d’outils standardisés, une évaluation du fonctionnement de l’enfant et une recherche de troubles associés incluant un entretien familial, un examen clinique plus approfondi et des consultations spécialisées. L'équipe devra également écarter les diagnostics différentiels.

Nouveauté : l’évaluation du fonctionnement de l’enfant inclue un examen des processus d'intégration sensorielle. Cela est cohérent avec les dernières classifications internationales qui tiennent compte désormais des particularités sensorielles des personnes autistes.

La détection des troubles associés est un challenge, surtout chez le jeune enfant : l’expression clinique de l’autisme est en effet très variée et il n’est pas facile de différencier les signes qui relèvent des caractéristiques fondamentales de l’autisme, de ceux attribuables aux conditions associés. De plus, les qualités psychométriques des outils de repérage de ces conditions associées sont limitées.

Etape 4 (non systématique) : consultation en CRA ou autre dispositif de 3ème ligne1

Il s’agit de consultations dans des services hospitaliers dédiés aux TSA (les centres experts, comme par exemple ceux de l’hôpital Robert Debré ou Saint-Anne à Paris, ou bien l’hôpital Mignot à Versailles). Cette étape serait réservée en priorité aux situations les plus « complexes » et en cas de doute sur le diagnostic (celui-ci peut être en effet difficile à établir).

En réalité, dans ce parcours, les familles risquent de rencontrer un obstacle dès l’étape 2. En effet, il y encore trop peu de médecins traitants ou pédiatres formés au dépistage du TSA qui orienteront vers une équipe de diagnostic de 2ème ligne (CAMSP ou CMP par exemple). La HAS, consciente de ce manque de formation, précise d’ailleurs : « Dans les cas où malgré les inquiétudes persistantes des parents, le médecin généraliste ou le pédiatre ne confirment pas ces craintes, les parents doivent avoir la liberté de prendre un deuxième avis ».

Mais en admettant que les familles soient orientées par leur médecin, elles risquent ensuite de rencontrer un obstacle en étape 3. Les équipes de pédopsychiatrie (type CMP ou CAMSP) sont en effet encore nombreuses à ne pas être formées au diagnostic de TSA. Encore une fois, la HAS est consciente de cette lacune et précise donc : « Une équipe de 2ème ligne qui ne serait pas en mesure de poser ces diagnostics doit orienter le plus rapidement possible l’enfant vers une équipe en capacité de réaliser la démarche diagnostique ». Le problème, c’est que ces équipes de 2ème ligne non formées n’ont pas toujours l’humilité de reconnaître leur incompétence. Elles n’évoquent donc pas le TSA. Pire, il leur arrive de refuser de poser un diagnostic pour des raisons farfelues. Elles n’orientent donc pas les familles et leur font ainsi perdre un temps précieux.

Bref, pour les familles ayant des doutes sérieux et ne se sentant pas entendues par les professionnels, je conseille de passer directement de l'étape 1 à l'étape 4 (même si ces services de 3ème ligne sont surchargés et qu’il sera souvent demandé aux familles un courrier de leur médecin pour obtenir un rendez-vous).

Etape 5 : annonce du diagnostic et information des familles

Rq : avant la confirmation d’un diagnostic de TSA, il est préférable de donner un diagnostic provisoire de trouble du neurodéveloppement, afin de permettre aux familles d'ouvrir des droits via les MDPH.

Pour mettre tout le monde d’accord :

  • « L’annonce du diagnostic médical est une obligation déontologique » ;
  • les termes de psychose infantile ou dysharmonie évolutive sont enfin bannis ;
  • « le secret médical n’est pas opposable aux représentants légaux de l’enfant » ;
  • « une démarche de réactualisation du diagnostic peut être proposée aux parents au regard de l’actualisation des connaissances ».

Informer les familles :

Il est recommandé que l’annonce d’un diagnostic de TSA comporte notamment « un éclairage précis sur le fonctionnement de l’enfant en soulignant ses compétences, potentialités et difficultés dans les divers domaines de développement ».

« Pour favoriser des choix éclairés par les familles, il est recommandé de leur proposer des séances d’information ou de guidance parentale sous forme de programme de psycho-éducation ou d’éducation thérapeutique ».

Au vu des données actuelles de la recherche, ce dernier point me parait fondamental. La connaissance des parents à propos du fonctionnement autistique est en effet un facteur déterminant pour l’évolution de leur enfant.

Pour conclure

Ces RPB comportent donc des nouveautés plutôt pertinentes (notamment pour tenter de limiter les pratiques peu éthiques et / ou peu scientifiques, ou pour mettre encore plus les familles au coeur du parcours diagnostique). Mais il faut admettre que ces préconisations sont difficilement réalisables dans le contexte actuel des pratiques professionnelles françaises. La HAS ne manque d’ailleurs pas de rappeler « la complexité et les difficultés du parcours diagnostique »…


1. Professionnels de 1ère ligne (notamment professionnels des crèches, pédiatres, médecins généralistes, enseignants, professionnels des PMI ou exerçant en libéral)

Professionnels de 2ème ligne : équipes de pédopsychiatrie (services de psychiatrie infanto-juvénile dont centres médico-psychologiques - CMP) ; services de pédiatrie ; centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) ; centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ; réseaux de soins spécialisés sur le diagnostic et l’évaluation de l’autisme ou praticiens libéraux coordonnés entre eux par un médecin.

Professionnels de 3ème ligne, comme les centres de ressources autisme (CRA) ou les services hospitaliers dédiés au TSA.

2. Enfants nés prématurément ou exposés à des facteurs de risque pendant la grossesse (médicaments, par exemple valproate ; toxiques, par exemple alcool),

Enfants présentant des troubles du neurodéveloppement dans un contexte d’anomalie génétique ou chromosomique connue habituellement associée au TSA,

Fratries d’enfants avec TSA.

N. B. : Des RBP ont également été éditées récemment concernant les interventions chez l’adulte autiste (déc. 2017). Elle feront l’objet d’un autre post.