Les pédophiles aussi ont droit à leurs poupées gonflables

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Si vous ne savez pas quel cadeau offrir à vos amis pédophiles pour la St Sylvestre, voici une idée originale : une poupée gonflable aux traits infantiles.

C’est une blague ?

Non, ce n’est pas une blague. Une entreprise chinoise aurait en effet créé des poupées en silicone semblables à des enfants âgés d’une dizaine d’années et vendues pour moins de $200. Selon The Huffington Post, ces poupées disposeraient de 3 orifices parfaitement fonctionnels. Depuis, une pétition a circulé entraînant en 2013 le retrait des ventes de ce produit. Mais l’histoire ne s’arrête pas là…

Selon l’express, ce serait maintenant une société japonaise qui proposerait des poupées gonflables ressemblant à des petites filles. Mais cette fois, la démarche est assumée par son patron Shin Takagi qui affirme que son produit peut être un moyen de lutter contre les abus sexuels sur mineurs.

Les poupées sexuelles infantiles pourraient-elles vraiment être préventives ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire de faire un rappel de ce qu’est la pédophilie…

La pédophilie, c’est quoi ?

Définition

Dans les classifications internationales des maladies, la pédophilie est actuellement caractérisée par la «  présence de fantaisies imaginatives sexuellement excitantes, d'impulsions sexuelles, ou de comportements, survenant de façon répétée et intense, pendant une période d'au moins 6 mois, impliquant une activité sexuelle avec un enfant ou des enfants prépubères». «  Les impulsions sexuelles ou les fantaisies imaginatives sexuelles sont à l'origine d'un désarroi prononcé ou de difficultés interpersonnelles  » et «  Le sujet présentant une pédophilie doit avoir au moins 16 ans et avoir au moins 5 ans de plus que l’enfant  ».

Les personnes peuvent se limiter ou non à l’inceste et peuvent être de type exclusif (attirées uniquement par les enfants) ou non exclusif. Selon l’American Psychiatric Association (2013), le nombre de personnes concernées est mal connu, mais la prévalence du trouble serait estimée à environ 1% si l’on retient uniquement les abus sexuels commis par des personnes de type exclusif.

Bien que cette préférence sexuelle augmente les risques de passage à l’acte, seulement 50% des personnes qui abusent sexuellement des mineurs sont pédophiles (et tous les pédophiles ne passent pas à l’acte). Les 50% restants le font sans attirance sexuelle envers les enfants (ces comportements s’expliquant notamment par des difficultés pour les personnes à développer et maintenir des relations sexuelles avec des partenaires de leur âge, et pour lesquelles l’enfant devient alors un partenaire de substitution).

Causes

Les causes de la pédophilie ne sont pas encore bien connues car elles sont complexes et multifactorielles (influences génétiques et neurobiologiques, altérations au niveau de la structure cérébrale, déficits fonctionnels du cerveau, évènements de vie stressants, processus d’apprentissages spécifiques). La présence de troubles psychiatriques souvent associés rend l’étiologie d’autant plus difficile. Pour en savoir plus sur les causes de la pédophilie, vous pouvez consulter cette étude, ou celle-ci.

Traitements

- La dissuasion

Les abus sexuels sur mineurs étant bien évidemment illégaux et condamnés dans la plupart des pays du monde, les différents gouvernements prévoient donc l’incarcération des auteurs. Contrairement aux lois sur l'agression sexuelle d'un adulte, l'absence de consentement de l'enfant n'est pas requise pour que l'infraction soit constituée : la relation sexuelle en elle-même est illégale. Même si l’incarcération est peu dissuasive (le taux de récidive est estimé entre 25 et 50%), elle présente l’avantage d’empêcher de nouvelles agressions sexuelles pendant le temps de la détention, c’est toujours ça.

- L'opération chirurgicale (castration physique)

Elle n’est officiellement plus pratiquée de nos jours (pratiquée aux Etats-Unis jusqu’en 1975).

- La médication

On distingue les traitement hormonaux (castration chimique) et certains types d’antidépresseurs (pour diminuer les obsessions). De plus, leurs effets aideraient les personnes à s’engager plus facilement en psychothérapie. L’utilisation de médicaments comporte néanmoins certaines limites : pour être efficaces, ils impliquent une bonne observance. Les traitement hormonaux mettent aussi un certain temps pour montrer des effets significatifs, ils sont coûteux, comportent des effets secondaires néfastes et surtout leur efficacité est encore discutée. Pour en savoir plus à ce sujet, vous pouvez consulter cette recherche.

- Les psychothérapies

Il existe une grande variété de psychothérapies dites cognitives et comportementales, incluant par exemple des techniques issues des principes d’apprentissage répondant et opérant, ou encore les thérapies cherchant à modifier les schémas de pensée chez les personnes. Les effets des psychothérapies sont contrastés selon les études, mais il semblerait que ce soient les traitements combinés qui donnent les meilleurs résultats. Pour en savoir plus à ce sujet, vous pouvez consulter cette recherche.

Pour en savoir plus sur l’ensemble des traitements de la pédophilie, vous pouvez consulter cette étude, ou celle-ci.

Les poupées sexuelles infantiles pourraient-elles être préventives ?

On pourrait en effet le voir comme ça : «  abuser  » d’une poupée gonflable imitant le physique d’un enfant serait un comportement alternatif plus socialement acceptable que l’abus de vrais enfants.  Cette «  piste  » de traitement n’est pas inintéressante à en juger certaines données qualitatives, comme les témoignages de clients de Shin Takagi, le patron de la société qui commercialise les poupées : «  Thanks to your dolls, I can keep from committing a crime  » («  vos poupées m’empêchent de passer à l’acte  »). En science du comportement, une telle procédure est nommée «  renforcement différentiel  » (un peu comme la cigarette électronique qui se substitut au tabac). Par le passé, quelques travaux ont déjà étudié des traitements utilisant une procédure de renforcement différentiel, notamment la Masturbation Therapy (thérapie par la masturbation), mais là encore les résultats sont mitigés.

D’un point de vue quantitatif, si une telle option devait être envisagée, il faudrait bien-sûr en passer par des études scientifiques pour évaluer son efficacité, bien que l’éthique de la recherche rende de telles études difficiles à mettre en oeuvre. Il est vrai que la commercialisation de ces poupées peut paraître scandaleuse, dans la mesure où elle peut normaliser l’idée que les enfants s’inscrivent dans l’industrie du sexe. Un protocole médical serait alors nécessaire pour en encadrer l’achat (comme pour le cannabis thérapeutique par exemple).

Pour conclure

La complexité du phénomène rend donc difficile l’élaboration de traitements efficaces. Cette difficulté est d’autant plus importante que les études en la matière sont minoritaires, en comparaison de la recherche scientifique consacrée à d’autres troubles psychiatriques. Les traitements sont également difficiles à mettre en oeuvre dans la mesure où les personnes pédophiles vivent masquées. En effet, presque personne ne se présente aujourd’hui pour se faire soigner avant d'avoir commis une première agression. Les rares personnes pédophiles qui le font admettent l’inadaptation de leur désir et peuvent s’abstenir bien avant le premier passage à l’acte. Mais pour la majorité d’entre elles, avoir l’image d’un « monstre » ne leur donne pas envie de parler de leurs problèmes : la personne pédophile est avant tout vue comme un criminel et surtout pas comme une personne qui voudrait se soigner.

Aux Etats-Unis, la législation impose aux professionnels de santé de signaler toute suspicion d’agression sexuelle sur mineur. Par excès de zèle, ces professionnels auraient tendance à signaler tout patient évoquant leur attirance pour les mineurs, même si aucune agression n’a encore eu lieu. Pourtant, un diagnostic de pédophilie ne fait pas forcément de la personne un criminel, certains pédophiles ne passant jamais à l’acte. Un des enjeux de la recherche scientifique est d’ailleurs de mieux comprendre pourquoi certaines personnes pédophiles peuvent contrôler leurs désirs et d’autres non. Le fait de ne jamais passer à l’acte serait lié notamment à des sentiments de honte, de culpabilité, d’un sens moral ou d’une peur de la répression, tandis que le passage à l’acte serait facilité lorsque la personne n’éprouve pas de désarroi quant à ses abus, quand elle méprise les droits d’autrui et lorsqu’elle cumule d’autres troubles psychiatrique (une personnalité antiscociale par exemple).

Aujourd’hui, les personnes pédophiles ont donc plutôt intérêt à satisfaire leurs désirs en cachette, en espérant qu’elles ne se fassent jamais prendre. Une idée développée dans un article du magazine slate.fr consiste en une déstigmatisation des personnes pédophiles pour les motiver à se confier au lieu de se cacher. Nous n’avons en effet pas le choix dans nos attirances sexuelles et les nier est souvent insuffisant pour s’en défaire. Une fois ces attirances admises et « acceptées » par la société (ce qui est loin d’être gagné), il deviendrait alors plus facile de prévoir un espace de parole pour ces personnes et de leur proposer des alternatives pharmacologiques et éducatives.