D’un porno pour marmots

Jérôme

Le 11 janvier 2013, dans une école maternelle de Seine-Maritime, une enseignante démarre la lecture d’un DVD pour sa classe avant de s’absenter quelques instants. Les enfants, tous âgés de moins de cinq ans se retrouvent seuls face à l’écran sensé diffuser un innocent dessin animé. Mais par erreur, c’est un film pornographique que les petits auront pour spectacle pendant cinq bonnes minutes.

Bien évidemment, les parents et les élus sont choqués et le service départemental de l’éducation nationale étudie l’éventuel besoin d’un suivit psychologique pour certains enfants.

La double pénétration, une gigantesque partouze ou encore une scène scato, ça vous choque ? Sachez que pour la petite Lou, assise au premier rang les yeux écarquillés, c’est probablement d’autres détails qui attireront son attention. Ainsi, dans les films à caractère pornographique, certains comportements sexuels ont une topographie proche de comportements agressifs qui suffisent à interpeller les plus petits (coups de fouet et fessées données au partenaire, ou bien va-et-vient rapides et toniques d’un corps dans un autre par exemple). Les gémissements de l’orgasme simulé de l’actrice aux gros seins vous paraissent anodins ? Sachez que pour un enfant, une bande sonore peut choquer beaucoup plus qu’une image et s’inscrire plus longtemps en mémoire. Pour l’enfant, la valeur interprétative de ces images est donc bien différente de celle de l’adulte et chacun retiendra un aspect particulier de la séquence du film en fonction de ses références.

C’est lorsqu’une de ces dominantes visuelles et/ou sonores particulière renverra pour l’enfant à une connotation aversive, que celui-ci manifestera des réactions émotionnelles désagréables. Et c’est seulement lorsque cette réaction sera suffisamment importante pour provoquer notamment des comportements d’évitement (l’enfant ne veut plus retourner à l’école) et des troubles du sommeil (cauchemars répétitifs), que l’on pourra évoquer le terme de traumatisme pour l’enfant.

On est donc loin de l’interprétation qu’un adulte peut se faire d’un tel film. Ce qui est en revanche choquant pour l’adulte c’est le décalage de la situation : un film porno diffusé à des élèves de maternelle sensés recevoir une éducation irréprochable.

Pour les représentants municipaux, il s’agit d’une faute grave qui doit être sanctionnée. La sanction n’aura d’efficacité que si elle permet d'agir sur le comportement futur de l'enseignante : ne pas recommencer la même erreur. Or, la punition est déjà tombée sur cette femme de façon tout à fait naturelle : honte et culpabilité, le tout accentué par une bonne dose de médiatisation de l’événement. En réalité, on pourrait même espérer qu’elle aussi bénéficie d’un soutien psychologique. À moins que cette « boulette » ne soit intentionnelle, il y a donc peu de chances pour que cette enseignante réitère sa faute. Mais la sanction a ici une valeur plus sociale que comportementale : elle soulage les parents en leur donnant une impression de justice, de considération, de sérieux.

Ironie du sort, les enfants sont chaque jour bombardés d’images en tout genre. Même si ces images sont légitimées par les parents, leur impact émotionnel peut être bien réel. Les enfants n’ont donc pas besoin d’attendre de voir leur premier porno pour vivre des expériences audiovisuelles perturbantes.