« Marjorie » est une nouvelle fiction diffusée sur France 2. L’héroïne éponyme de la série est une psychothérapeute. J’en ai regardé un épisode, curieux de voir comment ils allaient aborder le sujet et si cette fiction était crédible d’un point de vue « psy ».
Bon d’accord, l’objectif des auteurs et producteurs de la série n’est pas de faire un documentaire sur la psychothérapie qui n’est qu’un prétexte à l’histoire. Savoir si Marjorie mène ses consultations de façon vraisemblable n’est donc que secondaire. Néanmoins, il peut être parfois dommageable que le cinéma et la télévision véhiculent des idées fausses sur le métier de psychologue ou de psychothérapeute. Le film « La maison du Dr Edwardes » d’Alfred Hitchcock par exemple, traite de l’interprétation des rêves et de la théorie de l’inconscient de Freud. Ce film a eu un gros succès aux Etats-Unis et a certainement entretenu à l’époque la bonne fortune de l’école psychanalytique américaine. En France, beaucoup de gens pensent encore aujourd’hui que leur mal-être aurait en partie pour origine des souvenirs ou des expériences refoulées et qu’il suffirait de les mettre à jour pour « guérir » ou aller mieux. Pourtant, tout cela reste infondé.
J’ai donc voulu aller voir quelles idées une série française d’aujourd’hui pouvait communiquer à propos de la psychologie. Verdict : même s’il y a des éléments intéressants, cette fiction fait de nombreuses allusions à des théories fausses, voire malsaines…
Des éléments intéressants
La série illustre assez bien le fait que changer nos comportements, ou vulgairement « aller mieux », cela requiert un minimum d’efforts et d’entrainement. L’idée que l’on pourrait diminuer nos angoisses uniquement en blablatant chez son « psy » n’a en effet qu’un impact thérapeutique très limité. Pour changer efficacement, il faut au contraire se confronter à la réalité de façon structurée, progressive et dans des conditions variées. Cet aspect est bien montré dans le film : Marjorie propose de nombreux exercices pratiques à son patient (interprété par Bruno Solo). Par contre, tout cela manque de rigueur, les objectifs thérapeutiques sont mal définis et les considérations éthiques sont inexistantes. Mais ces écarts sont concevables dans la mesure où, encore une fois, cette série n’a pas d’objectifs pédagogiques. Par contre, sur d’autres aspects, « Marjorie » présente des erreurs théoriques…
Des aberrations théoriques
Tout d’abord, certains dialogues relèvent de la psychologie de comptoir. Par exemple :
« Je vais vous aider à vous reconnecter à votre vraie puissance ». Ou encore : « Vos parents étaient très câlins quand vous étiez petit ? Les modèles masculins aident le petit garçon à se construire ».
En réalité, un professionnel sérieux ne parle pas comme ça.
Ensuite, on retrouve quelques poncifs du « psy » comme le fameux divan, ou les interprétations bidons. Par un tour de passe-passe sous hypnose, il est également question de modifier symboliquement le passé du patient pour l’aider à se sentir mieux. Mais « traiter » les souvenirs traumatiques du passé pour espérer aller mieux dans le présent est une hérésie.
Et puis, à la fin de l’épisode, les auteurs ont osé le cliché absolu : le fameux souvenir incestueux ! Ce sujet est très casse-gueule, compte tenu notamment des récentes affaires de faux souvenirs induits qui ont eu des effets collatéraux désastreux sur de vrais patients.
La fin justifie les moyens
L’oncle pédophile bien dégeulasse qui tripote son neveu prépubère le soir de Noël, en voilà un bon pitch susceptible d’augmenter la part d’audience. Alors pour tous les téléspectateurs qui après avoir regardé cette série pas du tout réaliste auraient l’idée de devenir eux aussi psychothérapeutes, je vous invite à cliquer ici, ou encore là, pour avoir un premier aperçu de la réalité de ce métier.