Sexe, argent et psychothérapie

Eyes Wide Shut (Stanley Kubrick)

Tiré d’une histoire vraie…

Jacques M. est employé comme agent de propreté à la municipalité d’Annecy. Au milieu des années 90, alors qu’il est âgé de 50 ans, Jacques M. décide de changer d’activité professionnelle : il sera psychothérapeute.

Sans formation spécifique ni diplôme en poche (il a arrêté sa scolarité au collège), Jacques franchit donc le pas, il pose sa plaque et ouvre officiellement son cabinet de psychothérapie en 1996. Il en profite même pour rajouter une corde à son arc en s’autoproclamant également psychanalyste. A cette époque, Jacques M. profite d'un vide juridique sur l’usage des titres de psychothérapeute et de psychanalyste. L’ouverture de son cabinet n’a alors rien d'illégal.

L’affaire marche bien. Le cabinet ne désemplit pas et Jacques se fait beaucoup d'argent. Une de ses astuces est de dire à ses patients qu’une thérapie n’est efficace que si chaque membre de la famille vient consulter. Son succès est tel qu’il monte même une structure de formation en psychothérapie. Jacques M. est un ambitieux.

Malheureusement, cette superbe ascension commerciale s’arrête net en 2009 lorsque les associations d’aide aux victimes découvrent l’envers du décor : entre 2007 et 2010, Jacques M. aurait en effet "prescrit" à une centaine de ses patients des rapports sexuels adultères non protégés et des pratiques sadomasochistes. Il aurait même mis ses patients en contact pour réaliser ces orgies, auxquelles il aurait lui-même parfois participé (selon Le Parisien, une des victimes aurait eu comme prescription de coucher avec 10 hommes par jour). Selon l'ADFI (Association de Défense des Familles et de l’Individu victimes de sectes), l’homme aurait également "induit de faux souvenir d'inceste chez ses victimes, provoquant des dommages collatéraux dans les familles (…) (cité par 20 minutes) ».

Le 21 octobre dernier débutait en Savoie le procès opposant Jacques M. à 17 de ses anciens patients. Ces derniers ont décidé de se porter partie civile pour abus de faiblesse.

Législation actuelle sur l’usage des titres de psychothérapeute et de psychanalyste 

En attendant la décision de justice, voici un rappel de la législation actuelle sur l’utilisation des titres de psychothérapeute et de psychanalyste en France.

Depuis le 20 mai 2010, un décret prévoit que les professionnels voulant utiliser le titre de psychothérapeute doivent s’inscrire obligatoirement sur un registre national. Cette inscription n’est possible que pour les médecins ou les universitaires en psychologie de niveau Master. Les psychanalystes peuvent également utiliser le titre de psychothérapeute, mais ils doivent justifier d'une formation supplémentaire (200 heures de formation exigée en psychopathologie clinique ainsi que 2 mois de stage).

Les professionnels qui, comme Jacques M., ont débuté leur pratique à l’époque où l’utilisation du titre de psychothérapeute n’était pas règlementée, peuvent néanmoins obtenir une dérogation. Ils doivent cependant justifier d'au moins cinq ans de pratique de la psychothérapie, même s’ils ne remplissent pas les conditions de formation et de diplôme prévues désormais. Mais cette dérogation ne peut être accordée qu’après un avis favorable émis par les Agences Régionales de Santé.

Concernant l’usage du titre de psychanalyste en France, il ne bénéficie encore d'aucun encadrement légal, contrairement à toutes les autres professions en santé mentale (en comparaison, le titre de psychologue est reconnu et protégé par l'Etat depuis 1985). Cela signifie qu'en France, n'importe qui peut encore légalement exercer en tant que psychanalyste sans diplôme, ni formation, ni expériences spécifiques. Les patients peuvent néanmoins trouver un psychanalyste dont le nom est enregistré dans les annuaires des associations.

Jacques M. risque jusqu'à cinq ans de prison et 750.000 euros d'amende. Si une telle histoire devait se reproduire aujourd’hui, la peine encourue serait donc certainement plus lourde.