A l’occasion des 10 ans de la création des Groupes d'entraide mutuelle (ou GEM), j'ai recueilli le témoignage d’Alexandre Vaillant, psychologue clinicien, et de quelques adhérents du GEM « l’Entre-temps » de Saint-Denis (93)…
Pourquoi les GEM ont-ils été créés ?
Introduits par la loi « handicap » du 11 février 2005, les groupes d’entraide mutuelle (GEM) sont des dispositifs de prévention et de compensation de la restriction de la participation à la vie sociale organisés sous forme associative (source CNSA).
« Les GEM ont été créés pour éviter l’isolement et l’exclusion de personnes fragiles psychiquement et servir de passerelle vers une vie sociale en dehors des dispositifs hospitaliers et médicaux-sociaux traditionnels (secteurs de psychiatrie, FAM, ESAT, SAMSAH, SAVS…). En s’appuyant sur l’expérience des clubs thérapeutiques qui se sont historiquement constitués à l’intérieur des hôpitaux, les GEM ont l’originalité d’être des outils participatifs où chaque personne devient membre d’une collectivité active qui décide elle-même du projet qui la concerne ».
« Plus généralement le groupe d’entraide mutuelle (GEM) invite ses adhérents (en général des personnes en situation de souffrance psychique) à participer au maximum à son fonctionnement ».
Qui sont les usagers des GEM ?
« N’importe qui. Des curieux, des gens qui ne veulent pas rester seuls, qui sont venus par le bouche à oreille, des malades ou des non malades de 7 à 77 ans, des hommes, des femmes, des animaux même parfois… De manière générale, les adhérents des GEM sont des personnes qui sont dites « souffrantes psychiquement », qu’elles soient reconnues ou non par les services de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées). Les GEM sont des dispositifs ouverts qui peuvent se situer en amont ou en aval d’un contact éventuel avec les services médicaux ou sociaux évoqués plus haut ».
« Si à l’origine les GEM étaient destinés à lutter contre l'isolement de personnes souffrant de troubles psychiques, ils se sont également tournés vers des personnes souffrant de troubles cognitifs ou de traumatismes crâniens ».
Que font les usagers au sein d'un GEM ?
« Concrètement, au sein du GEM « L’Entre-temps » : papoter, vivre, boire un café, supporter les supporters du PSG et d’Ajaccio, parler d’autre chose que de football, rigoler, se prendre la tête, faire la cuisine et la vaisselle, jouer de la musique, jouer à la belote, aller au jardin, taxer des cigarettes, dessiner, apprendre à vivre en communauté, draguer, se détendre, s’inscrire dans la dynamique d’un atelier, sortir le samedi, fêter son anniversaire, ou ne rien faire du tout…».
« Chaque GEM possède sa spécificité, en fonction du désir des membres qui le composent et des possibilités concrètes que lui offre son environnement direct. Si la majorité d’entre eux s’organisent autour d’ateliers thématiques (théâtre, cuisine, musique, relaxation, informatique…), d’évènements conviviaux (anniversaires, fêtes annuelles…), de sorties culturelles ou de voyages, d’autres peuvent développer des projets plus divers comme la création d’une boutique ouverte sur la ville, ou prendre la forme d’un café associatif. Le dénominateur commun de toutes ces initiatives étant de créer des liens entre le GEM et la vie de la cité ».
« Par ailleurs, la forme associative des GEM offre également la possibilité d’investir les différentes fonctions d’un conseil d’administration, d’un bureau (présidence, trésorerie, secrétariat), des réunions mensuelles, des assemblées générales. Un ensemble de responsabilités peux également se distribuer autour de la vie du lieu et de la dynamique des ateliers (animer un cours de danse, faire à manger pour un repas, ouvrir le lieu de manière autonome sans présence d’animateurs professionnels…) ».
En quoi les GEM rendent-ils service à ses usagers ?
« Le GEM « l’Entre-temps » aide ses usagers à redevenir autonome, parfois à résoudre des problèmes administratif, à reprendre confiance en eux, apprend à s’aider les uns les autres, à mieux se comprendre, à se faire de nouveaux amis… »
« La question de la pertinence thérapeutique est une bonne question puisque les GEM ne sont pas des lieux médicalisés. Si quelque chose soigne, ce n’est pas un professionnel, mais la qualité du vivre ensemble présent dans le GEM, que ce soit par la dynamique des ateliers ou la pertinence de l’organisation du lieu. En l’occurrence, les seuls professionnels dans les GEM sont des animateurs venant de milieux et ayant des formations diverses (artistes, éducateurs, psychologues…). Pour rappel, la potentialité soignante de la qualité du vivre ensemble et d’être partie prenante de projets collectifs a été problématisée en France par différents mouvements d’après-guerre, allant du courant désaliéniste (Bonnafé, Daumézon, Le Guillant, Sivadon...) à la psychothérapie institutionnelle, en passant par la socio-thérapie et ses multiples déclinaisons (art-thérapie, musico-thérapie, danse-thérapie…). Le GEM se situant juridiquement à l’extérieur des dispositifs médicaux-sociaux, il n’est pas à proprement parler question de « soin » ».
Quel est le rôle d’un animateur dans un GEM ?
« Au GEM l’Entre-temps : animer, écouter, comprendre les personnes, donner du mouvement…Dans la mesure ou les GEM ne sont pas des dispositifs médicaux, mais des espaces où il s’agit d’inviter les adhérents (et non les patients) à partager les responsabilités d’une vie associative, le rôle de l’animateur va se différencier des fonctions attribuées généralement aux personnels des hôpitaux et du secteur médico-social (infirmiers, psychiatres, psychologues, éducateurs, aides-soignants…). L’animation d’un GEM consiste à aider les adhérents à problématiser eux-mêmes l’organisation et la vie du lieu (aider à constituer un conseil d’administration, un bureau, une charte de fonctionnement, des temps de réunions collectives, faciliter des prises d’initiatives et veiller à la qualité de l’ambiance). Il peut également, en fonction de son désir et de son savoir-faire, être porteur de projets ou d’ateliers qui animent justement les relations et la vie du lieu ».
Y a t-il une spécificité au sein du GEM dans lequel vous intervenez ?
« Le GEM « l’Entre-temps » est situé en plein cœur du centre ville de Saint-Denis. Il a été créé il y a une dizaine d’année par l’association « A Plaine Vie » (de Saint-Denis également) qui est historiquement liée à l’UNAFAM. Il s’est développé sur des principes d’accueil inconditionnel (n’importe qui peut y venir), sur la possibilité d’y venir pour ne rien faire (non obligation de participer aux ateliers) et une certaine liberté de circulation. Il a développé dans ses premières années d’existence tout un travail autour de productions artistiques (peinture, musique, théâtre, sculpture, chant…) tout en s’ouvrant sur la ville de Saint-Denis en créant des liens avec les théâtres et les différents espaces d’expressions de la ville (lieux d’expositions, centre municipal de la ligne 13). Tout en poursuivant ces différents partenariats, depuis quelques années se sont mis en place des liens nouveaux avec le cinéma d’art et d’essai et la librairie de Saint-Denis dans le cadre de l’organisation d’évènements ouverts sur la ville et visant à modifier les représentations autour de la maladie psychique. Dans le même mouvement, le GEM à vu naître en son sein une émission de radio nommée « Bruits de couloir » (106.3 FM). Cette émission, créée et animée par les adhérents du GEM aborde la psychiatrie d’hier et d’aujourd’hui. Elle est diffusée sur la radio Fréquence Paris Plurielle, de 18h à 19h, le troisième lundi de chaque mois ».
« Vous êtes tous les bienvenus ! »
Pour en savoir plus :
GEM l’Entre-temps, 21 rue de la république, 93200 Saint-Denis
Emission de radio “Bruits de couloir” sur Fréquence Paris Plurielle (106.3 FM) de 18h à 19h, le troisième lundi de chaque mois.