Comprendre le « trac » pour mieux s’y adapter

Kian McKellar

Les épreuves du baccalauréat se terminent la semaine prochaine et comme chaque année, certains étudiants devront passer un oral de rattrapage. L’occasion de faire un point sur le « trac ».

Le « trac », c’est quoi ?

En 1967, Barbara Streisand donne un concert dans la ville de New York. Au cours de la soirée, la chanteuse oublie les paroles d’une de ses chansons. Tétanisée, il lui faudra alors plus  de 20 ans pour remonter sur scène.

Le « trac » n’est pas un terme utilisé en psychologie. On parle plutôt de réaction émotionnelle en présence d’un public devant lequel nous nous apprêtons à faire un discours ou une prestation artistique par exemple. Ces réactions physiologiques, difficilement contrôlables, se caractérisent par des mains moites, une accélération du rythme cardiaque, un estomac noué, une gorge serrée ou une dilatation des pupilles. Toutes ces modifications de votre organisme ont une seule fonction : vous préparer à la fuite.

Votre cerveau interprète donc la situation comme une menace et vous informe que vous avez peur.

Comment naît cette peur de parler devant des gens ?

La peur que vous ressentez juste avant de faire un discours est dite conditionnée, c’est-à-dire qu’elle est apprise. Votre système nerveux réagit en effet à un stimulus (monter les marches d’un podium par exemple) qui, à priori, ne devrait pas entraîner de réaction spécifique. La peur en réaction du bruit de la roulette du dentiste est un bon exemple d’émotion conditionnée : si ce bruit est stressant, c’est qu’il a été au préalable associé à une douleur, sans laquelle il resterait insignifiant. La littérature en psychologie fournit aussi de nombreuses démonstrations de cet apprentissage : dans une expérience, les participants entendent un son neutre juste avant de recevoir des commentaires insultants. Après des associations répétées du son avec ces insultes, le son à lui seul évoque les réactions viscérales caractéristiques d’un trouble émotionnel.

La peur que la plupart d’entre vous ressent avant de s’exprimer devant un auditoire est donc le résultat d’un apprentissage, elle n’est pas innée. Plus précisément, cette peur peut être apprise soit par expérience : vous vous êtes ridiculisés une fois devant un public, comme Barbara Streisand. Soit indirectement par observation d’autres personnes en situation d’échec, ou bien en étant informé sur les « dangers » de parler en public.

Pour Barbara Streisand, monter sur scène était donc devenu un stimulus conditionné qui provoquait chez elle une peur intense. C’est comme si son cerveau lui envoyait ce message : « cette situation est dangereuse ! Pour ta sécurité, n’y va pas ! ». Ses émotions étaient si intenses qu’elle a préféré éviter la scène…pendant plus de 20 ans.

Pourquoi parler en public peut-il vous faire si peur ?

Une grande partie de vos comportements est influencée par l’environnement social. Pour le dire autrement, vos faits et gestes sont plus ou moins sous le contrôle d’autrui. Dès l’enfance, vous apprenez la plupart des « bons » et des « mauvais » grâce aux approbations de votre entourage ou au contraire via leur réprimande. Le « NON » vous apprend par exemple à ne plus manger avec vos doigts. Cette réprimande est efficace (à cours terme en tous cas) car elle provoque des émotions désagréables du fait de son intensité sonore et de son effet de surprise. L'aspect désagréable de la réprimande a pour conséquence que vous aurez tendance à éviter de manger à nouveau avec vos doigts et privilégierez à la place l’utilisation d’une fourchette par exemple. A l’inverse, l’approbation vous encourage à reproduire vos « bons » comportements.

A force d’être réprimandé systématiquement pour vos « mauvais » comportements, votre cerveau finit par réagir au simple que vous fassiez une « mauvaise » action avant même que la réprimande n’apparaisse. Votre organisme apprend en quelque sorte à anticiper la conséquence de vos « mauvais » comportements. Le détecteur de mensonge illustre bien ce phénomène : comme vos mensonges sont souvent suivis d’une réprimande sociale, votre organisme finit par réagir au simple fait que vous mentiez. La machine peut alors détecter vos réactions physiologiques conditionnées au moindre de vos mensonges. 

Le fameux sentiment de culpabilité est un autre exemple de cette apprentissage par association : lorsque vous agissez d'une "mauvaise" manière, vous ressentez une émotion désagréable avant même que votre entourage vous fasse des reproches.

Ce principe d’apprentissage permet de comprendre pourquoi vous pouvez avoir peur de parler en public : comme votre cerveau a appris que l’échec était synonyme de « mauvais » comportement, au moindre raté dans votre prestation, même si personne ne vous blâme, vous éprouverez une émotion désagréable. Cette émotion sera d’autant plus intense que vous êtes face à un nombre important d’individus qui peuvent tous potentiellement vous juger.

Lorsque Barbara Streisand a oublié les paroles de sa chanson sur scène, c'est donc comme si elle recevait les réprimandes de milliers de personnes pour avoir « échoué ». Les enjeux sont en effet d’autant plus importants face à un public nombreux, ou lorsqu’il s’agit pour vous d’être évalué. Plus votre réaction émotionnelle est forte, plus votre cerveau vous informera que vous êtes face à une menace et qu’il est préférable de fuir cette situation.

Etes-vous tous concernés par le trac ?

Vous n’avez bien-sûr pas tous les mêmes émotions face un auditoire. Cela dépend de votre histoire et de votre sensibilité. Des facteurs génétiques rendent certains d’entre vous plus vulnérables que d’autres au développement de réactions de peur face à l’environnement. Précisons aussi que les émotions négatives ne sont pas toujours problématiques et qu’elles peuvent même être bénéfiques. C’est le cas par exemple des sensations de vertige qui vous permettent d’être plus vigilant lorsque vous montez en haut une échelle.

Comment atténuer vos réactions de peur ?

C’est en comprenant les principes d’apprentissage de la peur que les thérapeutes ont pu mettre en place des stratégies pour aider les personnes à atténuer leur réactions émotionnelles. Globalement, il s’agit de désapprendre au cerveau l’association entre la situation stressante et les réactions physiologiques du stress.

La diminution de la peur passe par une « confrontation » à son public. Cependant, cette confrontation ne suffit pas toujours pour diminuer le « trac » : le chanteur John Lennon est monté sur scène des centaines de fois, pourtant il vomissait à chaque début de concert. Le désapprentissage doit alors passer par une confrontation plus « structurée » et surtout adaptée à chaque personne. Voici quelques éléments de réponses dans cette vidéo :

Sources :

Sarafino E. P. (2012). Applied Behavior Analysis. Wiley.

http://ed.ted.com/lessons/the-science-of-stage-fright-and-how-to-overcome-it-mikael-cho