Pourquoi sommes-nous superstitieux ?

Artotem

Caroline aime jouer au basket. Elle est inscrite au club de sa ville et dispute un match chaque dimanche contre une équipe d’une localité voisine. À chaque rencontre, Caroline s’attache les cheveux avec un chouchou rouge qu’elle utilisait quand elle était petite. Elle pratique ce rituel scrupuleusement, depuis le jour où elle a porté ce chouchou « par hasard » lors d’un match qu’elle a remporté, alors que son équipe n’était pas favorite.

Il est aujourd’hui inconcevable pour Caroline de se passer de son chouchou les jours de match.

Porter le chouchou rouge est un exemple de comportement superstitieux que nous avons tous. Mais comment se forment-ils ?

Certains d’entre nous sont persuadés de mieux dormir la tête au nord, que la pleine lune nous rend insomniaques, ou encore que le Bélier est le signe astrologique des individus fonceurs. Il s’agit là de quelques exemples de relations fausses que l’on croit pourtant percevoir. Les psychologues appellent ces relations des « corrélations illusoires ».

Il existe une expérience en psychologie qui permet d’observer ce phénomène. On demande à des volontaires si, selon eux, il existe un lien entre une couleur et une lettre apparaissant sur un écran. Toutes les trois secondes, les volontaires voient une couleur à gauche de l’écran, et à droite, une lettre (A ou B). Après plusieurs essais, on constate  que les volontaires « découvrent » une corrélation, par exemple, entre le A et le bleu. Or l’ordinateur est programmé pour qu’il n’y ai aucun lien entre lettres et couleurs. Et plus l’expérience se prolonge, plus les volontaires sont convaincus de cette relation, malgré l’apparition de résultats contradictoires comme le A et le rouge.

C’est un fait inhérent à l’humain : les contingences accidentelles entre un comportement et ses conséquences nous font croire à des liens qui souvent n’existent pas. Pour expliquer ce phénomène, certaines psychologues évoquent le besoin de créer du sens, la tendance naturelle à simplifier la réalité ou notre résistance au changement.

En réalité, cette sensibilité de nos comportements face à certaines conséquences a un rôle plus fondamental en lien avec notre survie : elle offre l’avantage d’équiper l’organisme en comportements efficaces dans les environnements nouveaux. Mais par ce mécanisme, il nous arrive aussi d’acquérir, par accident, des comportements qui sont inutiles à notre survie. Et s’il n’y a qu’une connexion accidentelle entre le comportement et l’apparition d’une conséquence, le comportement est qualifié de superstitieux.

Ceci a été démontré avec des animaux : on donne à un pigeon une petite portion de nourriture toutes les 15 secondes, de façon tout à fait indépendante avec ce qu’il fait. Au moment où la nourriture est délivrée pour la première fois, le pigeon est en train de faire quelque chose. On constate que ce même comportement apparaît de nouveau et parfois au moment où la nourriture est fournie, ce qui affermit encore plus le comportement, et ainsi de suite. On observe que ce comportement finit par faire partie intégrante du répertoire comportemental du pigeon, alors que la nourriture avait été délivrée arbitrairement, sans aucune relation avec le comportement de l’oiseau.

Qu’on le veuille ou non, nous sommes donc vulnérables aux coïncidences. Mais à la différence du pigeon, chez l’homme, seule une faible part des comportements se développe en superstitions. Une fois établit, un comportement superstitieux peut résister longtemps, même lorsqu’il ne donne pas fréquemment le résultat attendu. De plus, les rituels superstitieux de la société peuvent être transmis par la culture, sans qu’il soit nécessaire de les avoir éprouvés. C’est par exemple le cas des prières que l’on pratique dans certaines familles avant de passer à table.

Sources :

Gauvrit, N. (2009). Vous avez dit hasard ? Entre mathématiques et psychologie. Paris : Belin.

Skinner, B. F. (2008). Science et comportement humain. In Press.