La culpabilité nous fait dire n’importe quoi

db Photography | Demi-Brooke

Le quotidien La Voix du Nord vient de sortir une compilation des meilleures brèves de prétoire de 2013, entendues aux audiences du tribunal de Lille :

« L’auto-radio, je ne l’ai pas volé, je l’ai reposé sur le siège de la voiture, il était trop moche.» Un prévenu (29/11).

« Je ne me souviens pas bien ; je fume du cannabis alors tout ne reste pas dans mon cerveau. » Un prévenu (06/03).

« Entre la prison et le chômage, je n’ai jamais eu le temps de travailler. » Un prévenu (03/04).

L’usage de la parole par un être humain pourrait se résumer en 3 fonctions principales : faire une demande à autrui, s’autostimuler (lorsque vous chantez tout(e) seul(e) sous votre douche par exemple), ou bien échapper à une situation désagréable.

« Quand je suis ivre au volant, je ne suis pas dangereux car, comme je n’y vois plus rien, je conduis très doucement. » Un prévenu (4/09).

 « J’ai été condamné six fois pour vol, mais c’est pas dans mes habitudes. » Un prévenu (13/02).

Dans cette compilation des meilleures brèves de prétoire, la fonction principale de la parole des prévenus est de tenter d’échapper au sentiment désagréable de culpabilité. Même si la plupart de ces personnes a certainement conscience d’être légalement coupable, leurs propos étonnants allègent le poids psychologique de leurs actes.

 « J’avais pas compris que le sursis ça voulait dire de la prison pour la prochaine fois. » Un prévenu (06/03).

« J’avais une balance de précision mais c’est pas pour les stupéfiants ; c’est parce que j’aime bien faire la cuisine. » Un dealer (24/04).

Dans l’urgence, cette volonté d’échappement peut même nous fait dire n’importe quoi. La priorité devient alors de sauver le peu de dignité qu’il nous reste. Le mensonge est d’ailleurs ce que l’on pratique régulièrement pour échapper au sentiment de culpabilité ou de honte (lorsque l’on ne veut pas aller dîner chez un ami par exemple, il est beaucoup plus facile de lui dire que l’on est malade, ou que l’on travaille le lendemain, plutôt que de lui annoncer qu’on a pas envie de le voir).

« Je faisais des zigzags peut-être aussi parce que c’est une vieille voiture française. » Un prévenu (22/06).

 « Je n’ai pas été voir la juge d’application des peines, quand je me rends au tribunal, je ne me sens pas très bien. » Un prévenu (28/11).

Nous sommes donc conduits à trouver des raisons qui partagent la faute et allègent ce sentiment désagréable de responsabilité personnelle. Nous éprouvons ainsi un meilleur confort cognitif et émotionnel qui nous rassure.

« Je ne suis quand même pas l’ambassadeur du diable sur cette terre ! » Un prévenu (11/04).

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