La Fédération Addiction vient de faire paraître un guide, Addictions sans substance, qui aborde les problématiques liées aux nouvelles pratiques et objets de dépendance dits « sans substance ». Le guide dresse un constat des addictions aux outils de communication, aux jeux, aux écrans ou à internet, et évoque les moyens de prévention et de prise en charge. Ces pratiques récentes sont des motifs de consultation en progression, et renvoient à l’évolution technologique de notre société.
Mais peut-on établir si facilement une différence de catégorie entre addictions avec ou sans substance ? Voici quelques éléments de réponse avec l’exemple du « phénomène » de la cigarette électronique.
La nicotine contenue dans la cigarette serait impliquée dans le mécanisme de la dépendance tabagique. Comme d’autres substances comme l’alcool ou la cocaïne, la nicotine est une drogue qui stimule certains circuits nerveux et pousserait l’organisme à reproduire la consommation du tabac associée à une expérience de plaisir. Lors de l’arrêt du tabac, certains symptômes ressentis par l’organisme sont liés directement au manque d’apport en nicotine, comme par exemple les troubles du sommeil ou de l’humeur. Pour faire face à ces symptômes de sevrage, l’ancien fumeur peut utiliser des patchs ou des chewing-gum à la nicotine qu’il réduit progressivement afin de ressentir moins brutalement les effets désagréables de l’arrêt du tabac. Pourtant, la dépendance physiologique à la nicotine ne dure rarement plus d’une semaine, et étonnamment, la sensation de manque persiste, parfois même après plusieurs années. La nicotine contenue dans le tabac va donc faciliter l’entrée dans un processus de dépendance, mais elle sera très rapidement relayée par une addiction d’ordre comportemental. Les routines de la vie du fumeur seront longtemps très fortement associées à sa consommation de tabac : la cigarette du matin après le café, sur le trajet du travail, après le déjeuner, pendant les pauses, etc. C’est principalement parce que la consommation de cigarette est fortement ancrée à nos comportements de vie qu’il est très difficile de s’en séparer, beaucoup plus qu’en raison de la présence de nicotine.
Est alors arrivée l’e-cigarette, utilisée comme outil de substitution comportemental par les fumeurs de tabac. En France, il y aurait déjà près de 500 000 adeptes. L’avantage de la cigarette électronique, c’est qu’elle diminuerait les risques pour la santé puisque le liquide permettant la formation de vapeur serait a priori sans danger. Concernant la nicotine, elle est en option, et les utilisateurs qui choisiraient de s’en passer passeraient alors d’une dépendance avec substance à une dépendance sans substance. Pour ces raisons, la cigarette électronique ne serait donc pas un outil pour arrêter de fumer, la persistance de la dépendance comportementale restant très forte.
Pour les addictions au téléphone portable, à facebook ou aux jeux vidéo, il n’y a pas de molécule qui vienne modifier le système nerveux directement, comme c’est le cas de la nicotine. Néanmoins, cette dépendance sans substance est bien présente et les motivations qui poussent à ce type d’addiction ont aussi une base moléculaire. Ainsi, il existe une implication de mécanismes neurochimiques dans la modification comportementale, même pour les addictions sans substance. La distinction entre ces deux types de dépendance se complique encore plus lorsque l’on sait que l’addiction sans substance prend souvent place dans un contexte de polyaddiction intégrant des toxiques tels que le tabac, l’alcool ou le cannabis.