Et si le meilleur jambon du monde était produit en France ? Surprise, n’est-ce pas ? Chacun, la main à couper, aurait parié sur l’Espagne et ses merveilleux bellotas, voire sur l’Italie et ses culatellos di Zibello. Que nenni, mes amis, il serait bien de chez nous ce roi des jambons, du Quercy, et pour tout dire, du domaine de Saint-Géry. Explications !
Il en va du sacre d’un jambon, comme de la remise d’une palme d’or : un jury se réunit, délibère et livre son verdict au monde impatient des amateurs. Parfois l’unanimité règne, parfois les sifflets se déchaînent, c’est selon. Toujours délicat de juger un travail d’artiste.
Pourquoi donc, mettre sur le même pied - oserai-je dire - un cuisseau de porc et un jeune premier, une salaison et une divine diva ? Le parallèle ne manque pas de sel, je vous l’accorde volontiers, mais il me semble qu’il faut être un artiste dans l’âme pour se lancer dans une aventure comme celle que Patrick Duler entretient depuis plus de vingt ans avec ses porcs noirs gascons.
Remontons un peu le temps pour mieux comprendre les raisons qui ont conduit un jury de spécialistes, lors d’une dégustation à l’aveugle, à noter ce jambon quercinois devant les plus fameuses réalisations de la péninsule ibérique.
En 1984, Patrick Duler hérite du domaine de Saint-Géry, 60 hectares de champs, de bois, de prairies, et une ancienne maison familiale qui menace ruine. Le travail est colossal à la hauteur de l’obstination du jeune de 25 ans. Patiemment, année après année, Patrick Duler va faire de Saint-Géry, tout à la fois un modèle d’agriculture biologique et un haut lieu de la gastronomie, les deux étant d’ailleurs indissociables l’un de l’autre, Patrick se définit lui-même cuisinier-paysan.
En vedette : le porc noir gascon !
Dès 1986, il commence l’élevage d’une trentaine de porcs gascons. Avec ces cochons “baroudeurs et gourmands”, comme le dit joliment Patrick, il fait tout d’abord une noix de longe au piment d’Espelette qui rencontre un grand succès auprès des visiteurs du domaine où il a créé une maison et une table d’hôte.
Puis, il décide d’élaborer lui-même ses saucissons, mais sans sels nitrités, sans salpêtre, avec du sel pour seul élément de conservation. « Je n’arrivais pas toujours à un résultat satisfaisant, explique-t-il. Parfois, mon saucisson était parfait, mais pas toujours. Je voulais comprendre et stabiliser un processus, alors j’ai appelé le CRITT agroalimentaire (Centre Régionale d’Innovation et de Transfert de Technologique).” Il faudra deux ans d’études, de tâtonnement, de pragmatisme, d’expériences, pour comprendre la chaîne des interactions qui se noue lors de la maturation d’une salaison. “C’est un phénomène passionnant, reprend Patrick Duler, qui s’apparente à la fabrication de pain, du fromage ou du vin. Ce sont des levures et des bactéries qui se développent lors de cet affinage. Nous avons appris à comprendre les interactions entre le milieu extérieur, le rôle des températures, de l’hygrométrie notamment, et le produit en maturation.”
Jambon palmé…
Aujourd’hui, en plus des saucissons, Patrick Duler produit des jambons d’exception, d’un soyeux sublime, profond et savoureux, aux saveurs infiniment longues en bouche. Affinés pendant 36 mois, ils comptent parmi les meilleurs du monde. Et sans doute, sont-ils même les meilleurs… Depuis qu’un jury, lors d’une dégustation à l’aveugle l’a désigné comme tel.
“Tout a commencé par la visite au domaine de Saint-Géry du président d’un marché de Barcelone, La Boqueria, où sont vendus des tonnes de jambon bellotas. Il a dégusté le notre et nous a confié qu’il le trouvait meilleur que bon nombre de bellotas, mais qu'il n'était sans doute pas le meilleur. Je l’ai pris au mot et je lui ai proposé de faire un test pour en avoir le cœur net.”
A la fin du mois de mai dernier, quatre chefs barcelonais, le président du “Marcat de la Boqueria”, un membre de la “Real academia de gastronomia”, un bloggeur français, une sommelière française dégustent trois jambons : un Joselito de 48 mois, servi dans les “Ateliers” de Joël Robuchon et proclamé par Ferran Adria lui-même comme le “meilleur jambon du monde ”, un Maldonnado de 48 mois, le jambon plébiscité par la nouvelle vague des chefs espagnols et le Saint-Géry 30 mois.
Sans que cette dégustation n’ait rien d’officiel, le résultat fut sans appel, le Saint-Géry est arrivé en tête et de très loin. Patrick Duler y voit une consécration du son travail artisanal : “On produit aux environs de 100 000 Joselitos par an, 10 000 Maldonnado et 300 Saint-Géry. ” De la haute couture, tout simplement.
Recette
Queue de lotte au vermicelle de lard
Ingrédients
Une queue de lotte pour 4 personnes
Gras de jambon de porc noir gascon (environ 50 g)
Un jus de citron pressé
Fleur de sel
Poivre blanc du Penja.
Réalisation
Détaillez la queue de lotte en filets.
Coupez le gras de jambon au couteau, puis ciselez-le transversalement pour créer de fins vermicelles.
Faire chauffer une poêle et verser le gras qui, doucement, va fondre. Pendant ce temps, coupez la queue de lotte en tronçons de taille égale.
Lorsque le lard commence à fondre, mettre à cuire les morceaux de poisson à petit feu en retournant de temps en temps afin que la cuisson soit homogène. Arroser régulièrement avec le lard fondu.
Lorsque le poisson est cuit mais encore souple au toucher et rosé à cœur, l’arroser du jus de citron pressé et dressez la lotte sur des assiettes chaudes, sans omettre de déposer sur chaque morceau les vermicelles de lard caramélisés dans le jus de citron qui apporteront croquant et saveur. Salez et poivrez à votre convenance. Pour accompagner, vous pouvez servir une purée, des légumes braisées au lard.
L’adresse : Domaine de Saint-Géry - 46800 Lascabanes - France - Tél. : 05 65 31 82 51 - http://www.saint-gery.com