Une gastronomie est-elle possible… en cuisinant des insectes ?

Verrine de tarator aux fourmis tisserandes, extrait du livre “Délicieux, 60 recettes à base d'insectes” ©Yolaine Rihlac

C’est la question que les moins dégoutés se posent. C’était aussi une des attractions du dernier salon “Saveurs des plaisirs gourmands”, tenu mi novembre Porte de Versailles à Paris. Sur un stand, Romain Fessard, grand importateur d’insectes comestibles en provenance directe de Thaïlande, proposait aux visiteurs de déguster des grillons grillés, des fourmis déshydratées, des vers de farine que l’on pouvait préférer nature ou parfumés “Goût Texane”, ou encore “Goût Trappeur”.
Amusant de voir la tête des curieux. On ne pioche pas dans un bol de grillons avec autant de détachement que dans un bol de cacahuètes. On y va du bout des doigts. On saisit et… on réfléchit un instant. C’est le moment décisif, comme sur le rebord d’un pont avant de sauter à l’élastique. Il est encore temps de reculer. On croque… Réjouissant de voir les grimaces au moment du coup de dent. Et puis, le plus souvent, le visage se détend d’un coup. Petit sourire et immédiate appréciation. Cela va du “C’est pas mauvais”, au “C’est pas mal du tout” en passant par ”Ça n’a pas beaucoup de goût, mais ça croustille”. Ce n’est que la première étape. Le grillon, on connaît, ça vit dans les champs l’été, l’hiver ça ronronne auprès de la cheminée. Un bon gars de la campagne en somme, nourri aux herbes fraîches des prés. Peut pas être mauvais…
Mais pour les vers de farine, c’est une autre histoire. Certes, ils ne bougent plus. Ils sont bien morts. Mais tout de même, on y regarde à deux fois, y'en pas un qui aurait remué là-bas ? Dans le coin ? L’entassement, même immobile, rappelle le grouillement. Difficile de ne pas frissonner. Mais sur le stand on vous encourage : “ Vous allez voir la mâche est formidable“. Ah, oui ?
C’est à la suite d’un voyage en Thaïlande, en 2009, que Romain Fessard a eu la vision d’une France croquant le criquet, embrochant le scarabée rhinocéros, fricassant la punaise d’eau, mixant les chenilles d’Afrique et le ver de palmier pour un cocktail de bienvenue… Une France entomophage !
Il n’a pas eu tort, le concept prend ; chaque année, ses importations augmentent de 30 %, ce qui est respectable par ces temps.
Le Michelin a même décerné une étoile à David Faure, cuisinier niçois, qui, depuis le printemps dernier, propose un menu insectes, baptisé de façon plus appétissante “Alternative Food” et facturé 59 €. On y déguste, entre autres délices, un “Petit pois carré et son écume de carottes, vers de farine”. Adepte, par ailleurs, des expériences moléculaires, David Faure présente dans cette recette un cube de petit pois d’où sortent des vers de farine, une sorte de proposition inverse de la grosse pomme rouge et ronde des dessins animés d’où s’échappe un ver à chapeau claque. Le menu a fait sensation dans le monde de la “gastromania”.
Sans être étoilé, un livre, publié par Romain Fessard, “Délicieux, 60 recettes à base d’insectes”, nous permet de nous lancer à notre tour dans le “microcosmos” culinaire. Voici, d’ailleurs un exemple fort simple à réaliser : “Verrines de tarator aux fourmis tisserandes”. Le tarator n’est pas un insecte, il s’agit d’une sorte de tzatziki, un mélange de yaourt grec et de concombre. Les fourmis tisserandes et leur petit goût acidulé font merveille sur cette entrée. Allez-y, quittez le bord du parapet, sautez !

Le livre : “Délicieux, 60 recettes à base d’insectes”, de Romain Fessard, éditions Héliopolis – 19,80 €.
Adresse : Restaurant Aphrodite - 10 bd Dubouchage - 06000 NICE - Tel : 04 93 85 63 53 - Mail : reception@restaurant-aphrodite.com

Recette
Verrines de tarator aux fourmis tisserandes

Pour 4 personnes
Préparation : 10 minutes – Temps de repos : 1 heure
Ingrédients
4 yaourts grecs
1 concombre
60 gr de fourmis tisserandes
3 branches de menthe
3 cuillerées à café de cumin moulu
Set et poivre

Progression
Pelez et coupez le concombre en petits dés. Ciselez la feuille de menthe. Gardez quelques feuilles pour la décoration finale.
Dans un saladier, mélangez les yaourts et les dés de concombre. Ajoutez ensuite la menthe, le cumin et les fourmis. Salez et poivrez. Si le mélange est un peu ferme, vous pouvez diluer avec un peu d’eau.
Couvrez le saladier avec un film alimentaire et laissez reposer une heure au réfrigérateur. Versez ensuite la préparation dans les verrines. Décorez avec les feuilles de menthe, quelques fourmis et un peu de cumin. Servez bien frais.