Plus de 500 enfants migrants sont toujours séparés de leurs parents. Photo AFP / Russ R. Scott / CrowdSpark

Immigration : des centaines de familles toujours séparées

Alors que Donald Trump a signé en juin dernier un décret mettant fin à la séparation entre enfants et parents migrants, l'administration peine à réunir les familles. 

En théorie, l'administration américaine avait jusqu'au 26 juillet dernier pour réunir les familles de migrants séparés lors de leur entrée sur le territoire américain. Pourtant, un rapport de l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), publié la semaine dernière, fait état d’une situation toujours alarmante.

En effet, deux mois après que le juge fédéral de la Californie, Dana Sabraw, ait ordonné à l'administration Trump de réunir les 2 500 enfants séparés de leurs familles par la politique de "tolerance zero" du président, près de 565 enfants sont encore détenus par les autorités américaines. Parmis ceux-ci, 24 seraient âgés de moins de 5 ans. Les parents de 366 mineurs auraient quant à eux été expulsés du pays, sans leurs enfants.

À cela s'ajoute un autre problème : près de 180 mineurs ne peuvent pas être rendus à leurs parents. Les autorités américaines considèrent que ces derniers constituent une menace pour l’enfant en raison de leur casier judiciaire ou parce que le lien familial n’a pas été clairement établi.

Toujours selon le rapport, plus d’une centaine de parents ne souhaitent pas être réunis avec leurs enfants. "Peut-être souhaitent-ils qu’ils obtiennent l’asile de leurs propres moyens", s'interrogeait la journaliste américaine Tyche Hendricks au micro de la radio publique NPR, le 18 août dernier.

Un processus compliqué

Le gouvernement a décidé confier la tâche de retrouver les familles des enfants détenus à l’ACLU. "C’est la manière la plus rapide de localiser les parents", a expliqué Scott Stewart du Département de la Justice.

Pourtant, l’ACLU explique connaître des difficultés à joindre les parents expulsés : la plupart des numéros qui leur ont été confiés par l’administration ne fonctionnent pas. Les autorités américaines auraient-elles fait preuve d’incompétence ? Oui si l’on en croit le Département de la Santé et des Services sociaux qui a dû avoir recours aux tests ADN pour réunir des familles.

Un problème auquel vient s’ajouter le fait que la plupart des familles expulsées ont fui leur pays touché par la pauvreté et la violence, notamment le Honduras et le Guatemala. Les avocats en immigration leur avaient alors recommandé de se cacher pour éviter toutes représailles. Le juge Dana Sabraw a par ailleurs réagi en déclarant que "pour chaque parent qu'on ne localisera pas, un enfant deviendra orphelin et c’est à 100% la responsabilité de l’administration Trump."

Des enfants traumatisés

Malgré le fait que la majorité des familles séparées se soient retrouvées, plusieurs experts s’inquiètent des abus et des séquelles psychologiques avec lesquels les enfants devront vivre.

Centres de détentions surpeuplés, camps de tentes à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique: le placement des enfants dans des centres de rétention, ainsi que leurs conditions de détention, ont en effet suscité de vives critiques.

"J’ai vu un grand nombre d’enfants massés ensemble dans de grands enclos", racontait Chris Van Hollen, un sénateur démocrate après une visite d’un centre au Texas. "J’ai déjà été dans des prisons fédérales, dans des prisons de comtés, ce lieu est appelé un refuge mais ces enfants sont incarcérés ici" témoignait Jacob Soboroff, un journaliste de MSNBC qui a pu se rendre dans un magasin reconverti en centre d’accueil.

De nombreux cas d’abus physiques et mentaux ont également été répertoriés. Fin juillet, une enfant guatémaltèque âgée de six ans a avoué avoir été plusieurs fois abusée sexuellement par un autre enfant dans un centre de détention en Arizona. Toujours en Arizona, un employé d’un centre d’accueil a reconnu être l’auteur d’agressions physiques et d’abus sexuel sur une enfant de quatorze ans. Enfin un autre employé d’un centre de rétention a récemment été inculpé de onze chefs d’accusation, notamment d’agressions sexuelles, sur huit adolescents entre 2016 et 2018.

"Les deux choses les plus difficiles à vivre pour un enfant, c’est le fait d’être séparé de ses parents ou de subir des agressions physiques ou sexuelles", explique le professeur en psychiatrie Luis Zayas à la chaîne ABC. "Si vous voulez causer des séquelles irréversibles à un enfant, exposez-le à l’un de ces traumatismes."

H.G

Des algues toxiques à Cape Cod

Le cadre a beau être paradisiaque, l'eau de Cape Cod est de plus en plus polluée. Une situation due à la présence de fosses septiques dans les habitations.

C'est l'une des plus belles péninsules des États-Unis. Cape Cod. Ses plages, ses dizaines de kilomètres de côtes sauvages sur l'océan Atlantique, à deux heures seulement de New-York. Cape Cod ou la résidence de vacances des présidents américains. La famille Kennedy y passait ses étés, entre baignades et maison familiale sur l'île de Martha's Vineyard. Un paradis chic, aujourd'hui menacé par la pollution.

Partout se succèdent des bâtisses de plusieurs millions de dollars, mais l'eau à leur pied est sombre et trouble. Cele-ci est saturée d'algues : une laitue verte qui prolifère et se décompose. Une boue noire sans oxygène qui asphyxie les poissons et tue toute la vie dans les eaux du Cape. La boue fait 50 cm d'épaisseur. Pour comprendre pourquoi les algues se multiplient, il faut accompagner les scientifiques dans les étangs et les ruisseaux. Leurs prélèvements montrent que depuis plusieurs années, la teneur en nitrate de cette eau douce est deux à trois fois plus élevée que la normale. Les algues et les nitrates sont si envahissants que des lieux sont interdits à la baignade. Elles provoqueraient des risques d'irritation de la peau et des allergies.

Des huîtres comme solution ?

D'où viennent ces nitrates ? Devant le laboratoire qui analyse les eaux du Cape, les scientifiques tiennent à montrer la source de la pollution. Elle est en fait dans les jardins de Cape Cod : ce sont les fosses septiques des habitations. Des fosses septiques qui se déversent dans l'un des plus beaux sites américains. Ici le tout-à-l'égout existe seulement pour la moitié des habitations, et les résidents semblent découvrir qu'ils sont la source de cette pollution. Y a-t-il une solution ? Oui et elle se trouve en partie dans la nature elle-même. Des huîtres ont été implantées par centaines de milliers dans les eauxde Cape Cod. Elles avalent et éliminent les nitrates. À terme, les fermes d'huîtres pourraient traiter entre 20 à 30% de cette pollution. Aujourd'hui, aucun projet d'extension du tout-à-l'égout et de traitement des eaux usées n'existe sur le Cape, faute de financement.

Reportage d'Agnès Vahramian, Thomas Donzel et Andreane Williams

Congédiée par la Maison-Blanche, Omarosa Manigault Newman règle ses comptes avec Donald Trump. Photo : Gage Skidmore

Cinq choses à savoir sur Omarosa Manigault, l’ancienne conseillère de Donald Trump qui inquiète la Maison-Blanche

Sorti il y a peu dans les librairies américaines, le livre Unhinged (Dérangé) fait couler beaucoup d’encre. Et pour cause, son auteure, Omarosa Manigault Newman, ancienne conseillère de Donald Trump limogée en décembre dernier, y prend sa revanche en dressant un portrait peu reluisant du président américain. Retour sur le parcours d’une femme passée de la téléréalité à la Maison-Blanche.

1L'apprentie

Les Américains connaissent d’abord Omarosa Manigault pour son apparition dans la première saison de l'émission de téléréalité animée par Donald Trump "The Apprentice". C’est là qu’elle y rencontre le président américain et tente d’obtenir un poste de cadre supérieur dans son entreprise. Elle ne remporte pas l’émission mais elle marque les esprits, les producteurs la faisant passer pour la grande méchante de l'émission. Elle participera plus tard à d’autres émissions dérivées de "The Apprentice" et aura même droit à son propre programme télévisé intitulé "Omarosa’s Ultimate Merger", dans lequel plusieurs prétendants tentent de séduire la candidate de téléréalité. Omarosa Manigault doit sa célébrité à ces nombreux shows, tous produits par Donald Trump.

2La démocrate

Omarosa Manigault n’a pas toujours adhéré aux idées du parti républicain, loin de là. Avant "The Apprentice", elle a brièvement travaillé dans l’administration Clinton pour le vice-président Al Gore dans les années 1990. En 2012, elle félicite Barack Obama pour sa réélection sur son compte Instagram. Elle appelle même, en 2014, à voter pour Hillary Clinton pour la prochaine élection présidentielle. Elle finit par retourner sa veste en rejoignant l’équipe de campagne de Donald Trump.

Je suis prête pour Hillary. Et vous ? - OMAROSA

 3 La conseillère de Donald Trump

Après son investiture par le parti républicain, Donald Trump charge Omarosa Manigault des relations avec la communauté afro-américaine. Elle défend alors bec et ongles le milliardaire : "Tous ceux qui critiquent, tous les détracteurs, devront se prosterner devant Donald Trump."

Tout juste élu président des États-Unis, Donald Trump fait de nouveau appel à elle. Omarosa Manigault occupe alors le poste d’assistante auprès du président et directrice de la communication auprès du bureau des relations publiques de la Maison-Blanche. Elle est l’une des rares personnalités noires occupant un poste élevé au sein de l’administration Trump.

4La nouvelle opposante

En décembre 2017, le départ d’Omarosa Manigault est annoncé. Elle affirme alors souhaiter consacrer son temps à d’autres projets. En réalité, la conseillère du président est limogée par John Kelly. Un renvoi qu’elle a enregistré à l’insu du chef de cabinet du président. Un échange bref qui n'explique pas les raisons de ce départ.

À l’instar de Michael Wolff, l’ancienne conseillère compte bien relater son expérience à la Maison-Blanche. Elle explique que le président aurait envisagé de prêter serment sur son livre The Art of the deal le jour de son investiture. Un portrait peu flatteur de Donald Trump qui multiplierait également les insultes à l’égard de son équipe mais aussi de sa famille. Des dizaines de petites piques visant l’administration pour laquelle elle a travaillé pendant près d’une année. Omarosa Manigault explique avoir refusé un contrat de 15 000 dollars par mois à sa sortie de la Maison-Blanche, accusant l’équipe Trump de vouloir acheter son silence. L’équipe de campagne de Donald Trump menace aujourd’hui de la poursuivre pour violation de clause de confidentialité.

5L’ex-collaboratrice devenue gênante pour le président

Mais le plus inquiétant pour Donald Trump, c’est l’existence d’un éventuel enregistrement sonore réalisé par Omarosa Manigault. Selon ses dires, plusieurs collaboratrices auraient confié avoir entendu le président prononcer le mot "nègre", une insulte raciste taboue aux États-Unis.

Ironie du sort, Donald Trump tweetait il y a cinq ans sur la malice d’Omarosa Manigault.

"Omarosa promet toujours beaucoup de drama, et elle tient toujours parole" Donald J. Trump

H.G

Entre juin 2017 et juin 2018, les ventes des livres portant sur l'angoisse ont augmenté de plus de 25 % chez Barnes & Noble. Photo : Pixabay

Les Américains apprennent à vaincre leurs angoisses dans les livres

Aux Etats-Unis, les adultes sont rongés par une anxiété qui ne cesse de s'amplifier. Pour soigner leurs angoisses, ils se ruent vers les rayons des librairies dédiés à la psychologie et au bien-être. Explications avec Lucie Greenblum, psychiatre dans le secteur de Washington D.C.

"Il semblerait que nous vivions au sein d'une nation anxieuse." Dans une étude récente, la chaîne de librairies Barnes & Noble indique que les ventes d'ouvrages portant sur l'angoisse et les moyens de la combattre ont augmenté de plus de 25 % en un an. Les Américains, stressés ? L'information n'est pas inédite. Selon l'Association de l'anxiété et de la dépression d'Amérique (ADAA), les troubles anxieux affectent 40 millions d'adultes. Ils forment ainsi la maladie mentale la plus répandue aux Etats-Unis.

Pour la psychiatre Lucie Greenblum, installée à côté de Washington D.C, la hausse des ventes reflète une insécurité croissante de la société. "Aux Etats-Unis, les conditions sont telles que, pour les jeunes et les plus âgés, rien n'est sûr, détaille-t-elle. Il y a le réchauffement climatique et les incendies, une confiance amoindrie envers la Cour suprême et le Président, le prix exhorbitant des frais de santé ou encore des universités... Ici, on doit tout acheter soi-même ou on a rien." La crise financière de 2008 aurait également laissé des séquelles. "Dans la classe moyenne, plus particulièrement, les parents ont compris que leurs enfants ne gagneraient pas plus qu'eux. Ce sera peut-être même le contraire", complète la psychiatre.

Des manuels pour s'en sortir soi-même

"La bonne nouvelle, c'est que les gens qui achètent des livres cherchent aussi des solutions à leur stress", réagit Liz Hardwell, directrice des ventes pour Barnes & Noble, dans un communiqué. En effet, parmi les titres à succès, la chaîne relève surtout des manuels pratiques tels que The anxiety & phobia worbook d'Edmun Bourne (non traduit en français). "Les gens veulent apprendre comment s'en sortir eux-mêmes, reconnaît la psychiatre Lucie Greenblum. Les thérapies cognitivo-comportementales (TTC) deviennent de plus en plus répandues." C'est sur ces dernières que les auteurs de ces guides s'appuient. Les TTC ne visent pas à modifier en profondeur une personnalité mais plutôt des émotions, des pensées ou des comportements qui gâchent le quotidien. Au fil des chapitres, les lecteurs tentent de guérir durablement leurs angoisses. Une solution bon marché pour ceux qui n'ont pas les moyens de consulter un spécialiste.

C.L

Dimanche 12 août, les contre-manifestants ont surpassé en nombre les militants d’extrême droite, réunis devant la Maison-Blanche. Photo : Hugues Garnier

Rassemblement à Washington : quatre questions sur la déroute de l’extrême droite

L’affrontement entre les suprémacistes blancs et les groupes antifascistes, que la ville de Washington redoutait depuis deux semaines, n’a pas eu lieu. Alors que 400 militants étaient attendus, dimanche dernier, au rassemblement d'extrême droite "Unite The Right", seulement une trentaine d’entre eux ont répondu présents. Le rassemblement, organisé à l’occasion du premier anniversaire de la manifestation de Charlottesville, a cependant attiré plusieurs centaines de contre-manifestants. Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire et spécialiste des États-Unis, nous explique les raisons de ce flop. 

Hier, seule une trentaine de manifestants de "Unite the Right" se sont réunis à Washington D.C. Est-ce que la mouvance néo-nazie est en perte de vitesse aux Etats-Unis ?

C.S. : Elle a subi un très gros choc après Charlottesville, un choc qui a pris plusieurs aspects. D’abord, dans l’opinion publique générale. Tout le thème de "Unite the Right" ’était de démontrer que l’Alt-right (NDLR : un mouvement d’extrême droite né sur les réseaux sociaux qui a soutenu Donald Trump lors de la campagne présidentielle) était totalement différente de l’extrême droite radicale et traditionnelle des États-Unis, très marquée par le suprémacisme blanc et le nazisme. Avec Charlottesville, on s’est aperçu qu’il s’agissait des mêmes personnes et que cela a abouti aux mêmes violences et aux mêmes outrances. Cela a été mal ressenti dans la mouvance qui s’est dévoilée au public.

Quid des conséquences judiciaires de Charlottesville ?

C.S. : Les organisateurs sont poursuivis en justice à la suite des blessures infligées lors des affrontements. Les organisations d’extrême droite radicale sont mises en cause pour avoir, par leurs mots haineux, incité à la violence. Ces procédure judiciaires, toujours en cours, nuisent à l’efficacité de ces groupuscules. Par ailleurs, il y a aussi eu des poursuites judiciaires à l’encontre de leaders comme le nationaliste Christopher Cantwell. Ils ont été mis sur le côté durant l’année, ce qui s’est ajouté au choc de Charlottesville. Enfin, beaucoup de groupuscules avaient également désavoué Jason Kessler, l’organisateur principal du rassemblement. Ils avaient explicitement appelé à ne pas venir à Washington tout simplement parce qu’ils savaient qu’ils allaient être mis en minorité. Et, c’est ce qui s’est passé. Toutes ces raisons expliquent l’échec d’hier. 

Le rassemblement "Unite the right" ne fait donc pas l'unanimité chez les militants d'extrême droite?

C.S. : Ce sont des personnes qui prospèrent sur un discours de haine. Mais ce discours de haine déborde entre eux. Il y a toujours eu une culture groupusculaire extrêmement forte qui remonte déjà à l’époque du Klu Klux Klan où il y avait des scissions et des affrontements extrêmement violents. Cette mise en cause de Jason Kessler a deux raisons : d’abord l’échec de Charlottesville qui été mal vécu et d’autre part, certains pensent que l’extrême droite ne doit pas s’unir. Ils sont en désaccord avec le mot d’ordre "Unite the right" (unir la droite). Certains suprémacistes blancs comme Richard Spencer veulent aller vers des États américains exclusivement blancs tandis que d’autres, par exemple, sont plus axés sur la lutte contre l’islam et la défense de l’identité nationale. Il y a tellement de cultures groupusculaires qu’une union est difficile. Chacun veut faire son extrême droite. 

Après les incidents de Charlottesville, Donald Trump avait condamné des violences venant des deux côtés. Est-ce que la position du président américain sur les suprémacistes blancs a évolué depuis l'an dernier?

C.S. : Absolument pas. Il tient à peu de choses près le même discours, si ce n’est qu’il l’a mieux enrobé. Dans un tweet de l’année dernière, il ne remet pas en cause les suprémacistes blancs comme le voudrait la tradition présidentielle. Donald Trump condamne le racisme mais ne les condamne pas explicitement. C’est sa fille, Ivanka, qui a exprimé clairement la condamnation des nazis et des suprémacistes blancs. Il y a cette répartition du "good cop bad cop" qui devient rituelle à la Maison-Blanche. Le président parle à son électorat populaire, veille à ne pas le fâcher sur le suprémacisme. Sa fille ou sa femme nuance le tableau et recherche davantage le consensus. En aucun cas, il a clairement remis en cause sur ses propos de l’année dernière. Il veut rester pur et insoupçonnable aux yeux d’une partie de son électorat populaire blanc et non être porteur de consensus.

H.G

Un ciel écarlate surplombe des carcasses de voitures brûlées, à Redding, en Californie, le 27 juillet 2018. (Photo: Justin Sullivan / Getty Images / AFP)

Incendies en Californie : « Vivre ici a un prix »

Depuis le mois de juillet, une quinzaine de feux ravagent la Californie. Huit personnes ont perdu la vie et des milliers d'hectares ont été détruits, à travers l'Etat, malgré la présence de 12 000 pompiers. Sur place, un Français expatrié raconte son quotidien, fait de feu et de fumée.

Arbres décimés, voitures calcinées, maisons incendiées... En Californie, les flammes, parfois incontrôlables, détruisent tout et laissent, sur leur passage, des villes fantômes. Arnaud Hubert, 47 ans, est un habitué des incendies. Ce Français vit à Kelseyville, à 200 kilomètres au nord de San Francisco. Depuis plus d'une semaine, son domicile est menacé par l'incendie River Fire. Malgré l'ordre d'évacuation, Arnaud Hubert a décidé de rester dans sa maison. "Le feu est situé à huit kilomètres de chez moi mais je vis à côté de vignobles. Par expérience, ils créent des barrières assez efficaces", explique le producteur web.

Arnaud Hubert vit en Californie depuis 1999. Photo : DR

Installé en Californie depuis 1999, Arnaud Hubert vit au rythme des catastrophes naturelles. "A mon arrivée, j'étais conscient du risque de tremblements de terre, pas vraiment d'incendies, se souvient-il. Mais il suffit de se promener pour comprendre qu'ici, ça brûle facilement. Il y a beaucoup d'herbe sèche." En 2007, le Français, un peu plus aguerri, a immédiatement éliminé certains quartiers quand il a cherché une maison dans le Comté de Lake. Car chaque année, des incendies ravagent cette région. "Malheureusement, c'est un style de vie. Vivre en Californie a un prix", commente-t-il.

« Personne n'est à l'abri »

Cette année, les feux se sont déclenchés bien plus tôt. "C'est le pire été de loin", assure Arnaud Hubert. A l'extérieur, l'air est difficilement respirable. "Je porte un masque alors que normalement, nous avons le meilleur air de Californie. Nous pouvons même voir la Voie lactée"poursuit-il.

C'est tout un quotidien qui se trouve bouleversé. "En cas de coupure de courant, il faut s'assurer d'avoir un portable qui reste chargé, de l'éclairage, etc. Le groupe électrogène devient essentiel", détaille Arnaud Hubert. Pour la première fois, le Californien d'adoption a chargé un véhicule et évacué, par précaution, ses affaires personnelles. "Je suis prêt à partir", indique-t-il. Sa famille, qui s'est absentée avant que les feux sévissent, est restée éloignée de Kelseyville. Reste les voisins, avec qui il s'informe régulièrement.

Feux de forêt actifs au 30 juillet. Infographie: AFP

Quand Arnaud Hubert entend les habitants du Comté de Lake évoquer l'idée de déménager, il se montre sceptique. "Pour aller où ? s'interroge-t-il. Personne en Californie, ni même aux Etats-Unis, n'est à l'abri." Si sa maison était détruite, il la reconstruirait, dans le même quartier, avec des matériaux plus résistants.

Avant tout, le Français fait confiance aux autorités locales : "Le Comté est relativement bien organisé. Malheureusement, il est habitué... Il y a plusieurs abris et une équipe de volontaires travaille même avec la fourrière afin d'évacuer le bétail."

Dans l'ensemble du pays, d'après le centre national de coordination des incendies (NIFC), quarante-deux incendies d'envergure sévissaient, lundi 30 juillet, avec près de 100 000 hectares partis en fumée.

C.L

États-Unis : le rêve des enfants migrants d'Amérique centrale

Des mineurs cherchent à tout prix à rentrer aux États-Unis par la frontière avec le Mexique. Ces jeunes marchent seuls sur des milliers de kilomètres, fuyant la violence et la pauvreté.

De nombreux adolescents d'Amérique centrale parcourent des centaines de kilomètres pour pouvoir traverser la frontière avec les États-Unis, en quête d'un avenir meilleur. Un adolescent de 15 ans vient du Honduras et continue son chemin sur la frontière entre le Guatemala et le Mexique. "Je n'ai pas d'argent, je n'ai mangé que des fruits depuis neuf jours", confie-t-il. Il a déjà traversé trois pays, laissant ses parents pour accomplir son rêve : aller à l'école aux États-Unis.

Un périple long pour fuir la pauvreté et la violence

Venus du Honduras, du Guatemala ou du Salvador, des milliers d'adolescents parcourent près de 5 000 kilomètres d'Amérique centrale vers la frontière américaine. Le fleuve qui sépare le Guatemala et le Mexique est un lieu de trafic. Des marchandises passent toute la journée sur des embarcations, tout comme les hommes, sous les yeux indifférents de la police. Une dizaine d'adolescents se trouvent dans un refuge pour migrants. L'un d'eux est parti du Salvador pour échapper aux gangs qui voulaient le recruter. Plus de 50 000 enfants non accompagnés sont arrêtés aux frontières américaines chaque année.

Reportage d'Agnès Vahramian, Thomas Donzel, Andreane Williams et Arielle Monange

Mexique : des migrants à bord du train de l'enfer

Nous avons embarqué à bord de la "bestia", un train de marchandises qui permet à des centaines de migrants de s'approcher de la frontière américaine dans des conditions extrêmement dangereuses.

Le train est surnommé "la bête". Au bout d'une gare de marchandises, le long des rails, des dizaines de personnes courent pour s'accrocher au wagon. Personne ne sait quand le train va redémarrer, il faut faire vite pour grimper et se passer les baluchons. Ce jour-là, une famille, trois enfants et un bébé. Dans les wagons se trouvent des rouleaux de ferraille, mais, trop de poussière, la famille renonce. Sans eux, mais avec beaucoup d'autres, le train démarre. Le train roule à pleine vitesse, tout déplacement est périlleux. Le voyage vers la frontière américaine durera environ vingt heures, la chaleur est accablante, le vent est sec et brûlant. Dans chaque village, des passagers montent en marche. Dans toute l'Amérique, le train est surnommé "la bête", bestia, en espagnol.

Une pratique tolérée au Mexique

Dans un passage que les migrants appellent "la jungle", il faut se coucher pour éviter les branches. La "bestia" a fait beaucoup de victimes, dont beaucoup d'amputés. Un homme embarque sur une jambe, il y a un an, le train l'a mutilé alors qu'il échappait à la police de l'immigration. Ce jour-là, les migrants ont eux-mêmes arrêté le train en détachant deux wagons. Certains voyagent depuis plusieurs mois depuis l'Amérique centrale. Le train traverse le Mexique du sud au nord. Tout le temps où nous serons sur la "bestia", nous n'avons vu aucun contrôle de police. Les migrants sont largement tolérés. La nuit tombe, le bruit des rails accompagne la fin du voyage. La frontière américaine est encore à quelques centaines de kilomètres.

Reportage d'Agnès Vahramian, Andreane Williams, Fabien Fougière, Arielle Monange

Canada : les disparues de Winnipeg

Au Canada, une route est devenue célèbre pour ses nombreux meurtres et disparitions non élucidés. La majorité des victimes sont des femmes indigènes dont la disparition souffre d'un manque de considération dans la région et dans le pays.

Le long d'une route sans fin des plaines du Canada, des femmes disparaissent mystérieusement. En 2001, Jennifer Catcheway a 18 ans et marche sur le bas côté en sortant d'une fête. Elle n'est jamais rentrée chez elle, son corps n'a jamais été retrouvé. La police croit à une fugue et tarde à lancer les recherches. Ses parents sont des indigènes. Ils sont choqués par l'indifférence générale qu'a suscité la disparition de leur fille, notamment en comparaison des femmes non indigènes disparues.

1182 indigènes assassinées ou disparues en trente ans

En trente ans, 1182 femmes indigènes ont été assassinées ou sont portées disparues. Les femmes de la réserve Dakota Tipi, par exemple, sont conscientes des dangers qui guettent les femmes indigènes notamment quand elles quittent ce territoire réservé aux Indiens, sans ressources et sans soutien. Dans l'environnement des jeunes femmes disparues, on trouve beaucoup de drogue, d'alcool et de prostitution. Le quartier de Northend, à Winnipeg, est habité à majorité par des indigènes. En 30 minutes, les volontaires d'une brigade de sécurité ramassent une quarantaine de seringues usagées. Ici, les femmes indigènes sont deux fois plus exposées à la violence que les autres Canadiennes. "Tant qu'elles souffrent en silence, tout le monde s'en fout, c'est ça le problème", explique l'un des bénévoles de la brigade.

Pendant des années, le pays est resté indifférent aux meurtres des femmes indigènes. Jusqu'à ce jour de 2014 où une adolescente est retrouvée morte après avoir été violée : des milliers de Canadiens descendent dans les rues, des blessures de 150 ans se réveillent. Pour la députée Nahanni Fontaine, les femmes indigènes ont été déconsidérées pendant la colonisation. "Les femmes indigènes étaient l'égal des hommes auparavant, elles donnaient la vie. Les colons venus d'Europe les ont considérées comme des prostituées à leur disposition", explique-t-elle. Le Canada s'est excusé pour la colonisation, la police a promis que chaque meurtre serait élucidé. Dans les réserves indiennes, de nombreuses familles attendent encore de connaître la destinée d'une mère, d'une femme, d'une fille ou d'une soeur.

Reportage d'Agnès Vahramian, Thomas Donzel, Courtney Vinopal et Arielle Monange

Aux Etats-Unis, la dépression ne cesse d'augmenter chez les 15-24 ans. ©Pixabay

Jacob Towery : « Les adolescents percoivent certaines épreuves comme la fin du monde »

Avec The Anti-depressant book, le psychiatre américain Jacob Towery s'adresse directement aux adolescents en souffrance. Son livre – à feuilleter tout en écoutant la version audio – regorge de conseils et d'exercices pour sortir de la dépression. Une problématique plus que jamais d'actualité aux Etats-Unis. Et pour cause, le suicide ne cesse d'augmenter chez les 15-24 ans.

Pourquoi le taux de suicide est-il si élevé chez les adolescents ?

Jacob Towery exerce à Palo Alto (Californie).

J.T : D'abord, les adolescents ont tendance à être plus impulsifs que les adultes. S'ils ont une idée en tête, ils peuvent agir rapidement, même si celle-ci est mortelle. J'aimerais que les Etats-Unis ne rendent pas l'accès si facile aux armes car les jeunes peuvent les utiliser en cas de crise. Les 15-24 ans ont moins d'expérience pour gérer leurs émotions et rebondir. Alors que les adultes ont du recul, les adolescents percoivent parfois certaines épreuves comme la « fin du monde ». En outre, trop peu d'entre eux ont accès aux thérapies notamment parce qu'il n'y a pas d'assurance maladie ici.

Que faire lorsqu'un adolescent sombre dans la dépression ?

J.T : Chacun peut décider s'il veut rester ou non en dépression. Mais, il est important de réagir rapidement. Pour certains, la lecture de mon livre peut suffir. Il permet de découvrir tout ce qui empêche de surmonter une dépression. J'explique ensuite comment changer sa façon de penser pour guérir et rester en bonne santé. Les adolescents, mais aussi les adultes, y apprennent des techniques pour s'en sortir rapidement. Pour les autres, ils auront sans doute besoin d'être évalués par un psychologue qualifié avant de s'engager dans une thérapie.

Quelles sont ces techniques qui permettent de guérir ?

J.T: Bien dormir, faire de l'exercice physique ou encore méditer quotidiennement. S'ils décident de faire un effort, les adolescents apprennent des habitudes saines. Ils acquièrent la capacité à gérer, de manière optimale, des situations difficiles.

Dans votre livre, vous évoquez aussi l'utilisation effrenée des smartphones. Quelles en sont les conséquences ?

J.T : A cause de cette utilisation constante, les adolescents ont une durée d'attention plus courte, dorment moins longtemps et ne supportent pas d'être moins stimulés. Ceux qui souffrent de dépression sont aussi plus vulnérables. Les plus petits événements peuvent déclencher des réactions émotionnelles intenses. [NDLR : dans son livre, le psychiatre explique combien il peut être douloureux pour un adolescent d'attendre la réponse à un SMS.]

Quels sont vos conseils pour bien utiliser les smartphones  ?

J.T : Utilisez-les moins souvent ! La nuit, il est important d'éteindre son téléphone, et tous les appareils électroniques en général. Vous pourrez alors dormir huit heures d'affilée. Il est aussi utile de faire une détox digitale. Personnellement, j'adore faire du camping pendant plusieurs jours, sans nouvelles technologies !

C.L

En bref

Comme dans une conversation, Jacob Towery s'adresse directement à son lecteur. Avec un vocabulaire simple, et quelques touches d'humour, le psychiatre pousse l'adolescent à transformer sa vie. Au fil des pages, il propose des tests, des conseils et des exercices pratiques. Ce guide se veut ainsi ludique, motivant et encourageant. Jacob Towery s'appuie sur les thérapies cognitivo-comportementales (TTC), fondées sur l'apprentissage de nouveaux comportements. Selon l'auteur, tout adolescent peut surmonter rapidement et efficacement sa dépression s'il apprend et met en place de nouvelles habitudes de vie. Le médecin s'adresse aussi aux parents, afin de les aider à gérer la dépression de leur enfant.

The Anti-depressant book (non traduit en français), Paperback, $9,95