Donald Trump, Richard Nixon : la multiplication des comparaisons

Depuis le début de l’enquête Mueller sur l’ingérence russe dans les élections américaines, les comparaisons entre Donald Trump et l’ancien président Richard Nixon se multiplient. Les parallèles entre les deux présidents américains sont en effet extraordinaires. Pour plusieurs experts, ces nombreuses similitudes soulèvent une question essentielle : les accusations de collusion avec la Russie et d’entrave à la justice contre Donald Trump pourrons-t-elle faire tomber le président américain comme le scandale du Watergate avait pu pousser Richard Nixon à la démission?

"Laissez les autres passer leur temps à s'occuper des petites choses obscures, faibles, insignifiantes et vicieuses. Nous avons passé notre temps et nous allons passer notre temps à construire un monde meilleur. La nation ne (devrait) pas se souvenir seulement des petites choses indécentes qui semblent nous obséder à un moment où le monde passe", affirmait Richard Nixon en 1973 en réponse aux accusations de la presse au plus fort de l'enquête du Watergate.

Ces propos rappellent étrangement le discours que tient Donald Trump depuis son entrée en campagne à l’été 2015. Depuis le début des investigations de Robert Mueller, ancien directeur du FBI et actuel procureur spécial chargé de superviser l’enquête sur les possibles liens entre le gouvernement russe et la campagne présidentielle de Donald Trump, l’actuel président américain, comme Richard Nixon en son temps, tente de minimiser l'importance de l’enquête dont il fait l’objet et de la transformer en attaque personnelle.

Plusieurs experts observent d’ailleurs une série de similitudes entre les deux hommes, qui ont entretenu une correspondance dans les années 1980. Déjà à l’époque, Richard Nixon voyait en l’homme d’affaires new-yorkais un futur président. "Cher Donald, je n'ai pas vu le programme mais Mme Nixon m'a dit que vous étiez génial dans le 'Donahue Show', écrit Nixon dans une lettre du 21 décembre 1987. Comme vous pouvez l'imaginer, elle est experte en politique et elle prédit que dès que vous déciderez de vous porter candidat, vous gagnerez !"

Des relations conflictuelles avec les médias

Comme son prédécesseur, le prescient Trump entretient une relation conflictuelle avec la presse. Pendant le scandale du Watergate, l'hostilité de Nixon envers la presse augmentait de jour en jour. Les médias, eux, encouragés par ces agressions, n’hésitaient pas à répliquer et à attaquer le président. Comme l'avait alors déclaré un journaliste au New York Times, "le président a déclaré la guerre et la guerre est en cours". Une guerre médiatique qui ressemble beaucoup aux affrontements répétés entre Donald Trump et la presse américaine, qu’il accuse de promouvoir de fausses nouvelles.

Face à ses attaques, les deux présidents ont pu compter sur un soutien inconditionnel de la majorité du parti républicain. Dans le cas de Nixon, le parti n’a accepté de retirer son soutien au président seulement lorsque les bandes des enregistrements de conversations incriminantes entre Nixon et ses conseillers dans le bureau ovale ont été rendues publiques. Si Donald Trump n’a pas encore été accusé formellement, ce dernier jouit lui aussi depuis le début de sa campagne, d’un soutien presque inconditionnel du parti républicain, malgré les avancées de l’enquête.

Entraves à la justice

Autre point de concordance, le rapport des deux présidents avec les autorités judiciaires chargées d’enquêter sur ces derniers.

En 1973, en plein cœur du Watergate, Nixon, qui avait refusé de livrer les enregistrements sonores du bureau ovale, ordonne l’éviction d’Archibald Cox, procureur spécial délégué à l’affaire du Watergate, ainsi que la dissolution de son équipe dans ce qui allait devenir le "massacre du samedi soir". Ce renvoi s’ajoute alors à la liste des fautes politiques et constitutionnelles de Nixon, considérées par le comité judiciaire de la chambre des représentants comme des entraves à la justice, un abus de pouvoir et un mépris du Congrès.

De son côté, Donald Trump, dont les capacités de provocation ne sont plus à prouver, a déclaré à plusieurs reprises qu’il souhaitait le renvoi du procureur spécial Robert Mueller chargé de l’enquête sur les ingérences russes. Bien que les médias spéculent sur la manière dont chaque nouvel élément de l’enquête pourrait conduire à une procédure de destitution, Donald Trump n’a pas encore été  accusé  d’obstruction à la justice.

Affaiblir la démocratie américaine

En mettant sur écoute le parti démocrate durant la campagne électorale de 1972, Richard Nixon et son équipe ont ébranlé le système démocratique des États-Unis. C’est précisément ce qui est reproché à la Russie dans l’enquête qui vise son ingérence dans la campagne électorale américaine.

Interrogés par CNN le 28 février dernier, les journalistes Carl Bernstein et Bob Woodward, récipiendaires du prix Pulitzer en 1973 pour leur enquête et les révélations sur l’affaire du Watergate dans le Washington Post en 1972 l’affirment: "Le Watergate constitue une tentative de Richard Nixon de saper le système électoral des États-Unis. Ce que les Russes ont essayé de faire (en 2016) était de déterminer le résultat d'une élection américaine, d'affecter une élection américaine. Donc dans les deux cas, assez ironiquement, vous avez les mêmes allégations. "

Deux hommes, deux styles très différents

Si les deux présidents ont des points communs évidents, plusieurs experts soulignent les différences dans leur style et dans leur exercice du pouvoir.

Dans une tribune publiée par le Los Angeles Times, David Rothkopf explique quelques différences entre les deux présidents. "Nixon a menti ; Trump ment pathologiquement. Les vérificateurs de faits ont relevé plus de 2 000 mensonges au cours de sa première année au pouvoir. Nixon a offert des insultes racistes en privé ; Trump a fait du racisme et de la misogynie un leitmotiv dans son administration."

"Nixon, continue-t-il, était un politicien expérimenté et à bien des égards un président efficace. Trump, en dépit des majorités dans les deux chambres du Congrès, a très peu fait et dans certains domaines - comme l'environnement, l'immigration, le commerce et la politique étrangère - il a été un désastre."

A l’inverse de Richard Nixon, Donald Trump, s’est présenté comme un candidat et un président hors norme, anti-establishment et résolument en phase avec les moyens de communication de son temps. Donald Trump, en est d’ailleurs un utilisateur assidu et n’hésite pas à outrepasser les canaux de communication traditionnels pour répondre aux accusations des médias.  "Dieu merci, Nixon n'avait pas Twitter", a d’ailleurs déclaré le journaliste Bob Woodward, sur CNN.

Jules Béraud

EN BREF

Le scandale du Watergate

Le scandale du Watergate commence au matin du 17 juin 1972, lorsque plusieurs cambrioleurs sont arrêtés dans les bureaux du parti démocrate, situé dans le complexe de Watergate à Washington. L’enquête révèle que malfaiteurs sont liés à la campagne de réélection du président Nixon et qu’ils ont été surpris en train d’installer des systèmes d’écoute et de voler des documents. En août 1974, après que son rôle dans la conspiration a été révélé, Nixon a démissionné afin d’éviter la destitution.

L’enquête de Robert Mueller

Depuis mai 2017, l'enquête dirigée par le procureur spécial Robert Mueller se penche sur l'ingérence russe dans les élections présidentielles américaines de 2016, y compris l'exploration de tout lien ou coordination entre les équipe de campagne de Donald Trump en 2016 et le gouvernement russe.

Mueller a pour l’heure obtenu des plaidoyers de culpabilité de cinq personnes : George Papadopoulos, ancien conseiller de Trump, Michael Flynn, conseiller à la sécurité nationale, Richard Pinedo, avocat, Alex van der Zwaan, avocat néerlandais, et Rick Gates, ancien conseiller de Trump. Des actes d'accusation supplémentaires ont été prononcés contre l'ancien président de la campagne Manafort, treize citoyens russes et trois entités russes.

Le 25 janvier 2018, le New York Times a rapporté que Donald Trump avait ordonné à Robert Mueller d'être limogé en juin 2017 mais avait reculé lorsque le conseiller de la Maison Blanche, Don McGahn, lui avait dit qu'il préfèrerait démissionner plutôt que d'appliquer la directive.