Les attentats qui ont touché Paris le 13 novembre n'ont pas épargné la vie politique américaine.
Après la découverte d'un passeport syrien, qui n'a pas été authentifié pour le moment, à proximité du corps d'un kamikaze au stade de France, et dont le titulaire aurait suivi la route des réfugiés, le débat est relancé quant à la possibilité d'une infiltration d'islamistes parmi les migrants qui fuient la guerre civile en Syrie pour se réfugier en Europe.
La présence du passeport pourrait être une manipulation de l'Etat islamique, afin de radicaliser la question des réfugiés en Europe et d'aiguiser les tensions communautaires, comme le suggère un ministre allemand. S'agit-il d'une fausse piste ? Les candidats républicains n'ont pas attendu de connaître la réponse pour réclamer la fermeture des frontières du pays aux réfugiés syriens.
Les Républicains profitent des attentats pour avancer leurs arguments
"Faire venir des gens dans ce pays, de cette partie du monde, est je pense une grave erreur", a déclaré Ben Carson. "Pourquoi n'infiltreraient-ils pas des gens dont l'idéologie est opposée à la notre ?" s'est-il demandé sur Fox News Sunday. Jeb Bush et Ted Cruz ont quant à eux plaidé pour accueillir essentiellement des Chrétiens de Syrie sur la chaîne CNN. Le magnat de l'immobilier Donald Trump, connu pour ses déclarations fracassantes, a comparé l'entrée des réfugiés à celle d'un "cheval de Troie".
Cette position n'est pas nouvelle. Les conservateurs critiquent depuis le début l'annonce de la Maison blanche, qui a promis d'accueillir 10 000 réfugiés syriens sur le territoire américain l'année prochaine. L'administration Obama avait tenu à préciser que les migrants seraient soumis à une vérification de leurs antécédents avant de passer la frontière.
Mais les attaques de Paris, largement couvertes dans les médias américains et qui ont suscité la compassion d'une grande partie de la population, ont donné des billes aux conservateurs.
Contre l'objectif d'Obama d'accueillir 10 000 réfugiés
Trois jours après les événements, au moins six gouverneurs républicains ont annoncé qu'ils refuseraient d'accueillir des réfugiés dans leurs états respectifs.
En réponse, la Maison blanche a fait savoir qu'elle ne renoncerait pas à l'objectif d'accueillir 10 000 migrants. Lors d'une conférence de presse qui ponctuait une réunion du G20 en Turquie, le président Obama s'est en particulier emporté contre la proposition de Jeb Bush de limiter l'accueil aux Chrétiens. "Ce n'est pas ça, l'Amérique", a-t-il déclaré, sans directement citer le nom de Bush, "Notre compassion n'est pas conditionnée à la réussite d'un test religieux".
Leur principal argument : il est impossible de vérifier les antécédents des migrants
Cela n'empêche pas les Républicains d'exploiter ce qui constitue selon eux un point sensible : dans le contexte de la guerre civile syrienne, il est difficile de contrôler le parcours de ses ressortissants.
"On ne peut pas vérifier [les] antécédents [des réfugiés]", a déclaré le candidat et sénateur républicain Marco Rubio à ABC News ce week-end. "Vous ne pouvez pas passer un coup de fil et appeler la Syrie", a-t-il ajouté.
Les membres de l'administration Obama n'ignorent pas la possibilité d'une infiltration islamiste, selon The Hill. Cette année, le directeur du FBI James Comey reconnaissait face à des sénateurs que le risque zéro n'existait pas - même si l'administration est selon lui de plus en plus apte à repérer les éventuels terroristes.
Même précaution du côté d'Hillary Clinton, candidate démocrate favorite des sondages. Interrogée au lendemain des attentats de Paris, au cours du débat télévisé entre candidats démocrates, Clinton a insisté sur la nécessité de soumettre les réfugiés à un processus de vérification de leurs antécédents. Elle plaide pour accueillir 65 000 d'entre eux. Le thème du débat, censé porté sur l'économie, avait été modifié après l'annonce des attentats du 13 novembre.
Beaucoup de bruit, pour peu de réfugiés
Les parlementaires républicains ont annoncé lundi qu'ils tenteront de bloquer l'accueil des 10 000 réfugiés annoncé par l'administration Obama, en ne lui accordant pas les financements nécessaires. "Nous prenons en considération toutes les options afin de s'assurer que quelque chose comme cela [les attentats de Paris, NDLR] n'arrive pas ici en même temps que les réfugiés", a déclaré lundi le Speaker de la chambre, Paul Ryan, au micro du conservateur Bill Bennett. "Nous devons nous assurer que nous nous protégeons", a-t-il ajouté.
Même si le nombre de réfugiés syriens accueillis par les Etats-Unis atteint les 10 000 comme le souhaite Obama l'an prochain, il reste cependant négligeable comparé au nombre de migrants qui se rendent en Europe pour échapper à la guerre civile. Selon l'ONU, 95% des réfugiés syriens se trouvent dans un pays voisin du leur. Au total, plus de 4 millions de réfugiés syriens ont été recensés par l'ONU.