C'était un déplacement inédit : pour la première fois de l'histoire, un pape s'est rendu en Irak. Pendant trois jours, du 5 au 7 mars, un circuit de 1 500 km à travers tout le pays et sous haute protection avec des déplacements en avion, hélicoptère et voiture blindée, et sans véritables bains de foule, pandémie oblige. Objectif du voyage : soutenir la minorité chrétienne de la région – qui ne représente que 2% de la population - et tendre la main à l'islam chiite.
Pour son premier déplacement depuis le début de la pandémie de Covid-19, le Pape François a donc choisi l'Irak, un voyage longtemps souhaité par son prédécesseur Jean Paul II mais qui n'avait finalement jamais eu lieu. Parti de Rome vendredi matin, le souverain pontife de 84 ans a été accueilli à l'aéroport international de Bagdad par le Premier ministre irakien avant de s'entretenir avec le Président de la République Barham Salih au palais présidentiel. Une rencontre institutionnelle avant le premier moment fort du voyage en l'église Notre-Dame de l'Intercession de Bagdad, pour y prononcer un discours de paix et échanger avec différents religieux. Un lieu très symbolique puisque le 31 octobre 2010 l'édifice avait été la cible d'une attaque terroriste revendiquée par Al-Qaïda, coûtant la vie à une cinquantaine de personnes, dont 44 fidèles venus célébrer la messe dominicale.
Un déplacement en « pèlerin de la paix »
L'un des moments les plus marquants du voyage restera sa rencontre avec le grand Ayatollah Ali Al-Sistani, plus haute autorité religieuse de l'islam chiite, lors de la journée du samedi 6 mars. Une image historique entre les deux chefs religieux marquant un échange de près d'une heure dans la ville sainte de Najaf, à 150 km au sud de Bagdad. Le chef de l’Église catholique s'est ensuite rendu dans la pleine d'Ur - lieu de naissance du patriarche Abraham selon la Bible - pour une rencontre interreligieuse conclue par un nouveau discours et des paroles fortes : « La violence et l’extrémisme sont des trahisons du message des religions [...] Nous ne pouvons pas nous taire lorsque le terrorisme abuse de la religion. »
Dimanche, pour son dernier jour au Moyen-Orient, une journée marathon et sous haute sécurité attendait le Pape. Après avoir rejoint Erbil - capitale du Kurdistan irakien qui avait ouvert ses portes aux centaines de milliers de chrétiens fuyant l’État Islamique - pour y rencontrer les autorités de la région autonome, le souverain pontife a ensuite rallié successivement en hélicoptère Mossoul puis Qaraqosh.
À Mossoul, d'abord, une ville restée sous le joug de l’État Islamique entre 2014 et 2017, le Pape a rendu hommage aux victimes de la guerre. À Qaraqosh, François était ensuite attendu par quelques 500 fidèles dans l'église de la Conception Immaculée, où il a aussi été chaleureusement accueilli par les milliers de personnes venues à sa rencontre devant l'édifice religieux, et ce malgré le confinement total décrété dans tout le pays jusqu’à la fin de la visite papale. En fin de journée, le pontife est revenu à Erbil pour y célébrer une messe en plein air dans le stade Franso Hariri devant 15 000 personnes. Un dernier moment fort avant de rejoindre Bagdad - d'où il repartira demain matin - et ainsi conclure un voyage de trois jours auprès du monde chiite qui, deux ans après le dialogue instauré avec le monde sunnite à Abu Dhabi, marque une nouvelle étape dans le rapprochement entre l’Église catholique et le monde musulman.
Alexandre Le Naour