Italie : Place du Peuple, des étoiles dans les yeux

Vendredi, la Place du Peuple à Rome accueille le dernier meeting de la campagne électorale avant les élections de dimanche. Cet ultime meeting est celui du Mouvement 5 étoiles. Reportage.


« Nous sommes le paradoxe de la politique mondiale ! » clame Beppe Grillo, humoriste et fondateur du parti politique aux portes du pouvoir en Italie. Vendredi 2 mars, à deux jours des élections générales, des milliers de sympathisants du Mouvement 5 étoiles se sont réunis Place du Peuple, au centre de Rome.

Un parti anti-système

Ce paradoxe, il l’incarne avec Luigi di Maio. Ils sont aujourd’hui les deux grands noms du Mouvement 5 étoiles (M5S) et tout les oppose. Beppe Grillo, 69 ans, a le coin des yeux marqués par 50 années à rire de l’Italie et à la faire rire. Les cheveux longs, en bataille, la barbe hirsute : il est le visage de la rébellion de laquelle est née le M5S. En 2007, il organise le « Vaffanculo Day »  pour se mobiliser contre les partis traditionnels avec pour mot d’ordre « tous pourris ». Face au succès de sa manifestation, il rassemble via son blog les Italiens qui se reconnaissent dans ce rejet de le la politique corrompue et crée son mouvement, les « 5 Stelle » (5 étoiles) en 2009.

Luigi Di Maio, 31 ans, représente le côté lisse du parti. Il est cette « concrétisation institutionnelle du « Vaffa », comme l’exprime Nicola Finizio,  quinquagénaire et militant du parti depuis 7 ans. « Beppe Grillo ne peut pas gouverner l’Italie, lui le peut. », ajoute-t-il.

« Des gens normaux au parlement »

Le Mouvement 5 étoiles est né de la critique des partis traditionnels. De la critique des politiciens qui se font élire pour un salaire confortable à vie. De la critique du clientélisme et de la corruption. Ce que le mouvement 5 étoiles veut, c’est « des gens normaux au parlement, comme toi et moi, des gens qui ont les mêmes problèmes que nous. Des gens qui ont des enfants à élever, une famille à nourrir et une maison à payer. » Ces gens normaux, c’est Luigi Di Maio, Virginia Raggi, Maire de Rome et mère de famille, ainsi que les 348 candidats 5 étoiles au parlement italien. Nicola Finizio nous confie que son rêve et celui de tous les militants 5 étoiles se réalise enfin en ce soir de meeting. « Une page d’Histoire est en train de s’écrire. » Dans sa voix, l’euphorie de la fin de la campagne et l’espoir. Les derniers sondages donnent le M5S premier parti d’Italie avec près de 28% des intentions de vote.

Question qualifications, les sympathisants interrogés sont du même avis : « il vaut mieux des parlementaires non qualifiés mais qui veulent bien faire plutôt que des personnes qui veulent profiter du système et qui savent comment faire. » Pour ce mouvement qui élit ses représentants sur internet, c’est la bonne volonté qui compte.

Campagne sur le thème de la transparence

Cette semaine, Luigi Di Maio a publié la liste de ses ministres si le Mouvement 5 étoiles gagnait les élections. Audacieux ou présomptueux ? Ce geste, voulu comme une preuve de la bonne foi du mouvement, a fait couler beaucoup d’encre.

Ce soir, face à ses plus fidèles sympathisants et à la presse du monde entier, il a présenté avec anticipation son premier projet de loi. Symboliquement fort pour ce parti qui fait de la politique une mission plus qu’un métier, ce texte vise à abolir les revenus à vie pour les politiciens et à faire baisser les salaires des parlementaires.

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Luigi Di Maio, vendredi soir, sa proposition de loi entre les mains

Une loi qui, comme il la présente à la foule, « sera votée en quelques minutes si le M5S gagne dimanche et qui ne passera jamais sinon ». « Onestà » (« honnêteté »), scandent les militants en agitant leurs drapeaux blancs étoilés. Barbara Bianchi, tenant son fils de 11 ans par la main,  regarde l’estrade. « Ils mettent le cœur et ils ont la volonté de nous aider, ils ne sont pas là pour se servir. Ce sont les seuls à faire de la politique honnêtement. »

Les militants ont des étoiles dans les yeux, donc, sur la Place du Peuple en ce 2 mars. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que même si le M5S est le premier parti dans les sondages, le fait qu’il refuse toute alliance le désavantage. La coalition de droite et d’extrême-droite « Centrodestra », menée par Silvio Berlusconi et réunissant 3 partis, comptait 37,2% des intentions de votes dans les derniers sondages.

- par Léa Guedj, du bureau de France Télévisions à Rome