C’est un tournage qui fait grincer des dents. Le célèbre réalisateur napolitain Paolo Sorrentino viendra filmer à Amatrice, encore ensevelie sous les décombres, pour les besoins de son prochain film « Loro ».
A Amatrice, presque un an après le terrible séisme du 24 août 2016, 92% des reconstructions restent à faire (voir notre précédent article : Tremblements de terre, le bilan des reconstructions est désastreux). Et pourtant, les 6 et 7 juillet, la ville s’apprête à accueillir l’équipe de tournage du prochain film de Paolo Sorrentino, « Loro » qui relate la vie et la personnalité de Silvio Berlusconi. Ses habitudes, amitiés et fréquentations amoureuses sont passées en revue : « Je suis italien et je veux faire un film sur les Italiens. Berlusconi est un cliché de l’italianité, à travers lui je peux raconter les italiens » a expliqué Paolo Sorrentino au festival de Cannes, où il était présent en tant que membre du jury.
Mais la venue de cette équipe divise les habitants. D’un côté, il y a ceux qui y voient l’opportunité de montrer aux yeux du monde l’incroyable retard pris dans les reconstructions, de l’autre ceux qui sont choqués du manque de respect apporté aux victimes, et surtout, à leur douleur.
« Faire un tournage sur les décombres qui ont tué plus de 200 personnes, c’est un chef-d’œuvre ? »
Plusieurs comité d’habitants, en particulier celui de « Tremblements de terre en centre Italie », demandent à ce que la priorité soit donnée à la reconstruction de la zone et à l’évacuation des gravats. Plutôt qu’au tournage d’un film.
« Le choix d’Amatrice est cohérent avec la narration du film. Nous n’imaginions pas que nous puissions blesser quelqu’un. La douleur encore ressentie par Amatrice sera traitée avec la maximum de respect, nous ne sommes pas là pour jouer aux chacals ou faire du théâtre » a répondu le producteur Nicola Giuliano, d’Indigo Film.
Le maire d’Amatrice, Sergio Pirozzi, a autorisé le tournage de séquences avec des acteurs seulement à l’intérieur de l’église de Saint François. « S’ils veulent faire d’autres prises dans la zone rouge, ils devront y être autorisés par les propriétaires des bâtiments filmés » a-t-il précisé.
La production reste ainsi convaincue du bien-fondé de ce choix de lieu de tournage, citant un précédent : « Quand Rossellini a tourné Allemagne année zéro sur les décombres de Berlin, personne ne l’a perçu comme un scandale ».