Sorti il y a dix jours, “Udta Punjab” a signé le 5e meilleur démarrage de l’année en Inde. Le film n’a pourtant rien à voir avec les habituelles comédies romantiques et musicales qui dominent le box-office : il dresse le portrait de toxicomanes dans l’Etat du Penjab. Un sujet sensible qui a fait monter aux créneaux la Commission de certification des films, mais Bollywood n’a pas plié.
A quelques jours de l’avant-première, la Commission de certification indienne (Central Board of Film Certification - CBFC) a ordonné que certaines scènes, jugées trop indécentes pour le grand public, soient supprimées. D’après cette commission, qui a le pouvoir de censurer ce que bon lui semble, le film montrait la région du Penjab sous un trop mauvais angle.
La CBFC a donc demandé que toutes les références à cet état soient coupées et que le titre du film soit modifié. De nombreux mots devaient aussi disparaître, principalement des références politiques : parmi eux figuraient "parlement", "législateurs" ou encore "élections". Les censeurs déclarent que le film "porte atteinte à la souveraineté de l’Inde", rien que cela.
Selon la presse, il s’agit surtout de ne pas mettre dans l’embarras l’actuel gouvernement local du Penjab, alors que des élections régionales approchent.
Mais rapidement, l’avis de la commission a provoqué un tollé à travers tout le pays. Saisie par les producteurs du film, la Haute Court de Bombay a finalement, après un mois de polémiques, désavoué les censeurs : "Nous avons lu le script dans sa totalité pour voir si le film encourageait la consommation de drogues. Nous ne trouvons pas que le film remet en question la souveraineté ou l’intégrité de l’Inde […]" explique finalement l’un des juges.
La commission demandait 89 coupes avant la sortie du film. Au final, il n’y en a eu qu’une seule : une énorme victoire pour Bollywood. Dans la scène censurée le réalisateur filmait son personnage principal, chanteur d’un groupe de rock sous l’emprise de cocaïne, en train d’uriner sur son public. Ici, même la Haute Court de Bombay a refusé d’approuver la diffusion.
La Commission est régulièrement contestée pour la censure qu’elle impose au cinéma indien mais étranger aussi… Il y a quelques mois, elle a par exemple effacé du dernier James Bond deux scènes de baisers considérées comme “inappropriées pour le public indien”.
Bollywood est de plus en plus exaspéré face à cette censure : cette fois-ci, des grands noms de l’industrie du cinéma se sont mobilisés pour défendre “Udta Punjab” et surtout leur liberté de création.
Mais "Udta Punjab" n’en a pas fini avec les censeurs : pour autoriser sa sortie, au Pakistan cette fois, le Commission locale vient de demander plus d’une centaine de coupes…
Pauline Gordon (St.)