La plus grande démocratie du monde n'est pas à la hauteur en matière de liberté d'expression. C'est la conclusion du dernier rapport sur l'Inde de Human Rights Watch (HRW).
Opposants politiques, blogueurs, chanteurs, journalistes, ONG ou encore caricaturistes sont régulièrement visés par des lois "abusives" lorsqu'ils critiquent les autorités, dénonce Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié mardi 24 mai.
"Les lois sur la sédition et la diffamation criminelle sont régulièrement utilisées pour protéger les puissants des critiques", dénonce Meenakshi Ganguly, directrice de recherche sur l’Asie du Sud dans l'association de défense des droits de l'homme.
La loi sur la sédition, qui date de l'époque coloniale, interdit l'usage de mots et images pouvant causer "haine ou mépris, ou susciter ou tenter de susciter de la désaffection" à l'égard du gouvernement. Elle a été utilisée contre le leader étudiant Kanhaiya Kumar (photo) en février 2016. Arrêté avec deux autres élèves en marge de la commémoration de la mise à mort d'un séparatiste du Cachemire accusé de terrorisme, il aurait tenu des "discours anti-nationaux" selon les autorités.
Autre exemple retenu par l'ONG : le cas du chanteur S. Kovan, arrêté après la diffusion de deux chansons. Il accusait l'Etat de tirer profit de la vente d'alcool au détriment des plus démunis.
HRW s'en prend aussi aux autorités du Tamil Nadu, région du sud de l'Inde, qui auraient trop souvent recours à la "diffamation criminelle", muselant ainsi opposants et journalistes.
Le Premier Ministre indien Narendra Modi - caricaturé à droite sur l'image - avait pourtant déclaré en juin 2014 : "notre démocratie ne pourra pas être durable si nous ne pouvons pas garantir la liberté de parole et d'expression."
HRW lui répond que "mettre des contestataires en prison, ou même les forcer à se défendre lors de procédures judiciaires longues et coûteuses, sape les efforts du gouvernement pour présenter l'Inde comme un pays moderne de l'ère de l'Internet, attaché à la liberté d'expression et à l'État de droit."
L'association demande au gouvernement indien la modification de ces lois ou encore la formation de la police et de la justice "afin qu'ils rejettent les affaires qui constituent un empiètement sur la liberté d'expression."
Selon le site internet The Hoot, qui surveille les atteintes à la liberté de la presse en Inde, 19 personnes sont déjà tombées sous le coup de la loi de "sédition" lors des trois premiers mois de 2016. A la même période en 2014 et 2015, aucun cas n'avait été enregistré.
Source : The Hoot
Caroline Chauvet (St.)