Avec une concentration de particules fines qui peut atteindre plus de 20 fois la norme recommandée par l'OMS, la capitale indienne est l'une des villes les plus polluées du monde. Grâce à une série de portraits, la photographe française Mélanie Dornier s'est engagée dans la lutte pour un air plus sain.
Chauffeur de taxi, policier, enfant jouant au cricket : ils portent tous un masque antipollution et tiennent dans les mains une radiographie de poumons malades.
"La société indienne est très stratifiée, mais on est tous égaux en ce qui concerne l'air que l'on respire," explique Mélanie Dornier, photographe française vivant en Inde. Sa série de portraits intitulée "I Breathe" a été réalisée en partenariat avec l'entreprise Airveda qui vend des boitiers pour mesurer le taux de pollution dans l'air.
"J'ai voulu que Delhi ne soit pas identifiable sur les photos, pour montrer que la pollution se situe aussi dans d'autres villes," ajoute Mélanie Dornier. L'Inde regroupe en effet 6 des 20 villes les plus polluées du monde. La cause principale de la pollution : les quelques 8 millions de véhicules.
Dans la capitale indienne, la concentration en particules fines PM2.5, les plus dangereuses, est habituellement 15 à 20 fois supérieure à la norme recommandée par l'Organisation Mondiale de la Santé. Il faut ajouter au cocktail dévastateur les particules PM10, le dioxyde de souffre (SO2) ou encore le dioxyde d'azote (NO2) et dans une moindre mesure le monoxyde de carbone.
Nombre de particules fines PM10 (en micro gramme par mètre cube, µg/m3) / Source: Organisation Mondiale de la Santé - 2016
Photographier les effets dévastateurs sur la santé
"Je n'ai pas eu l'occasion de demander à chacun des modèles de faire une radiographie de leurs poumons, donc j'ai pris des radios lambdas de poumons affectés par l'asthme," explique la photographe.
L'asthme, mais aussi la bronchites, la sinusite, la toux, les diverses infections à la gorge et à la poitrine ou encore le cancer du poumon sont des maladies communes résultant de la pollution atmosphérique. Pire : à Delhi, les enfants possèdent des poumons de fumeurs.
Selon le docteur JC Suri, chef du service de médecine respiratoire de l'hôpital de Safdarjung de New Delhi, "si vous êtes né(e) et avez grandi à Delhi, vous aurez très probablement de l'asthme, des problèmes respiratoires ou de fréquentes infections de la gorge et des voies respiratoires avant même vos 35 ans."
Une légère réduction de la pollution depuis deux ans
Depuis deux ans, le gouvernement a pris quelques mesures afin de réduire le taux de pollution dans la capitale indienne. "Le taux de particules fines PM2.5 a été réduit. En deux ans, on est passé de 153 microgrammes par mètre cube à 122," reconnaît Anumita Roychowdhury directrice du Centre pour la Science et l'Environnement, un centre de recherche non gouvernemental situé à New Delhi. Un effort appréciable mais toujours insuffisant car ce taux reste 12 fois supérieur à celui recommandé par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Parmi les actions prises par les autorités indiennes : une taxe sur les poids lourds pour circuler dans Delhi, la prohibition de la vente des plus grosses voitures fonctionnant au diesel ou encore l'interdiction de brûler les ordures.
"Certes, la qualité de l'air reste mauvaise et la zone de Delhi reste l'une des plus polluée du monde, mais nous avons réussi à stabiliser la situation," ajoute Anumita Roychowdhury. "Maintenant, nous devons inverser la tendance. Le but est d'atteindre à Delhi une moyenne annuelle particules fines de 40 microgrammes par mètre cube en 2020."
Caroline Chauvet (St.)