Le jeudi 24 mars dernier, l’Inde du Nord célébrait Holi, la fête du printemps, la fête des couleurs… Une journée de liesse, de sourires, entre batailles d’eau et jets de pigments de couleurs sur les passants… Mais derrière la joie apparente, Holi a aussi une face sombre alimentée par l’alcool et la drogue largement consommés dans tous le pays pour l’occasion.
Le printemps n’est pas que synonyme d’exaltations pour les indiens, et particulièrement les indiennes du pays de Gandhi. Derrière les poudres colorées lancées ou étalées directement sur les figures, la police de l’État de Delhi a enregistré un nombre record de plaintes et d’accidents le jeudi 24 mars dernier. «Le centre de contrôle de la police de Delhi a reçu 35 890 appels contre une moyenne de 24 000 (en temps normal, NDLR). » soulignait un représentant de la police de New Delhi. « Et des actions ont été prises pour 18 480 de ces cas. »
Le décompte est effrayant : 13 250 querelles dont plus de la moitié sont liées à la consommation d’alcool, 46 d’affaires de violences au volant, 40 fusillades, 142 attaques à l’arme blanche, 11 meurtres, 211 harcèlements sexuels, 21 viols et agressions sexuelles… Et ces chiffres,loin d’être exhaustifs, ne concernent que la capitale. Dans l’État voisin de l’Uttar Pradesh, 30 personnes ont été tuées le jour d’Holi et des dizaines ont été blessées… Les journaux relèvent des violences de groupes, des affrontements entre gangs, de nombreux accidents de la route…
"Bura Na Mano, Holi Hai" ("Ne t’énerves pas, c'est Holi /A Holi, tout est permis")
L’une des explications serait la prise d’alcool et la consommation de drogue comme le Bhang (boisson à base de cannabis) ingurgité très tôt le matin pour Holi. Les esprits s’échauffent ou se grisent et les relations tournent vite au vinaigre.
Mais Holi c’est aussi l’occasion de rapprochements physiques, de contacts corporels parfois rudes et déplacés. « Les couleurs sont le camouflage parfait pour toucher les femmes de sa famille, de son voisinage ou bien de parfaites inconnues » relevait Mayank Tewari, journaliste indien, lors de la célébration de 2015. Sukhmani Waraich se souvient adorer Holi lorsqu'elle était enfant. « Mais aujourd'hui, c'est devenu un festival à craindre » ajoute-t-elle quelques ligne plus bas dans cet article du 23 mars 2016. « L'eau et les couleurs ne sont plus amusants et nous, surtout les femmes du Nord de l'Inde, dépensons la majorité de notre énergie à éviter les ballons remplis d'eau et de sperme, les oeufs, les couleurs qu'on nous jette depuis des recoins cachés... »
Cependant, une autre journaliste souligne une progression des mentalités : aujourd’hui, l’impunité n’est heureusement plus la règle. Et surtout, la parole sur ces "crimes festifs" s'est déliée. Les festivités d'Holi n'éclipsent plus les dangers qui y sont liés.
Amanda Jacquel