Marielle Franco : trois mois après, l'enquête au point mort

Marielle Franco militait au PSOL, parti socialiste.

A chaque coin de rue, son visage souriant orne les murs de Rio. Les Brésiliens n'oublient pas Marielle Franco. Ils se sont réunis par dizaines, jeudi 14 juin, à Rio. Ils réclament justice. Mais trois mois après son assassinat, elle n'est toujours pas rendue.

A la nuit tombée, un cortège brave la pluie fine qui tombe sur la favela Maré. Son père, ses amis et ses voisins défilent dans les rues qui ont vu Marielle Franco grandir. Ils marchent sans dire un mot, un cierge à la main. Seul le battement sourd et lancinant d'un tambour rythme la procession. Un à un, ils déposent leur cierge dans l'église où elle allait prier. Un jeune de la favela danse, d'autres prennent la parole en sa mémoire. Ils disent leur colère contre ce crime impuni, le meurtre de Marielle Franco. Ils sont là pour elle, et toutes les victimes de la violence qui gangrène les quartiers pauvres de Rio. Leur mot d'ordre : Transformar o luto em luta, transformer le deuil en lutte. Pour que justice soit rendue.

Une trentaine de proches de Marielle Franco se sont réunis jeudi 14 juin en sa mémoire.

Comme les proches de Marielle Franco, les défenseurs des droits humains se mobilisent. La veille, des militants d'Amnesty International ont manifesté devant le parquet de Rio. On est loin des immenses conrtège qui avaient suivi la mort de la militante. Des dizaines de milliers de personnes étaient alors descendues dans les rues de Rio, Sao Paulo, Brasilia.

2000 personnes ont manifesté dans la favela de Marielle Franco, Complexo da Mare, en mars dernier.

Pour autant, les Brésiliens n'oublient pas Marielle Franco. Elle était la voix des favelas, des minorités noires et LGBT, des victimes de violences policières et para-militaires. Elle a été tuée de quatre balles dans la tête, le 14 mars dernier. Alors qu'elle rentrait d'un rassemblement pour les femmes noires, son véhicule a été pris en chasse avant d'essuyer des tirs. Son chauffeur a été abattu, son assistante blessée. Conseillère municipale PSOL (parti socialiste), elle comptait se présenter aux élections pour devenir députée.

Marielle Franco venait d'être nommée rapporteure d'une commission d'enquête sur les milices.

Son engagement politique lui a coûté la vie. Marielle Franco a eu l'audace de dénoncer les exactions des miliciens. Ces anciens policiers et militaires contrôlent, par la terreur et avec l'appui de politiciens corrompus, certains quartiers pauvres de Rio. Au prétexte d'en assurer la sécurité, ils extorquent leurs habitants. Et éliminent ceux qui osent leur résister, comme Marielle Franco.

C'est en tout cas la piste suivie par les enquêteurs, selon le ministre de l'Intérieur Raul Jungmann. Il s'est exprimé un mois après l'assassinat pour évoquer les indices récoltés. Ils attestent d'un meurtre prémédité, minutieusement préparé. Les caméras de vidéo-surveillance ont été désactivées, le tireur était un professionnel, les balles utilisées volées à la police. Le ministre assurait alors que l'affaire était sur le point d'être résolue. Mais depuis, silence radio.


Marielle Franco avait 38 ans, et laisse derrière elle sa fille de 19 ans et sa femme.

L'enquête patine, faute de moyens. Une situation que dénonce un policier dans une lettre ouverte, une lettre d'excuses à Marielle. Cet enquêteur de 28 ans est chargé d'élucider les homicides violents, comme celui de la militante. Il est incapable de mener sa tâche à bien. Effectifs insuffisants, véhicules en panne, armes hors services... Résoudre une affaire suppose de laisser des dizaines d'autres cas de côté. Le procureur, lui, affirme que tous les moyens nécessaires sont mis en oeuvre. Il a reçu les proches de Marielle Franco hier, et évoqué "un crime politique destiné à faire taire la plus grande défenseuse des droits de l'homme". Mais il n'a avancé aucun nouvel élément.

Le meurtre de Marielle reste impuni. Un fait qui vient confirmer une triste réalité. Avec la Colombie, les Philippines et le Mexique, le Brésil est l'un des pays les plus dangereux au monde pour les défenseurs des droits humains.

Auriane Loizeau pour Fanny Lothaire