Dès aujourd’hui, la diaspora turque commence à voter pour les élections présidentielles et parlementaires qui vont acter en Turquie le passage au régime présidentiel. En Allemagne, ce vote est observé de près, mais dans un climat moins tendu que l’année dernière lors du référendum.
Les premiers expatriés turcs ont donné leur voix ce jeudi 7 juin, trois semaines avant que la Turquie ne passe aux urnes pour élire son président et son parlement. L'élection anticipée du 24 juin va acter l’entrée en vigueur d’un système présidentiel en Turquie - une modification constitutionnelle que le pays a votée lors d’un référendum en avril dernier et qui devrait renforcer les pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan, s’il est réélu.
Les Turcs d'Allemagne, grands supporters d'Erdogan
La diaspora turque est un groupe électoral décisif : elle représente plus de 5 % des admissibles et peut ainsi faire basculer le vote. Les Turcs d’Allemagne jouent un rôle central dans ce calcul, puisqu’il s’agit de la plus grande communauté turque à l’étranger. Sur les 59,33 millions d’électeurs admissibles, près d’un million et demi vivent en Allemagne. Et ce sont eux qui apportent le plus de soutien au président en place et à son parti islamo-conservateur AKP : lors du référendum il y a un an, 63 % s’étaient exprimés en sa faveur, contre seuls 51,4 % en Turquie.
Ce genre de chiffres et le dévouement manifeste de certains immigrés envers le chef d’État turc de plus en plus critiqué par la communauté internationale - c’est ainsi qu’a par exemple été interprété le geste controversé des footballeurs allemands Mesut Özil et Ilkay Gündogan récemment - déclenchent en Allemagne régulièrement le débat sur les failles de l’intégration des immigrés turcs, qui forment la plus grande communauté de résidents étrangers du pays.
Tensions politiques entre Berlin et Ankara
Le parti gouvernemental turc mène des campagnes électorales bien organisées en Allemagne, avec des représentants dans chaque grande ville. Treize bureaux de vote ont été mis en place à travers le pays, les plus grands étant à Stuttgart, Francfort et Berlin. Jusqu’à l’année dernière, des discours électoraux sur le sol allemand des ministres turcs et du président Erdogan lui-même étaient coutume. Dans le contexte tendu de la détention illicite du journaliste turco-allemand Deniz Yücel et du durcissement du régime d’Erdogan après la tentative de putsch militaire, ces prises de parole avaient tellement fait débat en Allemagne que le gouvernement Merkel les a entièrement interdites pendant les trois derniers mois avant une élection. Une mesure, qui a été traitée de “méthode nazie” par le président turc. Dans ses spots électoraux à destination des Turcs d’Allemagne, l’AKP dénonce une “conspiration” d’acteurs politiques et de la confédération des syndicats allemands, qui soutiendraient des organisations anti-turques comme le parti kurde PKK.
Pourtant, les conflits de 2017 ont eu le temps de se tasser et ces élections, aussi délicates qu’elles soient, commencent dans un climat plus calme en Allemagne.
Par Anja Maiwald