De l'Ouest-Américain, Samuel Marie a pris la route de Houston, puis de Miami. L'une de ses principales surprises ? L'avancée des Etats-Unis en matière d'accessibilité.
Fin octobre, nous avions laissé Samuel Marie à Los Angeles (lire notre article précédent). Après avoir sillonné le Canada puis le Nord-Ouest américain, ce Français de 30 ans poursuit son tour du monde, "HandiRoad" au volant de son fourgon adapté. Un défi qu’il s’est lancé après un accident professionnel en 2008 qui l’a privé de l’usage de ses jambes. Son objectif ? Voyager à travers 11 pays en sensibilisant à la cause du handicap.
Pour Samuel Marie, ce voyage représente aussi un défi physique. Une façon de montrer qu'un tétraplégique comme lui peut transcender le handicap et réaliser un rêve. A la sortie de Las Vegas en poursuivant sa traversée des grands parcs américains, Samuel Marie essuie son premier "pépin de santé". Des poumons bouchés qui ne l’empêchent toutefois pas de poursuivre sa route. Quelques jours de convalescence, auprès de Marine, son infirmière-accompagnatrice qui l’épaule depuis la frontière canadienne, puis c'est reparti !
Le survol du Grand Canyon en hélicoptère
Ironie du sort, c'est aussi là que Samuel Marie a vécu ce qui restera l'un de ses plus beaux souvenirs de l'Ouest-Américain. Au coeur de l’État d'Arizona, le jeune homme a pu profiter d’un survol du Grand Canyon en hélicoptère. "Le paysage était absolument superbe, et le moment inoubliable", confirme Samuel Marie, pas du tout impressionné par cette balade en altitude. Rappelons que le jeune homme était cordiste avant d‘être victime de l’accident qui l’a rendu tétraplégique.
A la sortie des grands parcs, Samuel met le cap sur le Texas. A bord de son camion, il trace jusqu'à Saint Louis (Missouri), au centre de Etats-Unis, avant de redescendre plus au sud, au Texas, à Dallas puis Houston sur la côte du Golf du Mexique. Là, il a rendez-vous avec une vingtaine d'enfants d'une école Montessori pour une session de sensibilisation. Le neveu bilingue de son attachée de presse, Bartolomé, 10 ans, se charge de la traduction. Les questions fusent. Pourquoi s'est-il lancé dans ce projet ? Comment parvient-il à conduire et vivre dans son camion ? Quels pays va-t-il encore traverser ? Un échange auquel Samuel Marie se prête pendant une vingtaine de minutes. Il explique comment son camion a été finement adapté à ses contraintes physiques, et son objectif de faire en sorte, en lien avec ses partenaires, de mettre un tel moyen de locomotion à la portée d'un plus grand nombre de personnes. Il raconte aussi la fatigue que lui inflige son handicap. Les régions qu'il a déjà traversées, et celles qu'il visitera à partir de mai 2018 (Turquie, Proche-Orient, Russie, Chine…). "Une fois la grande boucle réalisée, j'aimerais revenir de ce côté de l'Atlantique, pour visiter l'Amérique Latine cette fois. Mais aussi me rendre en Afrique", leur confie-t-il.
Sur la route de Houston, Samuel Marie fait une halte au parc d'attractions Morgan's Wonderland à San Antonio. Sa particularité ? "Il est est totalement adapté aux personnes souffrant d'un handicap, quel que soit ce dernier", explique l'intéressé. Circuits de voitures, manèges, balançoires… Sans descendre de son fauteuil roulant, Samuel a pu ainsi tester plusieurs attractions. "Sachant que chaque dispositif est conçu de manière inclusive. On est assis dans le manège aux côtés des valides", raconte-t-il. Dans la foulée, il assiste à un entraînement de basket en fauteuil roulant. Une activité soutenue par la fondation Morgan, à l’origine du parc. Cette fondation a dédié un fonds spécial aux sports. Elle soutient 12 disciplines dont "le rugby-fauteuil", "le football-fauteuil", le football pour personnes amputées…
"Comparé à la France, les Etats-Unis sont un autre monde sur le plan de l'accessibilité. Un nombre beaucoup plus important de bâtiments et structures sont adaptées pour nous", commente Samuel. "Immeubles, commerces, parcs… Quel que soit le lieu, tout paraît plus simple. A Houston par exemple, j'ai pu monter comme tout le monde dans le petit train qui permet de visiter le space center de la Nasa et voir la fusée Saturn V du projet Apollo. Un peu plus loin, j'ai croisé un homme en fauteuil au volant d'un gros pick-up. J'ai pu en tester l'ingénieux dispositif d'accès."
Il faut dire que les Etats-Unis sont très en avance en matière de législation sur l'accessibilité. Dès 1990, le Congrès des Etats-Unis a voté la loi relative aux Américains avec un handicap (ADA). Gravant dans le marbre le droit de tous à profiter de la vie, elle implique de rendre accessibles les espaces commerciaux et administrations publiques, et d'offrir un environnement de travail adapté aux employés atteints de handicaps. A l'instar du Civil Rights Act de 1945, qui rendit illégales les discriminations basées sur la race, la religion, le sexe, l'origine nationale, elle a ainsi pour but de donner à toute personne ayant une déficience intellectuelle, des troubles du développement, un handicap moteur ou tout autre déficit la possibilité de tenter sa chance, que ce soit au niveau du système éducatif, de l'entreprise ou du sport.
L'ADA est mise en application à la fois au niveau fédéral et des cinquante états des Etats-Unis. En fonction de la région du pays, elle peut par conséquent être diversement mise en œuvre.
Accessibilité : les Etats-Unis en avance
La France est bien loin de cette réalité. "Nous ne sommes pas du tout au niveau des US", confirme Samuel Marie. Ici, la loi sur l'accessibilité des établissements recevant du public a été votée en 2005, soit 15 ans après celle des Etats-Unis. Et elle a été peu suivie d'effet. Pour faire face à ce déficit, une ordonnance de 2014 introduit une mise en application progressive, via un Agenda d'accessibilité programmée (Ad'Ap). Au 1er janvier 2015, moins de 50 000 établissements avaient satisfait à leur obligation d’accessibilité. Fin 2017, près de 610 000 d'entre eux s'étaient engagés dans la démarche Ad’AP. Reste que les établissements de proximité, de 5ème catégorie, seraient encore très peu entrés dans la démarche, par manque de moyens.
Le fossé qui sépare la France des Etats-Unis en matière de soutien aux handicapés est donc aussi lié à la question des moyens. Et cette question ne touche pas seulement l'enjeu de l'accessibilité. Les centres de recherche américains bénéficient de financement bien plus importants qu'en France. Et la recherche médicale sur les maladies et déficiences liées aux handicapes n'échappe pas à la règle. "J'ai pu visiter le Miami Project to Cure Paralysis, un centre d'excellence de la Miller School of Medicine spécialisé dans les lésions de la moelle épinière et du cerveau. Grâce à des implants, ils parviennent à faire remarcher des patients tétraplégiques sans exosquelette", indique Samuel Marie. "Comparée au centre de recherche de Clinatec à Grenoble, qui travaille sur les mêmes problématiques, cette structure (qui bénéficie de financement à la fois publics et privés ndlr) est 100 fois plus importante."
De retour à Paris le 19 décembre 2017, Samuel Marie nous donne rendez-vous pour une première interview-bilan très vite en France. Il sera alors en pleine préparation de la 2e partie de son tour du monde.
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