Comment les médias traitent-ils du handicap ? La question était au programme du dernier colloque du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Quelle est la place accordée aux handicaps par les médias de presse écrite et audiovisuels ? Six débats ont abordé la question lors du colloque du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH) qui se tenait le 29 juin 2017 au siège de France Télévisions à Paris.
La beauté du handicap sur Channel 4
A l'occasion de la table ronde inaugurale, un clip édifiant a été projeté, mettant en scène des handicapés anglais, sportifs professionnels, musiciens, chanteurs, danseurs... réalisant des performances hors du commun : jouer du piano avec les pieds, faire un saut en fauteuil roulant, du saut en hauteur avec une seule jambe... Il a été réalisé par la chaîne généraliste anglaise Channel 4, à la pointe du traitement des handicaps à l'écran, et dont un représentant Ramy El Bergamy participait au débat. Il est intervenu, notamment, aux côté de Marie-Amélie le Fur, multi-médaillée paralympique, pour évoquer "les belles images, les belles audiences et les belles histoires" des paralympiques.
Le handicap dans les journaux télévisés
"Un handicapé sur deux mis en lumière dans les grands JT est un handicapé moteur alors que ce type de handicap ne représente que 22% de la totalité des handicapés en France", lâche Matthieu Grossetête, sociologue au CURAPP (Centre universitaire de recherches sur l'action publique et le politique) . "Certains handicaps n'apparaissent dans l'actualité que sous un jour défavorable, sous la forme de faits divers sordides notamment. C'est particulièrement vrai en matière de schizophrénie, l'immense majorité des sujets sur ce trouble dans les JT relatant le parcours meurtrier d'une personne schizophrène alors que cette maladie ne se résume pas à ce type de symptôme."
Autre constat dressé par Matthieu Grossetête : de 1995 À 2009, 60% du total des sujets sur le handicap dans les journaux de France 2 et TF1 l'ont été sur la première chaîne... et non sur le service public.
Des diffusions à des horaires décalés
Directeur de la seule émission documentaire en langue des signes sur une chaîne nationale ("l'œil et la main"), Laurent Valo s'insurge : "Je regrette que notre programme soit diffusé à des horaires décalés, chaque lundi à 8h25 et rediffusée le samedi à 23h45 sur France 5. Heureusement, nous avons le replay." Sourd et muet, Laurent Valo, qui s'exprime en langage des signes, bénéficiait pour l'occasion d'une interprète.
Journaliste sur Radio France et aveugle, Laetitia Bernard a animé un débat sur "l'accessibilité, l'inclusion, la compensation et le handicap comme objets médiatiques". "Adda Abdelli du programme 'Les vestiaires' ou encore Josef Schovanec, qui est philosophe, écrivain, chroniqueur sur Europe 1 et autiste, étaient présents au tour de la table. Pour moi, ce sont poids-lourds que j'admire et que je ne voulais pas décevoir dans ce débat", me confie-t-elle à la sortie. "Pour ma consœur Sophie Massieu, journaliste elle aussi et aveugle, les handicapés aurons gagné quand nous aurons plus besoin de colloque comme celui-ci... Pour moi, ce type de rencontre est indispensable pour poser les problèmes. Les handicapés ne sont pas encore intégrés dans tous les domaines de la société."
Le coup de gueule de Dominique Farrugia
Quant à Dominique Farrugia, acteur, réalisateur, producteur et atteint d'une sclérose en plaques, il a apporté son témoignage en clôture du colloque. Pour lui, la prise en compte du handicap dans les médias est à l'image de la société. "Il n'y aura plus d'handicaps dans la vie quand le handicap sera pleinement intégré au quotidien, avec des théâtres, des cinémas, des restaurants totalement accessibles..." Mais pour lui, c'est encore loin d'être le cas. "Dans les médias comme ailleurs, les handicapés sont toujours des gens pas comme les autres. Ils doivent attendre avant de monter dans les transports en communs, les trains, les avions... Ça me rend fou parce que comme vous et moi nous avons le droit de vivre comme un valide !", s'insurge-t-il. "Depuis les Nuls, mon handicap s'est aggravé (Dominique Farrugia se déplace maintenant en fauteuil roulant ndlr), mais j'ai réussi à vivre avec, avec mes moyens, mais tous n'ont pas la même chance que moi. J'ai donc décidé de m'engager pour les autres."
En conclusion du colloque, la présidente du CNCPH, Dominique Gillot, s'est dite très satisfaite de cette journée. "Les témoignages ont prouvé que les handicapés pouvaient s'intégrer à tous les niveaux de la société. A nous maintenant, d'accompagner cet élan sur le terrain", a-t-elle déclaré.
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