(Crédit Mychèle Daniau / AFP)

L’information a fait le buzz sur les réseaux sociaux hier : l’école commencera en août à partir de 2014 ! Quoi, se retrouver à l’école des grains de sable encore collés à la peau, le brunissement du hâle pas encore achevé ?!... Bof, dans les faits, c’est plus symbolique qu’autre chose. Oui mais justement, la force de la symbolique…

Publication du calendrier pour la période 2014 – 2017

Le Journal Officiel en date du 24 janvier publie le décret du 21 janvier relatif aux calendriers scolaires des années 2014 – 2017.

- en 2014, la rentrée des classes pour les élèves aura lieu le lundi 1^er septembre, avec prérentrée le vendredi 29 août pour les enseignants.

- en 2015, la rentrée des classes pour les élèves aura lieu le lundi 31 août, avec prérentrée le vendredi 28 août pour les enseignants.

- en 2016, la rentrée des classes pour les élèves aura lieu le jeudi 1^er septembre, avec prérentrée le mercredi 31 août pour les enseignants.

On voit donc que les élèves rentreront en août lors de la seule rentrée 2015, le 31. En revanche, les enseignants vont devoir s’habituer à rentrer en août dès la prochaine rentrée.

Et encore, cela aurait pu être un jour plus tôt, puisque la prérentrée des enseignants se fait normalement sur deux jours – beaucoup l’ignorent car cette deuxième journée est souvent banalisée, ou prend la forme de deux demi-journées placées ça ou là. D’ailleurs le calendrier officiel mentionne que ces « deux demi-journées (ou un horaire équivalent), prises en dehors des heures de cours, seront dégagées, avant les vacances de la Toussaint, afin de permettre de prolonger la réflexion engagée lors de la journée de prérentrée ».

Cette année, les enseignants des écoles ayant choisi de grouper ces deux journées de prérentrée sont donc déjà rentrés le vendredi 30 août - sans compter ceux qui sont dans leur classe la dernière semaine d’août afin de préparer la rentrée…

Rejet des syndicats et de la communauté éducative

On se souvient que la possibilité de rentrer en août avait été évoquée dès novembre, lors de la présentation du projet de calendrier aux syndicats enseignants. Ceux-ci avaient à l’époque protesté : « Cela fait des années qu’on rogne sur les vacances d’été. Les profs se font beaucoup taper dessus, on veut préserver le peu de qualité de vie qu’il nous reste! », grognait Jean-Rémi Girard, du Snalc. Le ministère se défendait en expliquant que « ces ajustements visent à compenser l’allongement à deux semaines des vacances de la Toussaint et à faire démarrer les cours un lundi pour les élèves, ce qui évite d’organiser des journées de rattrapage compliquées pendant l’année scolaire pour arriver à trente-six semaines pleines de classe ». On notera qu'en 2016, la rentrée a lieu un jeudi.

Début janvier, plusieurs syndicats ont lancé une pétition contre cette rentrée anticipée, qui recueille pour l’instant 10 000 signatures.

Le 16 janvier, le Conseil Supérieur de l’Education se réunissait pour donner son avis sur le calendrier scolaire triennal. Le CSE avait massivement voté contre (41 voix contre les modifications, dont celles de la FCPE et du MEDEF, 19 abstentions, 3 refus de vote et 0 voix pour), pour deux raisons : la modification du calendrier pour tenir compte des desiderata du lobby du tourisme sans égard pour les élèves – ni une réforme cohérente des rythmes scolaires – mais aussi en raison de cette rentrée anticipée en août.

Août, un symbole

Personnellement, commencer le 31 août ou le 1^er septembre m’importe peu, et même je m’en fous complètement (dans quelles conditions la rentrée se fait-elle m’intéresse bien davantage). Mais en me forçant un peu je peux comprendre l’émoi que cela suscite.

- pour beaucoup, les deux mois d’été sont intouchables. « Déjà que depuis quelques années on finit de plus en plus tard en juillet, voilà qu’on va commencer en août ! », entend-on. De plus il y a, toujours vivace dans l’imaginaire collectif enseignant, ce mythe d’après lequel on ne serait pas payés durant les deux mois d’été (on a déjà démontré sur ce blog que rien ne le prouve) : dans ce cas, travailler en août ne pourrait se faire qu’en contrepartie d’une rémunération supplémentaire…

- et puis le mois d’août, c’est le mois des vacances et du repos par excellence ! Août, c’est le soleil, la chaleur, le bruit des vagues qui viennent lécher les pieds, les lunettes de soleil, les odeurs d’herbe fraîche et de blé coupé dans les prés, le bruit des cigales et des insectes, les yeux mi-clos après le pique-nique, au bord du ruisseau… Septembre, les journées raccourcissent d’un coup, les feuilles jaunissent à vue d’œil et tombent illico, septembre c’est la grisaille et les embouteillages sur les rocades de France et de Navarre… Rentrer en septembre relève presque du salut, rentrer en août serait comme quitter la noce avant la pièce montée.

On repense à cette chronique de Thomas Legrand, début 2013 sur France Inter : commentant la grogne enseignante quant aux nouveaux rythmes scolaires, il avait pointé un aspect décisif : « La seule chose qui leur reste, avec la sécurité de l’emploi, c’est le temps (…). Il y a certes quelque chose d’injuste pour les enseignants, qui n’ont pas de perspective d’évolution de salaire, au fait de ne pas pouvoir exprimer ouvertement leur attachement à la maîtrise de leur seul luxe, le temps ». Or, ce temps tend à se réduire comme une peau de chagrin : après le mercredi travaillé, juillet empiété, voici août rogné.

La réforme des rythmes prévoit deux semaines de moins en été

C’est ce que préconise aussi l’Académie de Médecine dans son célèbre rapport sur les rythmes scolaires : « Pour tenir compte des données biologiques il faudrait une année scolaire de 180 à 200 jours (avec comme corollaire la réduction des grandes vacances) ». Le projet initial de réforme des rythmes scolaires prévoyait également un passage de 36 à 38 semaines de classe, et donc deux semaines de moins en été. Quand on voit la levée de boucliers suscitée par cette prérentrée les derniers jours d’août, on comprend pourquoi le ministre a prévu cette partie de la réforme pour 2017…

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