Pour s'occuper: le site de l'orchestre d'Île-de-France propose des "pilules" musicales et gourmandes

"Piano is not dead" grâce à vous, cher Ludwig. Captation de l'image B. Renard

Oh! ce n'est pas nouveau: 22 résumés musicaux d'environ trois minutes, avec toutes les jolies techniques de la vidéo (façon dessin animé), que l'O.N.D.I.F. (l'orchestre national d'Île-de-France) a proposé en 2017 pour accompagner les concerts de sa saison. Mais ces pilules sont intemporelles et méritent d'être découvertes -ou redécouvertes- par tous les mélomanes frustrés.

L'orchestre d'Île-de-France autour d'oeuvres rares

Je ne parle pas assez de l'orchestre national d'Île-de-France (au chapitre de toutes les bonnes résolutions après-crise du pays, en voici une!), qui irrigue un territoire de dix millions d'habitants dans les banlieues avec une qualité et une originalité qu'il faut souligner. On en aura la preuve en allant voir ces (brèves) vidéos dont on regrette qu'elles n'aient pas été poursuivies les années suivantes. Coupe dans les budgets? On ne sait.

Stravinsky et Diaghilev devant Saint-Pétersbourg Captation: Bertrand Renard, France Infos Culture

Cela explique aussi le choix des oeuvres en question, qui n'encombrent pas les discothèques, puisqu'elles sont, ces oeuvres, celles données par l'O.N.D.I.F. en concert. Certes il y a la 5e symphonie de Beethoven. Mais d'autres bien moins courues, la 1e symphonie de Sibelius, le 1er concerto pour piano d'un Mozart de 8 ans (en regard du 4e concerto de Beethoven dont la comédienne aux manettes dit que "c'est son préféré"  -et comme elle a raison!) On découvrira aussi (dans un Week-end à Romela très peu connue Symphonie "Roma" de Bizet (composée lors de son séjour à la Villa Medicis après son prix de Rome à l'âge de 19 ans). Ou bien encore la thématique "héroïque" qui inclut Ravel (le Concerto en sol et c'est un peu abscons!) et Richard Strauss ("Une vie de héros", là c'est plus logique...)

Notre ami Verdi, entre opéras et "Requiem". Captation: Bertrand Renard

Corinne et Bernard "pour exciter oreilles et papilles"

Le site qui vous permettra d'écouter ces délicieuses pilules se nomme MarmitOndif : savant mélange de "diffusion", d'O.N.D.I.F. (acronyme de l'orchestre), et d'un fameux site de cuisine. Et le slogan de Corinne et Bernard (nos deux hôtes et guides) est d' "exciter oreilles et papilles" en faisant un parallèle entre la recette qui préside à une composition orchestrale et instrumentale ("prenez un lit de percussions, ajoutez une pincée de bassons et deux ou trois brins de cuivres" Bon, pourquoi pas?) De même, au rang des petits défauts, le ton exagérément enjoué de Corinne et un peu balourd du Bernard, qui pourtant en sait autant que sa camarade -ils se partagent très bien les informations qu'ils nous donnent.

 

Tamara Karsavina, Vaslav Nijinski, les créateurs de "Petrouchka" Captation: Bertrand Renard

Des informations de toutes sortes, qui rendent les oeuvres très vivantes

Peccadilles! Ce qui est très bien c'est qu'aucune des 22 pilules ne ressemble aux autres, et que, sur un ton grand public, on distille des informations parfois savantes, souvent très vivantes, sans jamais sombrer ni dans l'anecdote creuse ni dans le jus de crâne qui menace souvent les critiques (on se met dans le lot) Ainsi est-on très sensible à la manière dont est abordé le 4e concerto pour piano de Beethoven qui nous explique et quel genre de pianiste était Beethoven (il créait toutes ses oeuvres) et en quoi ce concerto a révolutionné le genre. Le petit Mozart de 8 ans nous met face au génie d'un gamin chaperonné par Papa Leopold. Le ballet Petrouchka de Stravinsky nous plonge dans cet extraordinaire vivier de talents des Ballets russes de Diaghilev (superbes photos de Karsavina et Nijinski, les créateurs, dans l'éclat de leur 20 ans) où la Russie pré-communiste est encore totalement tournée vers le reste de l'Europe. La 1e symphonie de Sibelius commence à Stockholm car c'est dans la capitale suédoise (on l'apprend) que le compositeur finlandais créa son oeuvre, selon le vieux proverbe: "Nul n'est prophète en son pays"

Le "Week-end à Rome" réunit Bizet et Bernard Chapelle, sur fond des légions de César! Captation: Bertrand Renard

La rencontre de Rachmaninov et Benny Goodman, la valse détournée de Mahler

On découvrira aussi, à propos de la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov, suite de variations que le pianiste-compositeur tira du 24e caprice pour violon seul, que si, on le sait, Brahms et Liszt en firent des variations avant Rachmaninov, Benny Goodman, avec sa clarinette, en proposait lui aussi des variations jazz à l'époque même où Rachmaninov finissait son existence du côté d'Hollywood. Enfin, la 5e symphonie de Mahler, qui n'échappe pas, à propos de son mouvement lent, à l'évocation de Venise et ses gondoles puisque ledit mouvement sert de musique au film Mort à Venise de Visconti, nous raconte la manière iconoclaste dont Mahler détourne le genre si noble et si viennois de la valse en une version "burlesque" (le sens du mot est beaucoup plus fort en allemand, c'est presque "grinçant"), comme il le fait d'ailleurs d'autres danses plus populaires, plus villageoises si l'on veut (préfigurant de quelques années La Valse de Ravel, valse noire si l'en est)

Citons donc, en les applaudissant, les "comédiens" (en fait elle est musicologue et lui est cadre à l'orchestre)  qui ont conçu et imaginé ce programme: Corinne Schneider et Bernard Chapelle. Rappelons que leur but n'est pas qu'on écoute les oeuvres (qui sont en fond sonore) mais de nous donner des clefs pour les écouter, afin que nos oreilles soient "excitées", et même éblouies, par leur génie.

MarmitOndif, un site proposé par Corinne Schneider et Bernard Chapelle avec le concours (actif) de l'orchestre National d'Île-de-France, 22 "pilules musicales et vidéo" à découvrir sur Internet.