Tout ou presque tout!
C'est le temps, dans les établissements culturels, de la présentation de la saison à venir. L'Opéra de Paris a inauguré le bal dès janvier. Nous vous en avions fait état. Si l'on s'intéresse cette fois plus spécialement à ce que nous propose le Théâtre des Champs-Elysées, c'est parce qu'il s'agit du seul lieu de Paris qui fasse place à tous les genres musicaux du monde dit classique: opéra, piano, musique de chambre, oratorios, musique symphonique. Et la danse en plus, pour faire meilleure mesure.
Des deux cents et quelque "levers de rideaux" proposés l'an prochain, voici la "substantifique moelle":
DES OPERAS
C'est la "cuvée prestige" chaque année, la "vitrine glamour": quatre ou cinq productions avec mises en scène qui assurent le rayonnement du théâtre.
En 2017-2018, une sorcière d'abord: "Alcina" Le personnage de Haendel sera Cecilia Bartoli, avec quelques partenaires... peu connus, Philippe Jaroussky, Julie Fuchs, Varduri Abrahamyan (qui sera prochainement Carmen à Bastille), sous la direction d'Emmanuelle Haïm. Bartoli, Jaroussky, Haïm, des habitués du théâtre (14 au 20 mars 2018) Jaroussky reviendra (avec Patricia Petibon!) du 22 mai au 2 juin pour l' "Orphée et Eurydice" de Gluck mis en scène par Robert Carsen.
La magnifique mise en scène d'Olivier Py pour "Dialogue des Carmélites" de Poulenc sera reprise (7 au 16 février) avec une distribution où l'on retrouvera parmi les chanteuses de 2013 Petibon, Koch et Gens sous la baguette de Jérémie Rohrer. Trois changements: Sabine Devieilhe remplacera Sandrine Piau en soeur Constance, Anne Sofie von Otter sera la nouvelle madame de Croissy et le brillant Stanislas de Barbeyrac incarnera le chevalier de la Force.
Enfin une initiative inédite dans nos théâtres: présenter le même opéra, en l'occurrence "Le barbier de Séville" de Rossini, sous trois formes. Deux dans la même mise en scène, de Laurent Pelly, à des dates entrecroisées (5 au 16 décembre 2017), avec une distribution "normale" (Kate Lindsey en Rosine, Michele Angelini en Almaviva, Florian Sempey en Figaro), et une autre intitulée "Jeunes talents" (Alix Le Saux, Elgan Llyr Thomas, Guillaume Andrieux) La troisième enfin (en janvier 2018) s'appellera "Un barbier": ce sera une version "ramassée" pour les scolaires, mise en scène par le débutant Damien Robert à la suite... d'un appel à candidatures! Nous y relevons en Almaviva le nom de Mathieu Justine (en alternance avec Pierre-Emmanuel Roulet) qui est un jeune ténor à la voix ravissante, avec qui nous avons eu le plaisir de chanter parfois.
DES OPERAS EN CONCERT
Le public est friand de ces soirées où des distributions prestigieuses ne s'encombrent pas de mises en scène qui méritent parfois d'être sifflées. Parmi la dizaine d'ouvrages une grande place est faite à l'opéra italien: "Lucia di Lamermoor" de Donizetti (12 septembre), "Madame Butterfly" avec Ermonela Jaho, Bryan Hymel et Marie-Nicole Lemieux sous la baguette de Mikko Franck (7 novembre), deux Verdi, "Macbeth" (24 octobre) et le rare "Attila" (15 novembre), deux Rossini, "La Cenerentola" avec Karine Deshayes (16 juin) et "L'Italienne à Alger" (22 juin)
On verra le petit prodige gréco-russe Teodor Currentzis diriger "La clémence de Titus" mozartienne (15 septembre) Le "Rinaldo" de Haendel réunira Sandrine Piau et Xavier Sabata sous la houlette de Christophe Rousset (5 juin) et "Jules César en Egypte" du même Haendel sera incarné par Lawrence Zazzo sous la direction d'Ottavio Dantone (16 octobre) Les Français seront trois fois à l'honneur: "Pelleas et Mélisande" dirigé par Benjamin Levy avec Guillaume Andrieux et Sabine Devieilhe (2 mai), "Faust" de Gounod (14 juin) dirigé par... Christophe Rousset encore, dont ce sera peut-être (à vérifier!) la première intrusion hors du répertoire baroque, avec Jean-François Borras et Véronique Gens en couple maudit et (en partie) sauvé.
Enfin la plus prestigieuse de ces soirées, à tel enseigne qu'elles seront deux, ce qui est rare: le "Samson et Dalila" de Saint-Saëns par Roberto Alagna et Marie-Nicole Lemieux, avec aussi Laurent Naouri (12 et 15 juin)
DES OEUVRES RELIGIEUSES
La traditionnelle "Passion selon Saint-Matthieu" de Pâques (24 mars), "La Création" de Haydn par le vétéran Jean-Claude Malgoire avec Sandrine Piau (22 janvier), le "Stabat Mater" de Pergolèse (Julia Lezhneva et Franco Fagioli, 27 mars), l' "Oratorio de Noël" de Bach dirigé par Vladimir Jurowski (17 décembre), le rarissime "Christ au mont des Oliviers" de Beethoven dirigé par Jerémie Rohrer avec Vannina Santoni et Jean-Sébastien Bou (16 janvier) Des Mozart enfin, "Requiem" (13 février) et "Grande messe en ut mineur" dirigée par Masaaki Suzuki (30 mai)
DES ORCHESTRES
Les plus prestigieux d'abord: le Philharmonique de Vienne, le 5 octobre sous la baguette de Zubin Mehta (Brahms, Haydn, Bartok) et le 10 avril sous celle d'Andres Orozco-Estrada, avec Yefim Bronfman jouant dans la même soirée le "2e concerto pour piano" de Bartok et le "3e" de Beethoven. Julia Fischer, elle, fera les "Concertos pour violon" de Brahms et Tchaïkovski mais en deux soirées avec l'orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg dirigé par Youri Temirkanov, son chef (8 et 9 novembre). Le reste du programme? Du Tchaïkovski (Symphonies 4 et 5)
Autres temps forts: une batterie de formations allemandes de quelque réputation: la NDR de Hambourg (16 septembre) dans Mozart (le concerto "Jeune Homme" par Alexandre Tharaud) et Mendelssohn, la Radio Bavaroise dirigée par Mariss Jansons (Schumann, Rachmaninov, Bernstein) le 26 mars, la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême dirigée par Paavo Järvi dans l'intégrale des symphonies de Brahms (4 et 5 avril), la Staatskapelle de Dresde commandée par Christian Thielemann le 29 mai (Liszt et Richard Strauss) D'autres phalanges proches du monde germanique seront là aussi: la Tonhalle de Zurich dirigée par Lionel Bringuier avec le très prometteur Igor Levit dans le "1er concerto pour piano", encore de Brahms (12 avril); deux fois l'orchestre de Rotterdam conduit par Yannick Nézet-Séguin, le 18 décembre dans Mozart ("27e concerto pour piano" par Nicholas Angelich) et Bruckner, le 26 avril dans Haydn, Rachmaninov (le rare "4e concerto pour piano" par Yuja Wang) et Tchaïkovski. Tchaïkovski par les anglais du Philharmonique de Londres le 12 février, dirigés par Christoph Eschenbach pendant que le Philharmonia de la même ville viendra le 17 avril jouer Beethoven et Mahler sous la baguette d'Esa-Pekka Salonen.
Enfin Philippe Herreweghe et l'orchestre des Champs-Elysées feront leur visite annuelle, le 9 octobre, dans Wolf et Mahler (chantés par Dietrich Henschel) et la "1e symphonie" de Brahms. Hervé Niquet, lui, le 14 octobre, fêtera les 30 ans du "Concert Spirituel". L'orchestre national de France viendra s'égarer certains soirs (28 septembre, mais avec Evgueni Kissin dans le "2e concerto pour piano" de Bartok et un programme passionnant comprenant aussi Enesco, Janacek et Kodaly, sous la baguette de Lawrence Foster; 12 octobre, Emmanuel Krivine dirigeant Mozart, Mahler (les "Kindertotenlieder" par Stéphane Degout), Brahms et Schubert; 18 janvier, la "3e symphonie" de Mahler sous la baguette de Robin Ticciati.
Enfin le 20 septembre l'orchestre Pasdeloup accueillera deux excellents solistes, trop discrets, Danielle Laval (Mozart) et Renaud Fontanarosa (Saint-Saëns)
Quant à l'orchestre de chambre de Paris, il est un partenaire privilégié du théâtre, sous la baguette de son chef titulaire Douglas Boyd ou des chefs invités. Quelques solistes de renom: François-Frédéric Guy dans son cher Beethoven (21 septembre; et 28 mars, où il dirigera) Vivica Genaux sous la baguette de Fabio Biondi (27 septembre), Sandrine Piau (11 octobre), Fazil Say (3 avril) jouant Beethoven et, dirigeant depuis leur instrument, Tabea Zimmermann de l'alto (24 mai) et Christian Zacharias du piano (le 20 juin)
Enfin le vétéran Michel Plasson sera le 25 mars à la tête de l'orchestre des concerts Lamoureux et de cette soprano rare qu'est Annick Massis pour célébrer le centenaire de la mort de Debussy.
LE CHANT
Les meilleurs: un gala Mozart avec Julie Fuchs, Kate Lindsey, Jean-Sébastien Bou et tant d'autres le 13 octobre. Jaroussky le 28 octobre (Haendel), Natalie Dessay et Laurent Naouri "de Baudelaire à Gainsbourg" le 10 novembre. Le 12 Juan Diego Florez. Le 12, mais décembre, Franco Fagioli et le 22, Andreas Scholl, puis le 15 janvier Max Emanuel Cencic: un festival de contre-ténors. Dessay reviendra avec Michel Legrand les 29 et 30 mars pour "L'extraordinaire histoire d'une femme ordinaire" qui pique déjà notre curiosité. Le 7 avril Devieilhe et Crebassa dans Haendel, sous la direction d'Emmanuelle HaIm. Le 3 mai Marina Prudenskaïa dont je vous parlais il y a peu (Mozart, Janacek, Brahms et Chostakovitch).
Et en juin un feu d'artifice: le 1er Sonia Yoncheva chante Verdi (avec monsieur! Nous verrons bien...); le 4, la pas encore très connue ici Anna Prohaska dans un programme passionnant avec l'Akademie für alte Musik de Berlin: "Shakespeare et la musique", donc des Anglais de l'époque, Blow, Locke, Dowland, Purcell mais aussi... Shakespeare lui-même. Le 13 la splendide Pretty Yende s'essaie elle aussi à la musique baroque (Haendel, Vivaldi) Enfin les 22 et 23 le festival Rossini de Pesaro (sa ville natale) débarque, une version de concert de l' "Italienne à Alger" le 22, un récital à deux voix Rossini-Verdi le lendemain.
Enfin deux "perles" qui ouvriront quasi la saison: Magdalena Kozena, le 29 septembre, qui se lance dans la musique espagnole, du baroque au... flamenco! Et Renée Fleming le 10 octobre: l'Américaine n'a pas chanté à Paris depuis... oh! là! là!
On finira, parce qu'on l'adore et qu'il en vaut, dans son genre, un certain nombre des cités plus haut: Julien Clerc le 4 mai, pour ses cinquante ans de carrière et ça ne nous rajeunit pas!
LE PIANO
Des habitués-stars: Fazil Say le 18 octobre, Evgueni Kissin le 14 novembre, qui s'attaquera à la "Hammerklavier" de Beethoven, Grigori Sokolov, le 4 décembre, dans Beethoven aussi (mais lui est capable de modifier le programme au dernier moment), Boris Berezovsky, le 12 janvier, tout en russe: Prokofiev, Scriabine, Rachmaninov. Nikolaï Lugansky, le 6 février: Rachmaninov aussi (pas les mêmes) et Schumann. Christian Zacharias le 15 mars, qui confronte, idée passionnante et rare, Haydn et Bach. Bertrand Chamayou, le 6 avril, autour de Liszt, oeuvres originales et transcriptions. Stephen Kovacevich le 6 juin (Beethoven encore, avec Chopin et Brahms) Enfin Arcadi Volodos le 19 juin.
Des jeunes pousses-stars ou de très grands musiciens en voie de l'être (stars, pas jeunes pousses): parmi les premiers, Denis Matsuev (plus si jeune) ouvre le bal le 13 septembre. Jan Lisiecki, 22 ans, jouera le 20 janvier un ambitieux programme: Schumann, Chopin, Ravel ("Gaspard de la nuit") et Rachmaninov. Andrei Korobeinikov le 17 mars et Kit Armstrong le 9 avril complètent le tableau.
Parmi les seconds on entendra le 22 septembre le trop discret Jean-Claude Pennetier (Mozart et Schubert), la grande pianiste roumaine Dana Ciocarlie jouer Schumann le 26 novembre, piano solo et avec orchestre (le "Concerto", évidemment), l'immense et tout menu Brésilien Nelson Goerner le 15 décembre. Une curiosité enfin, qui sera peut-être pour les Français une découverte: le pianiste aveugle japonais Nobuyuki Tsujii, une star dans son pays et de plus en plus ailleurs, dans un très ambitieux programme Beethoven-Chopin-Liszt, le 23 octobre.
LA MUSIQUE DE CHAMBRE
Nemanja Radulovic revient le 26 septembre, en duo violon-piano avec Laure Favre-Kahn; il avait eu le triste privilège d'être le premier artiste programmé après les attentats du 13 novembre 2015 et il l'avait assumé avec beaucoup d'élégance et de coeur. Edgar Moreau sera le 8 janvier en duo violoncelle-piano avec Sunwook Kim, tout en jouant seul en ouverture, la 1e suite de Bach. Un concert, comme tous les ans, de "Prades aux Champs-Elysées", le 19 mars, réunissant plusieurs artistes et, le 23 mars, pour son anniversaire, Kyung-wha Chung, la soeur du chef d'orchestre et elle-même grande violoniste, donnera sur, donc, une seule soirée, l'intégrale des sonates et partitas de Bach pour son instrument.
Enfin les deux chefs-d'oeuvre "pour les enfants" mais dans des versions un peu "nouvelles": "Le carnaval des animaux" par les soeurs Labèque et le quatuor Modigliani (le 18 juin) mais avec d'autres oeuvres "enfantines" pour deux pianistes de Fauré, Debussy, Ravel et Bizet, et Gaspard Proust en narrateur, qui mettra sans doute une goutte de vinaigre dans sa narration. "Pierre et le loup", ce sera un dimanche matin, le 26 novembre, et ce sera un "Pierre et le loup chez Tim Burton" avec un Comédien-Français pour nous le raconter, Elliot Jenicot: on est déjà impatient.
LES CONCERTS DU DIMANCHE MATIN
Toujours sous la houlette de l'inépuisable Jeannine Roze, toujours à onze heures, toujours selon la même formule :"une heure de musique sans entracte et placement libre", avec petit-déjeuner auparavant (et non pas "aux paravents") dans le hall du théâtre. Et donc des pianistes, Benjamin Grosvenor le 15 octobre, Paul Lewis le 21 janvier, Adam Laloum le 18 février, Till Fellner le 18 mars, Javier Perianes le 15 avril. Des duos violon-piano, Tedi Papavrami et Goerner le 11 février, ou violoncelle-piano, Alstaedt-Say le 10 décembre, Gabetta-Chamayou le 14 janvier, Mork-Abduraimov le 25 mars. Le Trio Wanderer le 3 décembre, le trio Helmchen-Weithaas-Hecker, chacun excellent soliste, le 22 octobre, le Quatuor de Jérusalem le 12 novembre, le Quatuor Belcea avec Antoine Tamestit le 8 avril, le Quatuor Van Kuijk avec Michel Portal le 11 mars. Ophélie Gaillard et son ensemble inaugurent la série le 8 octobre. Et puis Emmanuel Pahud en quintette à vents le 7 janvier, avec ses camarades Leleux-Meyer-Audin-Vlatkovic. Enfin Avi Avital, le mandoliniste, en trio mandoline-clavecin-violoncelle pour une heure baroque le 4 février.
Et le toujours enthousiaste Jean-Claude Malgoire, avec quelques beaux solistes dont Damien Guillon, dirige le "Magnificat de Bach" pour fêter Noël, le 17 décembre.
LA DANSE
On y reviendra, mais les amateurs seront à la fête, avec la poursuite du "L.A. Dance Project" de Benjamin Millepied (en avril), un "Hommage à Ingmar Bergman" par deux grands suédois (forcément) ,Alexander Ekman et Mats Ek (en juin), le ballet de Saint-Pétersbourg en février, le ballet national du Canada début octobre avec le "Nijinski" de John Neumeier; en, en juillet, un Pina Bausch rare, "Néfès", d'influence moyen-orientale, par son Tanztheater Wuppertal.
Quant au programme de Noël, plus de flamenco, mais Momix, la compagnie américaine de danseurs-mimes-illusionnistes.