Un autre "Carnaval des Animaux", très jazz, avec Cyrille Eldin en grand méchant loup

 

Cela s'appelle très exactement "Le carnaval jazz des animaux", c'est mené de manière échevelée, spectaculaire... et belle, par un jeune groupe de jazz men (ben oui, pas une fille, alors qu'elles sont en train de conquérir la planète jazz!), dix-sept en tout, de quoi bien s'amuser et faire des pétarades.Ces garçons ont donc constitué "The amazing keystone big band" et c'est vrai qu'ils le sont  parfois, "amazing" (incroyables): le peps, le son, l'écoute, l'échange, la couleur des timbres. La complicité. Rien à dire.

Leurs leaders (ils se sont tous connus au Conservatoire) sont le tromboniste Bastien Ballaz, le saxophoniste Jon Boutellier, le pianiste Frédéric Nardin et David Enhco, trompettiste et...frère d'un autre grand pianiste de jazz, Thomas Enhco. Et voilà qu'après avoir revu (et corrigé) les couleurs de "Pierre et le Loup", ils s'attaquent à un autre monument de la "musique pour la jeunesse" (comme il y a une littérature pour la jeunesse), "Le carnaval des animaux". D'ailleurs ils ont demandé à un auteur pour la jeunesse, Taï-Marc Le Than d'écrire une histoire, histoire qui n'existait pas vraiment, contrairement à celle de "Pierre et le Loup", ou alors sous forme de textes courts, les plus célèbres étant ceux de Francis Blanche. Mais Smaïn, Eric-Emmanuel Schmitt, François Rollin, s'y sont collés depuis.

HISTOIRES DE LOUPS

Le Than a imaginé un grand méchant loup qui veut profiter de la réunion des animaux au moment du Carnaval pour y tester de nouvelles nourritures. Evidemment il ne peut s'introduire auprès de ses proies (qui le redoutent) que sous un déguisement et toute l'histoire, très Tex Avery, se nourrit de ses diverses tentatives pour pénétrer dans le sanctuaire des réjouissances. On ne vous dira pas la fin, joliment subtile, qui joue en partie (pas que, évidemment!) sur le loup à grandes dents et les loups de visage et qui compense que l'intrigue, qu'il faut évidemment étirer sur une longueur raisonnable, ait parfois tendance à piétiner.

CYRILLE ELDIN DE NOUVEAU COMEDIEN

Edouard Baer a été le premier récitant de ce "Carnaval jazz". Cyrille Eldin lui succède, dans un Théâtre des Champs-Elysées plein à craquer, aussi bien dimanche matin que ce dimanche après-midi. On note aussitôt combien les parents (qui ont bien le droit de s'amuser eux aussi) ont échoué à convaincre leur progéniture d'au-delà de douze ans de les accompagner. Dommage car il arrive que le texte soit un peu compliqué pour les plus jeunes! Eldin nous rappelle qu'il est comédien à l'origine, avant d'être le trublion politique du "Grand Journal" Il distille avec humour et suavité les horribles pensées carnivores du loup et la litanie de ses conquêtes gustatives (dont l'hémione, ce" drôle d'animal au corps de zèbre, à la tête d'âne et aux pattes de cheval", qui est en réalité un âne sauvage des steppes d'Asie) Camille Saint-Saëns illustre l'hémione en musique par une course endiablée des mains du pianiste sur les touches, course que nous n'entendrons pas vraiment.

Frédéric Nardin et tout le Big Band C) P. Penicaud

Frédéric Nardin et tout le Big Band C) P. Penicaud

Je ferai deux reproches à Eldin: d'abord de ne pas toujours mettre la volupté nécessaire, un peu "grand-genre", qui rendrait le loup encore plus redoutable. Son loup a un côté "petit teigneux" qui en fait presque un personnage de cartoon. Par ailleurs (mais c'est un tort partagé) il commence parfois à parler sur la musique (ou, au contraire, les musiciens commencent à jouer quand il parle) et, comme c'est une musique de cuivres, forcément sonores, on perd une partie de son intervention. Ce sont des détails importants, pour un jeune public.

DES VARIATIONS JAZZ BRILLANTES

J'ai dit la qualité de "The amazing keystone big band". Je leur ferai à eux aussi un reproche: tout à leur bonheur de montrer leur talent de jazzeux, ils oublient trop souvent la musique de Saint-Saëns, pourtant si connue et que les parents ont peut-être fait écouter à leurs enfants avant de venir. On reconnait quelques notes d'un thème  (le coucou, la tortue, les kangourous, l'aquarium) et puis ce thème disparait dans des variations jazz, brillantes mais qui sont plus à usage de réels amateurs. Comme par hasard les deux moments qui ont musicalement le plus d'impact sur l'attention des jeunes et des moins jeunes sont la marche de l'éléphant (jouée quasi en entier) et le fameux "Cygne": je l'ai constaté autour de moi!  A rebours, on se tortille sur son siège quand les musiciens, entrainés par leur virtuosité, nous éloignent du sujet d'origine.

UNE FARANDOLE UN PEU ESCAMOTEE

Salve d'applaudissements pourtant. Les spectacles musicaux pour enfants sont si rares et celui-ci les respecte avec une pêche d'enfer, beaucoup de talent et pas mal d'humour (la jolie idée des plumes d'oiseaux exotiques qui tombent sur la scène) Mais quand les lumières se sont rallumées, que le théâtre s'est vidé, il n'en restait qu'un, poussant un grand cri (intérieur): "Il est où, mon Saint-Saëns? Elle est où, cette farandole finale et folle de tous les animaux, que je n'ai pas entendue""

Le spectacle est en tournée:

-à Blagnac (31) du 7 au 9 avril

-à Lorient (56) du 21 au 23 avril

-à Vitrolles (13) le 29 avril

-à Grasse (06) le 3 mai

-à Genève (Suisse) le 7 mai

-à Boulogne-sur-Mer (62) le 27 mai

-à Thionville (57) le 29 mai