Le blog Trans'Europe Extrêmes se rend pendant la campagne des élections européennes dans cinq pays où la droite populiste et eurosceptique est en plein essor. Après la Finlande, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie, direction la Hongrie.
Ils s'alignent en tailleur ou costume cravate, sourire Colgate sur les affiches électorales. Pourtant, le Jobbik hongrois, ultra-nationaliste, antisémite et anti-Roms s'est fait connaître grâce à sa milice paramilitaire, la Garde Hongroise. Interdite en 2009 et immédiatement reformée sous le nom "Nouvelle Garde Hongroise", elle organise notamment des virées dans les quartiers roms. Ça saute aux yeux et ça s'entend, un peu, dans le discours, le parti a commencé une mue spectaculaire en termes d'image et de communication.
"Israël" remplace "Juifs" et les bons Roms sont à distinguer des "fainéants"
Sur le fond, voici les points qui ont le plus changé :
- Auparavant ouvertement antisémite, le Jobbik préfère maintenant lutter "contre la domination d'Israël". Ils ne parlent plus de "Juifs", mais "d'investisseurs israéliens", comme cette députée que j'ai suivie en campagne contre la nouvelle loi sur les terres arables.
- Le discours anti-étrangers inclut une nouvelle cible : les oligarques hongrois "qui servent les intérêts étrangers". Les députés que j'ai suivis dans leur virée sur cette question des terres l'ont tellement répété au micro ou en répondant à mes questions, que ça a fini par clignoter dans mon carnet de notes. J'ai écrit cette phrase au moins 5 fois: "On n'est pas uniquement contre les étrangers, on vise aussi nos propres oligarques", également désignés comme "nos criminels politiques".
- Le discours violemment anti-Roms est devenu anti-Roms-qui-ne-veulent-pas-s'intégrer. "C'est un changement à moindre coût puisque, dans la tête de leur électorat, la différence entre Roms et 'Roms fainéants et criminels' n'existe pas", m'explique le Dr Hendrick Hansen, politologue à l'Université Andrássy de Budapest.
- Sur l'Europe enfin, le Jobbik a cessé de brûler des drapeaux, comme le note la photo ci-dessus tirée d'une revue scientifique allemande. "Ils ne veulent plus claquer la porte de l'Europe mais renégocier les traités, notamment concernant les investissements étrangers", note le chercheur. Ce qui revient au même puisque jamais Bruxelles ne laissera un Etat-membre revenir sur la liberté de circulation des capitaux.
Le "rêve" remplace la lutte contre "les parasites"
Côté image, ces deux vidéos de campagne aux élections législatives hongroises parlent d'elles-mêmes. La première date de 2010, la seconde de 2013 :
Nous travaillons et ceux-la ne font que nous voler... pour les criminels politiques tout est permis ?
J'ai peur de sortir dans la rue... pour les criminels roms tout est permis ?
Il n y a plus de produits hongrois dans les magasins... pour les multinationales tout est permis ?
Ras le bol des parasites, Votez Jobbik"
Pour vivre librement et trouver notre avenir dans le pays
Pour que mes enfants puissent grandir en sécurité
Pour pouvoir réaliser nos rêves
On ne peut plus arrêter l'avenir
Le parti le plus populaire parmi les jeunes"