François Fillon passe à l'offensive ! Candidat potentiel à l'élection présidentielle, l'ancien premier ministre souhaite sortir du feuilleton imposé par les amis de Nicolas Sarkozy sur le retour ou le non-retour de l'ancien président de la République dans la vie publique. Il veut sortir de la ritournelle des petites phrases et placer le débat interne à la droite sur le terrain des idées et du projet politique.
Alors même que les déflagrations provoquées par l'affaire Bygmalion se succèdent - démission de Jean-François de la présidence du premier parti d'opposition à l'Assemblée, mise en place d'un triumvirat de direction, découverte d'un système de fausses factures autour de la campagne présidentielle, prêt de 3 millions d'euros du groupe UMP au parti sans consultation des députés -, Fillon a décidé de prendre tout le monde de vitesse.
Dans un entretien à l'hebdomadaire l'Express, il expose les grandes lignes de son programme politique qui a toutes les caractéristiques d'un projet présidentiel. C'est une forme de réponse à la énième "carte postale" de Sarkozy envoyée dans la dernière livraison du Figaro Magazine où il lançait : "Il faut tout changer". L'ex-chef de l'Etat assurait ainsi : "Il faut réinventer le modèle démocratique français. Notre façon de faire de la politique, l'organisation des formations et les idées".
De Gaulle, Thatcher et Schröder
A ces généralités, qui ne fixent pas vraiment une ligne, Fillon oppose un projet précis frappé au coin d'un libéralisme assez brusque qui se veut en rupture. Il sait qu'il doit à la fois compenser un déficit de popularité et de dynamisme dans l'électorat de droite, face à Juppé et surtout à Sarkozy, et marquer sa différence programmatique avec Marine Le Pen qui tente de tracer un chemin libéralo-étatique afin de se ménager deux électorats que "drague" le Front national.
Comme il ne peut pas se référer uniquement à la révolution ultra-libérale thatcherienne - il a rendu un vibrant hommage à l'ancienne première ministre britannique, Margaret Thatcher, le 18 juin à Londres -, il englobe dans son propos le général de Gaulle - sa référence historique - et l'ex-chancelier allemand, Gerhard Schröder. Tous les trois sont, selon lui, les symboles de cette "rupture décisive" que Sarkozy n'a pas su incarner.
En matière économique, sociale et institutionnelle, Fillon déroule donc son projet dont les principaux points d'appui ne vont pas manquer de faire réagir, tant à droite qu'à gauche.
Les premiers mois du quinquennat
"Pour obtenir des résultats et un retour de la confiance, les mesures de rupture doivent être prises simultanément dans les trois ou quatre premiers mois d'un quinquennat", déclare-t-il. En conséquence, il proposera "un projet radical concentré sur une dizaine de réformes fondamentales".
Suppression de la durée légale du travail
"Il faut lever le verrou des 35 heures en mettant de la liberté dans le système économique et social français. Je ne veux pas qu'on passe de la baisse autoritaire du temps de travail à 35 heures à sa hausse autoritaire à 39 heures", assure-t-il, en rejetant les accords de branche pour privilégier la "négociation dans l'entreprise". Dans les fonction publiques (Etat, collectivités locales et hôpitaux), en revanche, Fillon se prononce pour le retour directif aux 39 heures instituées par François Mitterrand dans les années 1980.
Recul de l'âge de la retraite à 65 ans
"Il faut reculer l'âge légal à 65 ans. J'ai toujours regretté qu'on ne l'ait pas fait en 2010", souligne Fillon, qui en profite, au passage, pour régler un compte avec Sarkozy. "On n'a pas osé aller jusqu'au bout et on a fait croire, à tort, aux Français que cet effort serait le dernier", dit-il, en indiquant clairement que le "on" est l'ancien président.
Démantèlement du Code du travail
Estimant que le Code du travail est devenu "monstrueux", il suggère sa réécriture "pour ne garder que les normes sociales fondamentales et renvoyer le reste à la négociation dans les branches et les entreprises".
Indemnisation du chômage remise en cause
Fillon veut introduire "des règles plus strictes" pour les chômeurs. Il préconise donc la réduction du "plafond de l'indemnisation du chômage et des aides disponibles", l'introduction de "la dégressivité des allocations" et l'obligation d'une "formation professionnelle pour les chômeurs de moyenne et longue durée" qui devraient accepter les emplois proposés, si les conditions sont... "acceptables".
Hausse modulée de la TVA de 3 points
Pour financer "une baisse de 50 milliards d'euros des charges et impôts sur les entreprises", l'ancien premier ministre prévoit "une hausse modulée de la TVA de 3 points" et "une réduction de la dépense publique". Cette dernière sera détaillée à l'automne mais, d'ores et déjà, il annonce "une diminution massive des effectifs de la fonction publique", allant au-delà du fameux "1 sur 2" de feu la RGPP (Révision générale des politiques publique).
Pas de baisse d'impôts des ménages... maintenant
S'il propose de supprimer l'ISF (impôt de solidarité sur la fortune), Fillon est hostile - contrairement à l'UMP, ces derniers mois - à "une refonte radicale de la fiscalité sur les ménages dans le premier temps du quinquennat". Si la baisse des impôts des ménages "reste un objectif", elle n'est possible, pour lui, qu'après la restauration des "marges dégagées par notre productivité et la baisse de nos déficits".
Suppression des départements
Favorable à une "réduction drastique des niveaux de gestion locale", il se prononce pour "la fusion-absorption des départements dans les régions et des communes dans les communautés de communes". Résultats : disparition de 100 administrations départementales et passage de 36.000 communes à 6.000 ou 7.000. Pour y parvenir, Fillon proposerait "un référendum dans la foulée de l'élection présidentielle".
La radicalité contre la méthode douce
Aux manettes pendant cinq ans à Matignon et considéré, en son temps, comme un "collaborateur" par Sarkozy, Fillon risque de se voir opposé le fait qu'il n'a pas appliqué alors tout ce qu'il préconise aujourd'hui. A cet argument, il oppose un argument qui va probablement être au coeur du débat programmatique au sein de l'UMP... s'il a vraiment lieu.
"Pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, confie-t-il, j'ai été confronté en permanence à cette question de la radicalité de la réforme, à l'échec de la méthode douce." Cette "expérience, dit celui qui dirige temporairement le parti avec Juppé et Raffarin, eux aussi anciens premiers ministres, me donne plus de crédibilité qu'à ceux qui n'ont pas été confrontés à la réalité de l'exécutif." Et de conclure : "Moi, j'ai vu les conséquences de l'hésitation".