"Bonjour, Monsieur Phelps. Votre mission, si toutefois vous l'acceptez..." Ainsi ont commencé les 171 épisodes diffusés en 7 saisons, du milieu des années 1960 au début des années 1970, de la célèbre série américaine d’espionnage « Mission impossible ». A chaque fois, l’exposé de la mission via un magnétophone s’achevait, au bout de quelques secondes, par l’autodestruction de la bande magnétique.
A la même époque, mais pour une durée beaucoup plus brève, l’ORTF donna aussi à connaître une autre série venue d’Outre-Atlantique : « La quatrième dimension ». Le téléspectateur était transporté dans des histoires invraisemblables grâce à l’espace temps. Le but était de frapper son imagination, d’autant que la chute était toujours inattendue.
Un demi-siècle après la diffusion de ces séries télévisées, l’UMP est en train de réussir une synthèse politique et médiatique improbable dans laquelle la réalité dépasse la fiction. Tous les ingrédients sont réunis : la mission d’Alain Juppé pour laquelle il s’est auto-désigné, la dimension de la projection dans l’inconnu de Jean-François Copé et de François Fillon, l’autodestruction de l’UMP qui est en cours d’exécution.
Aucun scénariste n’aurait sérieusement imaginé un tel enchainement des événements depuis le résultat rocambolesque de l’élection par les militants du président du principal parti d’opposition, le 18 novembre, jusqu’à la mission de conciliation proposée par Juppé, le 22 novembre, en passant par les invectives des deux camps, le va et vient des protagonistes et atermoiements de la commission de contrôle du scrutin. Il serait passé pour un plaisantin.
Et pourtant, tout cela est arrivé ! Dans un immense éclat de rire hexagonal et au grand dam des militants UMP consternés. Car depuis plusieurs jours, les acteurs de cette tragi-comédie évoquent, sans aucun scrupule et, apparemment, sans aucun remords, les fraudes qui, à les écouter, ont affecté la consultation interne. Ces magouilles s’ajoutent au discrédit des instances chargées de contrôler et de valider les résultats.
Un prolongement direct de la défaite présidentielle
Une situation résumée par Fillon sous l’expression de « fracture politique et morale » à l’intérieur de l’UMP. Face à cette analyse, Copé s’accroche – avec raison sur le strict plan du droit – aux statuts et aux règles que le parti s’est fixé pour lui-même. La question est de savoir si ce psychodrame doit bénéficier seulement d'une approche juridique alors même que chacun sait qu’il a une dimension éminemment politique qui devra avoir une issue… politique.
C’est du reste pour cela que Juppé a donné un délai de 15 jours à sa médiation pour réussir à recoller les morceaux alors qu’une simple nouvelle comptabilisation des bulletins, avec examen des situations litigieuses, ne devrait pas prendre, au pire, plus de 72 heures. Le mal est évidemment plus profond car il est le prolongement direct de la défaite présidentielle et la manière d’aborder – ou de ne pas aborder – l’après sarkozysme.
Alors même que l’ancien président de la République, qui n’est plus protégé par son statut sur le plan pénal, entre dans une phase judiciaire délicate – affaire Bettencourt où il vient d’être placé sous statut de témoin assisté, affaires Karachi et des sondages de l’Elysée à venir –, les deux prétendants à la direction de l’UMP se sont lourdement décrédibilisés eux-mêmes.
Dès lors, la démarche de l’ancien premier ministre de Chirac et maire de Bordeaux ressemble à s’y méprendre à une « mission impossible ». On ne voit pas très bien comment, à partir de maintenant, l’un des deux aspirants-présidents pourraient être désigné – sereinement – vainqueur de la compétition. Il ne resterait plus, alors, qu’une seule solution à Juppé pour sortir de cette situation dans l’honneur : suggérer une nouvelle consultation.
C’est du reste une solution qui ne chagrinerait pas trop Copé tant il a démontré, vu de son pas de porte, qu’il avait réussi à déjouer les sondages. Une façon, grandeur nature, de rassurer ses partisans et d’encourager les tièdes à passer le pas. Finalement, ce scrutin inimaginable du 18 novembre n’aurait été, pour lui, qu’un simple tour de chauffe.