Vicky, quelle vie après l'usine ?

Vicky est une "enfant PSA". Son père, son oncle, son cousin. Dans sa famille, tout le monde travaille chez Peugeot. C'est tout naturellement que cette jeune bretonne a trouvé un CDI à l'usine PSA de Rennes (Ille-et-Vilaine) en 2004. Elle avait 23 ans, elle a aujourd'hui 31 ans et bientôt neuf ans d'usine derrière elle. Il y a trois ans, sa vie personnelle lui a donné envie de se rapprocher de Paris. PSA lui a proposé de choisir entre l'usine de Poissy (Yvelines) et celle d'Aulnay. Vicky a choisi Aulnay.Mauvaise pioche !

Vicky va quitter "la famille PSA"

Pendant les vacances de Noël, Vicky a pris une grande décision : quitter PSA. L'usine d'Aulnay va fermer, elle n'a plus le courage de demander une mutation à l'usine de Poissy, trop de contraintes pour organiser la vie de son petit garçon qu'elle élève seule. Pas question non plus de retourner à Rennes. À l'usine de La Janais, PSA envisage de licencier 1 500 personnes, elle n'a aucune chance.

La décision n'a pas été facile à prendre. "Cela me fait un peu peur de tout recommencer à zéro" nous confie-t-elle, "mais je suis seule ici sans famille, ça devenait trop dur". Elle se prépare à revenir à la case Pôle emploi, mais au moins elle aura sa famille pour la soutenir. Lorsqu'elle quittera Aulnay, Vicky ira vivre chez sa mère, en Bretagne, avec son fils. A 31 ans, elle le vit comme un échec mais est bien déterminée à rebondir.

L'heure du bilan

Vicky a entrepris un bilan de compétence, deux heures par semaine jusqu'au mois d'avril. Et normalement, à l'issue de ce bilan, elle devrait avoir construit "un projet professionnel". À chaque séance, elle revisite, avec l'aide de sa formatrice, Anne Basley, ses expériences professionnelles successives. Vicky a quitté l'école avec le niveau d'un bac littéraire. Elle a commencé à travailler dans un labo photo, puis a été chef de rang dans un restaurant avant de rentrer à  l'usine de La Janais à Rennes. Opératrice à l'atelier peinture, elle a pendant quatre ans été élue au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) pour la CFTC.

Et dans un bilan de compétence, c'est une expérience qui compte. A ce poste, elle a appris à aller à la rencontre des 600 ouvriers de la peinture, à les interroger sur leurs conditions de travail, les cadences, l'ergonomie. Elle a beaucoup aimé être leur porte-parole. Vicky a le goût des autres. L'idée de quitter cette "famille" avec laquelle elle se sent si bien - les petits cafés avec les copines, la solidarité dans la galère - aujourd'hui la rend triste.

Nous l'avons retrouvée devant la porte 3 pour l'accompagner à son bilan de compétence. Deux heures à l'extérieur de l'usine pour l'aider à imaginer son avenir.

 

Fin de l'aventure

Vicky va se réinventer une vie, elle en a l'énergie. Mais elle est aussi décidée à se battre  jusqu'au bout, pour obtenir le maximum avant de quitter l'usine : "Je veux que mon fils soit fier de moi !", s'exclame Vicky. La jeune femme n'a toujours pas digéré qu'on lui ait menti, et deux fois plus qu'aux autres : "Non seulement ils savaient que l'usine d'Aulnay allait fermer, mais en plus ils m'ont proposé d''y être mutée", raconte-t-elle.

Trop de mensonges pour Vicky qui ne croit pas davantage la direction de PSA lorsqu'elle dit qu'il n'y aura pas de licenciements secs. Elle s'enflamme : "Ici, y a des gens qui vont se retrouver sans rien du jour au lendemain, il y a des ouvriers abîmés qui ne retrouveront jamais du travail ailleurs. Ils mettent la clé sous la porte et salut, mais c'est grâce à nous s'ils ont fait des bénéfices !" Puis Vicky nous quitte, pour aller reprendre son poste en bout d'usine.

 

Publié par Francine Raymond / Catégories : Actu / Étiquettes : Vicky