On ne va pas au travail pour pleurer !

Rencontre avec Tanja Sussest, déléguée du SIA à l’usine PSA d'Aulnay-sous-Bois 

 Tanja (prononcer « Tanya ») - un nom qui rappelle que la leadeuse du Syndicat  indépendant de l’automobile d’Aulnay (SIA), vient de Serbie. C’est une femme très occupée, surtout depuis l’annonce du plan de licenciements. Le SIA est un syndicat maison qui se targue « de ne pas faire de politique et de défendre l’outil de travail ».

 

Tanja Sussest nous a donné rendez-vous au 75 avenue de la Grande-Armée, bâtiment cossu qui abrite le siège  de la griffe au lion. Ce matin, elle s'est un peu endimanchée en lâchant pour quelques heures son polo bleu marine. Elle a  peu de temps à nous consacrer avant une réunion de concertation avec les autres syndicats, sur le futur rapport d’expertise mandaté par le CCE. Placide mais déterminée, la jeune femme sait qu’une course contre la montre s’est engagée : "Tout va se jouer d'ici la fin de l'année, il faut se battre maintenant, avant la mise en place du PSE ».

Siège de PSA, avenue de la Grande Armée à Paris.

Elle le regrette mais pour pour l'instant personne n'a trouvé la solution magique pour empêcher le plan de licenciements.Tanja se plaît à le répéter : « Je ne fais pas de  politique, moi ce qui m'intéresse c'est l'avenir des gars  d'Aulnay,  aucun d'eux ne doit pointer se retrouver à Pôle emploi en 2014 ». C'est son défi.

Jusque là, Tanja avait plutôt tendance à croire la direction lorsque celle-ci affirmait ne pas vouloir fermer l'usine. À tel point qu’en 2011, quand la CGT sort un document secret, dénonçant l’intention de PSA de fermer Aulnay, au début, elle n’y croit pas : « J’ai pensé, ils n’ont que ça à faire, ça doit être un truc bidon ». Mais cette fois, la direction de PSA n’a pas nié et là, avec ses camarades du SIA, elle s’est dit qu'il y avait un truc bizarre, qu'ils préparaient un mauvais coup.

L’usine d’Aulnay, dans laquelle elle est entrée en 1994 pour son premier job d’étudiante (pour ne plus la quitter), allait bel et bien fermer ses portes. Du coup en juillet 2011, le SIA (Syndicat Indépendant de l'automobile) rejoint la CGT dans la lutte  : « On nous a menti en nous disant que ce n’était pas d’actualité, on  ne peut que se battre, c’est la vie de 3000 familles qui est en jeu ».

Ce qui lui a fait le plus mal, en juillet dernier, à l'annonce de la fermeture de l'usine par la direction, c’est de voir pleurer ses collègues « de la peinture », où elle a fait une grande partie de sa carrière « on ne vient pas au travail pour pleurer ! ». A l’intérieur de l’usine, c'est très dur au quotidien : « On ne voit pas la direction, ils sont toujours en réunion et donnent très peu d'informations, les gens sont perdus, inquiets, ils ont l’impression que c'est une vie qui s'arrête ».

Tanja ne comprend pas très bien où veut en venir la direction de PSA, avec les « arrêts managés », plusieurs fois par jour, des arrêts techniques qui stoppent la production de l'usine - « ça mine le moral ».

Mais la vie continue... Tanja, qui se vit un peu comme une assistante sociale, raconte comment avec le CE, ils préparent déjà l'arbre de Noël des enfants d'Aulnay, ainsi que le « Jeu des ateliers », qui permettra bientôt aux ouvriers de gagner des cadeaux.

Son avenir, Tanja l'a déjà prévu, ou presque : « J’ai choisi de ne pas être reclassée pour éviter les pressions, je ne voulais pas dealer ma situation, et celle de mon mari qui travaille aussi à Aulnay, contre celle de toute l’usine. Ainsi, je suis libre de mes actes ». 

Elle envisage de changer de métier, peut-être monter un petit commerce, devenir son propre patron : « Quand on est employeur, on n'a pas envie d’embaucher un leader syndical... Ce que je peux comprendre ! »

Tanja s’échappe soudain : son collègue de la CGT, Jean Pierre Mercier, vient d’arriver. C’est le début de leur réunion. Et si l'on en croit Tanja Sussest, la lutte ne fait que commencer.

Le 20 septembre dernier avec le délégué CGT d'Aulnay après leur rencontre avec François Hollande.