Onze mangas pour se mettre à la BD japonaise à l'occasion de Japan Expo 2018

C'est le rendez-vous incontournable des amateurs de mangas. Cette année encore, la Japan Expo ouvrira ses portes au Parc des Expositions de Paris Nord-Villepinte, du 5 au 8 juillet. L’occasion idéale pour les 230 000 visiteurs attendus de découvrir l’incroyable variété de titres proposés sur le marché français (parce qu’il n’y a pas que One Piece dans la vie). La preuve en onze titres très différents, soigneusement sélectionnés par Pop Up’.

Le manga documentaire : "La Virginité passé 30 ans - Souffrances et désirs au quotidien"

Au Japon, un quart des hommes de plus de 30 ans seraient vierges. Une statistique effarante qui porte un nom : le phénomène "des puceaux tardifs". Pour tenter de comprendre les raisons qui poussent quatre millions d’individus masculins à se couper de toute relation avec le sexe opposé, le journaliste Atsuhiko Nakamura est allé à leur rencontre. Après avoir raconté leurs histoires dans un livre (non traduit en français), huit de ces hommes sont aujourd’hui racontés à travers le trait mi-caricatural, mi-réaliste, du mangaka Bargain Sakuraichi alias Toshifumi Sakurai, auteur de Ladyboy vs Yakuza, l’île du désespoir, également publié aux éditions Akata.

Loin des salarymen au bord du burn-out et des étudiants biberonnés aux cours particuliers, La Virginité passé 30 ans nous dresse un autre portrait de la société japonaise, celle de la misère sexuelle, des blind dates et de la marginalité sociale. Totalement incapable de communiquer avec des femmes qu'ils idéalisent totalement, certains de ces hommes sont finalement contraints d’accepter des relations homosexuelles, de tenter de devenir acteur porno ou, pire, de devenir auxiliaire de vie pour personnes âgées, pour avoir des relations charnelles. Un manga sous le prisme sociologique consternant et tellement fou qu’on peine à croire que ces hommes existent vraiment.

La Virginité passé 30 ans par Atsuhiko Nakamura (scénario) et Bargain Sakuraichi (dessin), éd. Akata, 235 p., environ 13 euros.

Le manga féministe : "Sunny Sunny Ann !"

Ann entend vivre sa vie comme elle le souhaite. Sans mari, sans maison, sans enfant, elle a choisi de dormir dans sa voiture où elle y accueille quelques messieurs lorsque le besoin d’argent est trop prégnant. Mais cette liberté n’est pas du goût de tous, et à la suite d’une rencontre qui tourne mal, Ann est contrainte de fuir. Un excellent prétexte pour nous entraîner dans un road-trip émaillé de drôles de rencontres.

Ce qui surprend dans Sunny Sunny Ann !, c’est le trait de son auteure, Miki Yamamoto. A mille lieux des standards de la bande dessinée japonaise, ses dessins, qu’on imagine tracés au pinceau en poil de martre, transpirent la liberté. Ça tombe bien, c'est justement tout ce que revendique son héroïne. Ce deuxième album très prometteur a d'ailleurs remporté le prix culturel Osamu Tezuka dans la catégorie “jeune auteur”. On espère désormais que les éditions Pika ne vont pas tarder à publier How Are You ?, le dernier album de cette auteure à suivre.

Sunny Sunny Ann ! par Miki Yamamoto, coll. Graphic aux éd. Pika, 208 p., environ 16 euros.

Le manga obsessionnel : "Mimikaki - L'étrange volupté auriculaire"

Traditionnellement, au Japon, on n’utilise pas de coton-tige pour se nettoyer les oreilles mais un mimikaki, un bâtonnet à l’extrémité recourbée, qui peut être en bambou ou parfois en métal. Un outil souvent associé à la mère qui le manie avec dextérité sur ses enfants, leur tête posée sur ses genoux. Une pratique rituelle qui procure tant de plaisir (proche de l'orgasme pour certains) que des salons dédiés ont ouvert afin d'offrir à une clientèle adulte un nettoyage d’oreilles dans les règles de l’art.

Après nous avoir conté les histoires des clients d’un restaurant de nuit tokyoïte dans La Cantine de minuit (dont le quatrième tome est attendu à la rentrée), Yarô Abe nous dévoile un autre pan méconnu de la culture japonaise à travers neuf histoires courtes sur les clients de Shizue, une femme réputée pour la volupté de son maniement du mimikaki. Les sensations ressenties par les clients sont habilement mis en images à travers des cases très métaphoriques. C’est surprenant, drôle et poétique à la fois. Un petit bijou, déniché, une fois encore, par les éditions Le Lézard Noir (Chiisakobé).

Mimikaki par Yarô Abe, éd. Le Lézard Noir, 187 p., environ 13 euros.

Le manga "tranche de vie" : "Kamakura Diary"

Kamakura Diary, c’est l’histoire des quatre sœurs Kôda qui grandissent dans leur maison familiale à Kamakura, une ville côtière située au sud de la capitale japonaise et lieu de villégiature prisé des Tokyoïtes. Histoires d’amours, tensions familiales, difficultés professionnelles, chagrins, c’est la vie que nous raconte, simplement mais avec une grande subtilité, Akimi Yoshida, auteure du désormais culte (et malheureusement épuisé, mais l’animé devrait prochainement débarquer sur Amazon Prime Video) Banana Fish (éd. Panini Mangas).

Dans Kamakura Diary, la vie suit son court, avec ses joies et ses peines. Sans pouvoirs magiques, sans monstres à combattre mais avec pour seule arme sa sensibilité et sa compréhension de la complexité des relations humaines. C’est très beau, très bien écrit, mais à 61 ans, l’auteure prend son temps entre chaque volume (entre 15 et 18 mois en moyenne). De quoi savourer chaque case en attendant le neuvième tome.

Kamakura Diary par Akimi Yoshida, huit tomes en cours aux éd. Kana, environ 200 p. et 7 euros le tome.

Le manga historique (à tous points de vue) : "Kingdom"

Si vous suivez l'actualité des mangas au Japon, vous avez forcément déjà entendu parler de Kingdom. Ce seinen (manga destiné aux jeunes adultes), prépublié dans l'archipel depuis 2006, y cartonne (c'est la troisième meilleure vente de mangas l'an passé). Et si le titre comptait une solide fanbase en France, il n'avait jusqu'à présent jamais été publié. Mais ça, c'était avant. Le tout nouvel éditeur Meian (appartenant, comme Boy's Love, au groupe IDP) s'est finalement lancé dans l'aventure. Un pari audacieux puisque la série compte déjà 50 tomes. Pour cette édition exceptionnelle, Meian prévoit de publier la série à un rythme inédit de deux tomes par mois à compter de septembre, mais les deux premiers tomes seront exceptionnellement disponible sur le stand de l'éditeur à la Japan Expo.

L'occasion de se plonger dans la Chine ancestrale, alors divisée en sept royaumes, pour y suivre la destinée de Shin, un jeune orphelin qui va gravir les échelons de l'armée en espérant devenir un jour Grand Général. Un manga épique sur une période méconnue de l'histoire de la Chine qui conduira à l'unification du pays grâce à la volonté d'Ei Sei, le roi de l'état de Qin, qui passera neuf années à conquérir tous les royaumes.

Kingdom par Yasuhisa Hara, éd. Meian, environ 220 p. et 7 euros le tome. Sortie des deux premiers tomes en librairie le 15 septembre 2018.

Le manga yaoi :" In These Words"

Vous n'avez jamais voulu lire de yaoi, ces mangas à destination des adolescentes qui mettent en scène des romances entre hommes, parce que vous ne pensez pas être la cible ? Vous pourriez bien changer d'avis avec In These Words du tandem d'auteures Guilt | Pleasure alias Jun Togai et Narcissus, deux américaines d'origine taïwanaise. Un thriller érotique, bien loin des histoires d'amour à l'eau de rose très répandues dans le yaoi, qui met en scène la relation entre un serial killer et le profiler qui a permis son arrestation. Attention, c'est cru, violent, surtout dans les scènes de sexe, et absolument pas crédible dans son scénario. Un pur yaoi, aussi divertissant qu'excitant.

Quatre ans après le lancement de la série en grande pompe, les éditions Taifu Comics proposeront aux visiteurs de se procurer en avant-première sur leur stand de Japan Expo le troisième tome de la série en édition limitée. L'occasion parfaite de débuter le yaoi avec un titre mature.

In These Words de Guilt | Pleasure, trois tomes en cours aux éd. Taifu Comics, environ 200 p. et 10 euros le tome. Le tome 3 édition classique sera disponible en librairies le 27 septembre.

Le manga patrimoine : "Ayako"

Pour célébrer le 90e anniversaire de la naissance d'Osamu Tezuka (mort en 1989), les éditions Delcourt / Tonkam rééditent quelques uns des chefs d'œuvres de celui que l'on nomme désormais "le dieu du manga". L'occasion de (re)découvrir l'immense talent de ce mangaka, sorte d'Hergé en version orientale, dont le trait, le rythme et le découpage influencent encore la BD japonaise contemporaine. Réunis en un seul volume, les trois tomes d'Ayako se retrouvent compilés en un épais et luxueux album de plus de 700 pages comportant une fin originelle (et inédite en France) d'Ayako, commentée par le maître.

L'occasion de nous plonger dans le Japon de après-guerre, encore occupé par les Américains, à travers le destin de la famille Tengé, des propriétaires terriens dépossédés de leurs biens depuis la réforme agraire. Une famille décomposée avec laquelle renoue Jiro, le fils cadet. Ancien prisonnier devenu espion à la solde de l'occupant, il découvre le drame qui s'est noué en son absence : la naissance d'Ayako, la fille que son père à eu avec sa belle-fille avec l'accord de son frère aîné, qui a "prêté" son épouse en échange de l'héritage. Une immense tragédie familiale mâtinée de polar d'espionnage sur fond de fresque historique. Un ouvrage indispensable à toute bibliothèque qui se respecte.

Ayako, intégrale 90e anniversaire par Osamu Tezuka, éd. Delcourt / Tonkam, 728 p., environ 30 euros.

Le manga de nouvelles : "Sous un ciel nouveau"

Depuis le début de l'année, les éditions Ki-oon ont décidé de commencer à éditer leurs propres mangas (en plus des titres déjà publiés dont ils achètent les droits de publication). Après Momo et le messager du Soleil destiné à un très jeune public, c'est un recueil de nouvelles, initialement publiées sur internet, que nous propose l'éditeur de My Hero Academia. Leur point commun : sonder les relations humaines avec finesse et sensibilité. Comme l'histoire de Naoto, un jeune garçon élevé par son père veuf qui aimerait que ce dernier lui consacre plus de temps. Ou celle avec ce couple de retraités qui décident de quitter leur province pour aller faire tourner le café de leur fils qui vient de mourir.

Graphiquement, les personnages dessinés dans un style réaliste par Cocoro Hirai sont très réussis, ce qui compense l'absence de décor qui semble ne pas être le point fort de la dessinatrice. Quant aux histoires signées Kei Fujii, elles sont toutes vraiment poignantes. Un joli album grand format, parfait pour découvrir le manga en douceur.

Sous un ciel nouveau par Kei Fujii et Cocoro Hirai, coll. Latitudes aux éd. Ki-oon, 240 p., environ 15 euros.

Le manga français : "Talli, fille de la Lune"

Depuis le succès de la série Radiant signée Tony Valente, dont l'adaptation en série animée est en cours au Japon, les éditions Ankama reçoivent de très nombreuses propositions de mangas réalisés par de jeunes Français. Problème, si "les dessins sont souvent de très bonne qualité, le scénario est parfois un peu faible", confesse Elise Storme, l'éditrice de Radiant. Ce n'est pas le cas de Talli, fille de la Lune signé Sourya, un dessinateur que les amateurs du Label 619 connaissent bien car il tenait les crayons de Rouge, le spin-off de Freaks' Squeele

Dans sa première œuvre en tant que scénariste et dessinateur, Sourya imagine un univers fantasy autour de Talli, la fille adoptive d'un seigneur féodal, qui décide de prendre la fuite afin de découvrir l'origine de son mystérieux et dangereux pouvoir qu'elle ne comprend (et ne maîtrise) pas vraiment. Un scénario de shônen, certes classique, mais bien écrit, parfaitement réalisé et édité en un bel album grand format avec un sens de lecture occidental. Les personnages sont attachants, les scènes d'action bien foutues et les blagues plutôt drôles. Bref, de quoi faire de l'ombre à Radiant si le rythme de parution s'accélère. Mais pour l'instant, il faudra patienter jusqu'en 2019 avant de découvrir le tome 2.

Talli, fille de la Lune, tome 1 par Sourya, éd. Ankama, 162 p., environ 12 euros.

Le manga qui motive : "Blue Giant"

Dans les mangas shônen (destinés aux jeunes garçons), il est souvent question d'un héros qui souhaite devenir le meilleur dans son domaine. Le meilleur pirate dans One Piece, le meilleur chasseur de monstres dans Radiant, ce désir de se transcender tourne généralement autour des capacités physiques de l'individu, mais pas toujours. C'est le cas avec Blue Giant où le jeune lycéen au cœur du récit souhaite devenir... le meilleur saxophoniste. Après Kids On The Slope (éd. Kazé), on plonge à nouveau dans le monde du jazz à travers le jeune et fougueux Dai Miyamoto qui, sans talent mais à force de souffler comme un dingue dans son instrument tous les jours, finit par décrocher une première représentation.

Faire un manga qui parle de musique sans musique est toujours un exercice de style délicat mais ce pari est ici réussi grâce au talent de l'auteur qui use des cadrages et des speed lines pour transmettre la puissance du saxophone et l'énergie de Dai à en jouer. Dessinée (dans un style très limpide, qui rappelle un peu celui de Naoki Urasawa) et scénarisée par Shinichi Ishizuka (Vertical), Blue Giant est une série en dix tomes qui vient de débuter en France et que les éditions Glénat publieront à un rythme mensuel. Profitez de votre passage à la Japan Expo pour dégoter le tome 2 de cette série prometteuse.

Blue Giant, tome 1 de Shinichi Ishizuka, deux tomes disponibles en France, éd. Glénat, 226 p., environ 7 euros. 

Le manga d'amouuuuuur : "Takane & Hana"

TAKANE TO HANA © Yuki Shiwasu 2015 / HAKUSENSHA, Inc.

Pour faire plaisir à sa sœur aînée pas franchement emballée par l'idée d'un omiai, un rendez-vous dans le but d'un mariage arrangé, Hana, 16 ans, s'y rend à sa place. Mais agacée par l'arrogance de Takane, un héritier aussi fortuné que désabusé, Hana l'envoie balader. Et évidemment, cela éveille la curiosité du jeune homme, pas habitué à être traité de la sorte. Commence un jeu de séduction peu conventionnel entre les deux jeunes gens où les répliques vont fuser.

Lauréat du Daruma du meilleur shôjô en 2017, Takane & Hana aborde la différence d'âge dans le couple (Takane a dix ans de plus qu'Hana), mais surtout la différence sociale. Avec son héroïne à la langue bien pendue, le manga de Yuki Shiwasu s'avère être un excellent divertissement, qui met l'accent, avec beaucoup d'humour, sur les travers de ses protagonistes.

Takane & Hana de Yuki Shiwasu, neuf tomes en cours en France, éd. Kazé, environ 200 p. et 7 euros le tome. Le tome 10 sera disponible le 16 août.