La BD de la semaine : "Steak it easy", l'autobiographie hilarante de l'auteur de "Zaï Zaï Zaï Zaï"

Après l'énorme succès critique rencontré l'an passé par Zaï Zaï Zaï Zaï, voilà une réédition judicieuse des premiers albums à caractère autobiographique de Fabrice Caro, alias Fabcaro. L'occasion de (re)découvrir l'œuvre plus personnelle de cet auteur et dessinateur français, en attendant son prochain album Pause, dont la parution est prévue au printemps prochain.

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De quoi ça parle ?

Entre 2005 et 2009, Fabcaro a publié, aux éditions La Cafetière, trois récits autobiographiques dans lesquels il révélait, avec beaucoup d'autodérision, ses plus belles névroses. De son incapacité maladive à communiquer avec autrui dans Le Steak haché de Damoclès, de sa difficulté à devenir adulte dans Droit dans le mûr et de ses souvenirs de jeunesse (souvent peu glorieux) liés à des chansons dans Like a steak machine. Boosté par le récent succès de son dernier album Zaï Zaï Zaï Zaï (éd. Six pieds sous terre), son éditeur a choisi de regrouper ces trois albums en un seul volume, rebaptisé Steak it easy. Du neuf avec du vieux, mais qui permettra à tous ceux qui viennent tout juste de découvrir le potentiel humoristique de Fabcaro d'en apprendre un peu plus cet auteur ultra discret (et pour cause).

Pourquoi on adore ?

Parce qu’on a tous connu ce moment gênant où, alors qu’un coiffeur terminait de s’échiner sur notre tête, s’éloignant à chaque coup de ciseaux de notre idéal capillaire, on n’a pas été fichu d’émettre la moindre désapprobation alors qu'il demandait si l’on était satisfait. Car Fabcaro, c’est vous, c’est moi, c’est nous quoi. Certes, parfois dans des proportions beaucoup plus invalidantes. Oui, Fabrice Caro est d’une timidité maladive, de celle qui vous rend incapable de dire non de peur de contrarier son interlocuteur (même quand celui-ci s'obstine à vous appeler Fabien au lieu de Fabrice) ou même simplement de donner son avis de peur de paraître ridicule en société. A l'aide de saynètes griffonnées, Fabcaro se remémore ainsi tous les moments de sa vie en peu honteux, transformant cet ouvrage en un aveu d'impuissance doublé d'une catharsis.

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Parce que s’il se décrit comme un handicapé de la communication (et il est effectivement bien gratiné), l’auteur ne s'apitoie jamais sur son sort, préférant en rire et surtout nous faire rire. Car Steak it easy est un album remarquablement drôle. Peut-être pas autant que Zaï Zaï Zaï Zaï, qui excellait dans l’humour burlesque, mais suffisamment pour que vous passiez un bon moment à moquer ce pauvre bougre, dont la lâcheté assumée le place en permanence dans les pires situations.

Parce que "wouwouwouw…". C’est le running gag le plus drôle de cet album trois-en-un et c'est également la confession la plus périlleuse. Dès les premières pages, Fabcaro avoue qu'il est incapable de se concentrer sur ce que lui disent ses interlocuteurs, quels qu’ils soient. Au bout de quelques phrases, voire quelques mots, il décroche et n’entend plus que des "wouwouwouw". C’est d’autant plus drôle qu’à la lecture du Steak haché de Damoclès, ses proches ont compris pourquoi il "n’écoutait jamais" et que ses "tu m'étonnes..." avertissaient tandis qu'il avait complètement décroché.

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Parce qu’il a fait d’un steak haché le fil rouge de ces trois albums. Ce steak haché qu’il a, à sept ans, ramené à sa mère au lieu de la baguette qu’elle lui avait demandée. Simplement parce que le jeune Fabrice s’était trompé de boutique et n’avait pas osé protester quand le boucher lui avait demandé si c’était bien un steak haché qu’il souhaitait. Le début d'un très long malentendu.

C’est pour vous si…

Vous êtes un timide invétéré ou si vous connaissez ce genre de spécimen, ruez-vous sur Steak it easy. Si vous avez découvert Fabcaro avec Zaï Zaï Zaï Zaï et si vous êtes persuadé que c’était l’album le plus drôle de l’année 2015. Et si vous voulez en apprendre davantage sur cet auteur discret, qui reviendra en 2017 avec un nouveau récit autobiographique, Pause (éd. La Cafétière), fruit des changements provoqués par le récent coup de projecteur dont il a bénéficié après le succès de son dernier album, multi-récompensé. Tel que le bonhomme se décrit dans Steak it easy, pas sûr qu’il l’ait très bien vécu. Espérons juste que cette pause qu'il semble souhaiter ne dure pas trop longtemps.

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Steak it easy de Fabcaro, coll. Corazon aux éd. La Cafetière, 144 p., environ 19 euros.